Antennes et doobitchou

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- Bon maintenant ça suffit, j’en ai assez !

- Boobatsu ?

- Il n’y a pas de boobatsu, de doobitchou ou de quoi qui tienne ! J’en ai plein le cul !

- De quoi précisément Eriko ?

- À votre avis l’emplumé ? À votre avis ? Trois futurs d’affilée sans croiser le moindre péquin, ni débusquer la plus petite trouvaille ! Pas d’humains, pas même un crétin, seulement de la charogne retournée à la poussière. Plus de 80% de probabilité pour les trois. Pas de doute, notre espèce est vraiment née pour gagner.

- Il n’y a pas à gagner ou perdre dans le cycle de l’évolution, Eriko. Vous êtes scientifique, vous devriez le savoir…

- Oh par le majeur du pape, Leone ! Vous avez parfaitement compris où je voulais en venir.

- De mon point de vue, il y a des leçons à tirer de tels voyages. Vous devriez d’ailleurs envoyer vos recherches à l’Institut de France pour…

- Qu’il me vole mes recherches et mon invention ? Ça ne vous a pas suffit à votre époque ? Je préfère partager le mystère de mon invention à travers des journaux indépendants, puis arriver avec une technologie et une pluie de données bouleversantes. Pas être encore porteur de nouvelles à vouloir crever, la tête dans une éprouvette.

- D’où le billet du Ricaneur Désinvolte.

- Grandiloquent, mais pareil, l’idée est là. Il n’y a pas meilleur arme que la rumeur dans nos sociétés contemporaines. La science se penchera sur mon cas plus tard. Pour l’heure, toutes les têtes d’ampoule eco+ ont les diodes pointées vers le passé. Les futurs potentiels attendront. La gloire aussi, non que j’en ai quelque chose à carrer.

- Arriba chandler, ralla poo.

- Je t’emmerde Chang. Un problème la Chouette ?

- Vous pouvez cesser de m’appeler ainsi, vous savez.

- Oui, oui, mais non. Vous n’aviez qu’à pas me tendre une perche pour vous faire surnommer de la sorte dès notre première rencontre. Bref, quelque chose qui vous turlupine ?

- En partie, mais… pourquoi continuez-vous de faire ça ?

- Parce que vous l’avez cherché, je viens de vous le dire. Ça va là-haut ?

- Non, faire des allers-retours entre le présent et ces hypothétiques avenirs.

- Pour la science, je vous l’ai dit.

- Dans ce cas, pourquoi garder la somme de vos découvertes pour vous ?

- Je veux garder la main mise sur mes recherches aussi longtemps que possible, c’est tout. J’ai eu le malheur de me montrer trop généreux il y a longtemps et… de toute manière, mes motivations comme ma vie passée ne vous regarde pas ! Je ne veux pas déclencher de guerre interstellaire ou lâcher des colombes radioactives, si c’est ça qui vous inquiète. Je veux… bien des choses. Notamment empêcher les pires atrocités que l’humanité ne cesse de réinventer chaque jour. Ça vous pose problème ?

- Je ne vois pas en quoi cela devrait. Vous avez une étrange manière de le faire savoir…

- Question de point de vue. Au moins, nous sommes d’accord. Comment avez-vous trouvé la combinaison au fait ?

- Un peu encombrante et pas franchement pratique pour jouer du piano.

- Vous êtes pianiste vous ?

- C’était une boutade Eriko, mais oui, un peu.

- Je ris à gorge déployée comme vous le voyez. Je parlais surtout de la synchronicité avec votre… organisme.

- C’était parfait, merci… Bien que l’isolation thermique avait tendance à tirer sur la turbine.

- Hum, hum… à peaufiner donc. Je vois, je vois… Autre chose ?

- Puisque vous le demandez, j’en ai une qui me démange depuis que je vous suis.

- Accouchez.

- C’est à propos des points d’ancrage…

- Encore ?! Qu’est-ce que vous n’avez toujours pas compris ? Même ce jobard de Verne avait capté du premier coup… Enfin… presque. Je me comprends…

- J’ai parfaitement compris le principe. Dans le cas contraire, il m’aurait été difficile de résoudre vos problèmes de bobettes.

- Et je vous en remercie, maintenant…

- Pourquoi, puisque vous vous lamentez autant maintenant, ne pas avoir choisi un point d’ancrage plus proche dans ces avenirs… sans humain.

- Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? C’est votre mot du jour ? Par moments, vous êtes aussi abruti que ce Marabout…

- Manitou !

- Manitou, pareil ! Ton cercle d’amis devait être bien restreint Chang pour avoir mémorisé le nom de ce gratte-papier. Bref, je n’ai pas pu aller plus proche, tout simplement parce que la connexité était trop fragile, que ce soit pour y aller, comme pour revenir. Surtout pour revenir d’ailleurs. C’était un coup à se retrouver désynchronisé et coincé en plein Pandémonium.

