14.

3 minutes de lecture

Le silence se poursuit et aucun des deux hommes n’osent briser son règne malaisant. Finalement, au moment où le stagiaire s’apprête à ouvrir son four, Imo prend les devants :

- Bonjour.

- Ah !

Le jeune homme pousse un cri de surprise et se plaque contre la porte, regard halluciné en prime, comboté avec le nuage de postillons que son organe a déversé sur le sol en ferraille.

- Qui êtes-vous ? D’où est-ce que vous sortez ? Qu’est-ce que vous foutez ici ?

- On se calme, intervient Sanchez. C’est juste… un agent d’entretien. Vous aviez la gueule dans le cul jusqu’aux épaules pour ne pas l’avoir remarqué ou quoi ?

- Agent d’entretien ? répète le jeune homme.

- En pleine traversée du torchon, claironne Imo, bras écartés, un début d’accolade amorcé. Et vous êtes ?

- Vous n’êtes pas habillé comme un agent d’entretien.

- Non, de toute évidence.

Un ange passe, un chérubin suit et toute la clique de Saint Pierre vient faire coucou. Imo n’allant pas plus loin dans son explication, le jeune homme le relance.

- Pourquoi ?

- Pourquoi, quoi ?

- Pourquoi vous ne portez pas votre bleu de travail ?

- Parce que ça me gratte. Et puis, c’est pas sexy.

- Sexy ?

- Non, le contraire. Vous êtes qui, au fait ?

- Je… Emeryx Danton, assistant de recherche en épigénétique pour le Professeur Joult.

- Enchanté. Moi c’est Tobias, assistant du Dr. Ajax et spécialiste de l’épuration micro-mictionnelle. Vous allez bien ?

- Euh… oui…

- C’est cool.

- Je suppose… mais…

- Vous allez chercher le latte du Professeur Joult ?

- Comment…

- Elle a ses habitudes. En plus, c’est moi qui éponge les tâches blanches que vous, les stagiaires laissez goûter partout.

- Je ne suis pas…

- Assistant, stagiaire, même barbouze. Pétez pas plus haut que votre deuxième anus.

- Je… Je…

- Tobias, dit Sanchez s’immisçant dans le dialogue, davantage pour y couper court qu’à suspendre le supplice du “barbouze”. Arrêtez d’emmerder les gens, même s’ils ont la tête de l’emploi. On a du travail.

L’assistant lance un regard de gratitude au scientifique qui n’en a cure. Que ce peine-à-jouir galère ou joue les brouilleurs de cul, l’indiffère. Il n’est pas là pour se faire de nouveaux amis. Seul le niveau G lui importe et si ce peigne-cul va chercher un lait de chèvre caféiné pour sa patronne ou faire des cochonneries dans les sanitaires, alors qu’il le fasse. Pour ce que Sanchez en a à faire. Même le tour de mentalisme d’Imo le laisse de marbre.

- Je n’ai pas bien saisi votre nom, demande le dénommé Emeryx après un nouveau blanc en se tournant vers Sanchez.

- Probablement parce que je ne vous l’ai pas dit.

- Et… C’est… C’est juste, effectivement.

- Donc qui êtes-vous, monsieur ? s’enquiert Imo, sourire aux lèvres.

- Fermez-la Im… Tobias.

- D’accord… Non ! Je viens de me souvenir que votre gastro-enterologue a décalé votre séance hebdomadaire, du coup il m’a aussi fait savoir qu’il ne pourrait pas vous retrouver au 3 Cigar…

- J’ai dit, fermez-la !

- Ma tante a aussi des problèmes intestinaux, déclare soudainement Emeryx se sentant dans l’obligation de commenter l’échange. C’est le mal du siècle, il faut croire…

- Je ne vous ai rien demandé à vous ! Encore moins la colibacillose de votre tantine ! Vous vous livrez souvent, comme ça, au Professeur Joult ?

- N-Non…

- Alors, fermez-la !

L’assistant rougit jusqu’au bout de ses oreilles en pointe et retourne fixer le sol. Saint Pierre et son gang reviennent, accompagné du Saint Père et de son Jésus gruyère avant qu’enfin les portes ne coulissent à l’étage Ferdinand.

Emeryx se précipite dehors, lançant un vague au-revoir craintif au scientifique. Il va de soi que suite à plusieurs minutes de néant social, il avait déjà tout oublié de la présence d’Imo. Quand les portes se referment, celui-ci s’esclaffe. Le malaise des uns fait les lazzi des autres.

- Quel pauvre type, dit-il une fois calmé.

- Avec qui vous faites une paire de choix, réplique Sanchez bouillonnant, non sans avoir bien sûr sursauté lorsque son compagnon a rigolé comme un babouin.

- Vous devriez me remercier. Qui sait comment les choses auraient tourné si je n’avais pas usé de mon tact.

- Vous appelez ça du “tact” ?

- Tout à fait. Maintenant silence et préparez votre joujou. Quelque chose me dit qu’on va en avoir besoin dès qu’on sera sorti de ce monte-plat. (16)

Annotations

Vous aimez lire Naethano ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0