- Oui, mais la machine vous l’avez sur vous, donc…

- Non, je ne me trimballe pas avec… Tss… Je vous pensais un peu plus futé que ça, la Chouette. Vous m’imaginiez sérieusement plonger dans l’inconnu avec mon invention ?

- Cela me semblait logique. C’est le propre d’une machine temporelle portative, il me semble.

- Excepté, que je ne me déplace pas sur une ligne donnée, mais une quasi-infinité et pour calculer puis établir des points de connexions spatio-quantiques, vous pensez bien que la miniaturisation atteint vite les limites du possible avec nos moyens technologiques actuelles.

- Ce n’est pas l’impression que j’ai en regardant vos calculateurs portables.

- La puissance de calcul d’un smartphone est une broutille en comparaison des calculateurs quantiques de ma machine ; mais cela a un prix : la sédentarité et une concentration particulaire minime.

- Hum, hum.

- Une salle blanche en somme.

- Si vous le dites.

- Retournez donc sur Wikipédia, vous saurez de quoi je parle.

- J’imagine. Du coup, votre brassard, l’Arche du Triomphe et cette télécommande là-bas… Qu’est-ce que c’est exactement ?

- Des outils analytiques, ainsi que le fruit d’un travail dont il me faudrait au moins une nuit entière pour vous en expliquer le fonctionnement.

- Faites simple dans ce cas.

- Voyez-les comme des antennes. Vous savez ce que c’est qu’une antenne ?

- Oui, merci.

- De rien. Ces “antennes” sont reliées à la machine à travers l’espace et le temps, synchronisées avec elle. Sitôt un point d’ancrage créé, elles permettent de voyager entre les deux époques, en tenant compte des cycles temporels… En clair, le temps passé dans une époque est proportionnel à celui écoulé dans une autre. Une sécurité que j’ai dû rapidement mettre au point, pour éviter tout éventuel doppelgänger… Dans ce qui nous intéresse ici, comprenez simplement que sans connexité stable avec la machine, impossible de se déplacer en toute sécurité dans le temps, voire de se déplacer tout court. Raison pour laquelle je ne vous ai jamais filé un de ces dispositifs portatifs. J’ai tout sauf envie que vous les foutez en l’air avec vos paluches d’ignares.

- Raison pour laquelle aussi vous piquez une crise, si au moins une personne ne reste pas dans le pass… le présent ?

- Exactement, même si je ne pique ni de crise, ni de fard. L’expérimentation de l’Arche du Triomphe était une exception. Je conserve néanmoins une sortie de secours avec moi au moindre voyage.

- Laquelle, si je puis me per…

- Je ne vous permets pas. Inutile de me faire les gros yeux. La sécurité d’une invention réside dans le secret de son fonctionnement complet. Vous me pardonnerez, Leone, cette innocuité.

- Dites plutôt paranoïa…

- Fermez-là !

- Doobitchou manitou. Calme, calme.

- Vous n’allez pas vous y mettre à deux, maintenant ? Tirez-vous. Hors de ma vue !

- Pourquoi…

- Cessez de balancer des “pourquoi” à tour de bras, l’emplumé !

- Je vois que votre humeur ne s’arrange pas. Fort bien. Je suppose que l’on ne programme pas une nouvelle expédition tout de suite ?

- Merci Colonel Lapalissade.

- Plaît-il ?

- Nurfver sperk.

- Exactement, Chang. Maintenant, cassez-vous. Tous les deux ! Oui, même toi Chang, tu devrais être content. Va donc gober tes pâtes volcaniques et vous Leone… Comme d’habitude, dissimulez votre barda si vous vous mettez en tête d’aller vous balader avec les gueux !

- Quel discours raffiné.

- … et d’un substantialisme absolu. Maintenant du vent, il y en a qui bosse.

- Gwanda blitz manitou dack dack !

- À ta guise. Demain, je vous garantis qu’il y aura un minimum d’animation. Ce futur, là, me fait de l’œil depuis deux semaines. Son noyau frictionnel est à portée et en plus, m’a l’air bien agité.

- Je croyais que vous vouliez éviter les étapes charnières.

- Et moi je croyais vous avoir dit de déguerpir.

- Vous m’avez indiqué votre programmation calendaire, alors je vous réponds.

- Je pensais à voix haute !

- Vos pensées s’apparentaient davantage à une allocution en bonne et due forme.

- Mais taisez-vous à la fin ! Et j’ai changé d’avis, voilà tout. Il n’y a que lorsque les choses bougent que mes recherches avancent. Content maintenant ?

- Je l’étais déjà avant.

- Leone, vous savez ce que je vais vous dire si vous ne prenez pas votre foutue après-midi ?

- Je sais. Je m’en vais et vous laisse à votre génie vénérable professeur Sanchez.

- Ravalez vos sarcasmes et décarrez de ce labo.

- Dag dag.

- Dehors !

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