20.

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Passé la porte, le duo s’enfonce dans les profondeurs du complexe d’AstraCorp. Le couloir qu’ils suivent est à peine éclairé ; tantôt étroit, tantôt plus haut ou large, mais toujours veiné d’une tuyauterie épaisse et gargouillante. Câbles électriques hydrofuges, tubulure à n’en plus finir, tous convergent vers un seul et même point, qui le hasard fait bien les choses, se trouve être leur destination.

À mesure que les deux hommes progressent, la chaleur augmente. Le ronronnement d’une machinerie complexe se propage à l’intérieur des murs, donnant la sensation d’évoluer dans l’organisme de quelque léviathan monstrueux. L’odeur s’altère. Elle délaisse les relents chimiques pharmaceutiques, pour s'imprégner d’effluves collantes, gangrenées d’un mal ancien. En effet, plus ils avancent, plus la structure semble fragile, rongée par l’humidité, envahie d’une forme de mucosité sombre s’accrochant à la plomberie.

Si Sanchez plaque une main devant son nez, Imo n’en a que faire. En tête de ce petit cortège, il avance sûr de lui, produisant occasionnellement des exclamations bruyantes ou des remarques bas du front. De temps en temps, quand l’envie lui prend, il prévient le scientifique d’une poutre mal fixée, de la présence d’un tuyau gênant ou de faire gaffe au sol. Aucun obstacle ne semble pouvoir l’arrêter. Sa démarche est fluide, explosive, décidée.

Après plusieurs minutes de marche, l’éclat de son oeil déjà bien clinquant gagne soudainement en intensité. Sans doute aurait-il encore défailli si le Mirage n’avait pas augmenté son seuil de résistance à la douleur et ses facultés régénératives. Il porte ses mains devenues tremblantes à ses yeux, les observe curieusement, puis se tourne vers Sanchez en les agitant.

- Vous avez pas un petit tiraillement dans le thorax vous aussi ?

- Pas que je sache, répond Sanchez en esquivant le regard dérangeant d’Imo.

Le brasier cérulescent est tel qu’on pourrait y faire griller tout les mets d’un barbecue. Le fixer devient plus déplaisant encore. À peine croisé, l’attention se perd dans ses méandres avec la moindre source de lumière, pour demeurer seul face la somme de toutes ses peurs.

- C’est étrange, continue Imo pensif. J’ai l’impression que quelque chose essaie de m’arracher à la réalité. Je ne me suis jamais senti aussi vivant, tout en paraissant complètement à l’ouest. C’est bizarre, vous ne trouvez pas ?

- Autant qu’étrange. Ça vous empêche d’avancer ?

- Pas que je sache.

Imo reprend sa progression avant de s’arrêter. Sanchez manque de le percuter.

- Qu’est-ce qui ne va pas encore ? Vous rêvassez ?

Pour toute réponse, le jeune homme pousse une sorte de feulement. Ses sourcils se haussent, sa bouche s’arrondit en cul-de-poule. Lui-même est surpris.

- Ne comptez pas sur moi pour vous gratouiller derrière les oreilles, dit Sanchez, torve.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris… je… je… je…

Imo bloque comme un vieux tourne-disque. Agacé, impatient, voire les deux, Sanchez le relance :

- Vous… Je, nous, quoi à la fin ?!

L’immortel secoue la tête et prend une grande inspiration.

- Rien, dit-il finalement. Avançons.

- Je n’attends que vous… Au risque de mettre un terme à votre cuite au LSD, reprenez-vous. Je n’ai pas signé pour me traîner un boulet.

- Aucun risque. Allez on y va ! C’est reparti ! Vroum ! Go go go !

Sans crier gare, Imo plonge en avant. Il roule, se relève et recommence bien vite à caracoler comme un gamin. Quoi qu’il ce soit passé à l’instant, c’est passé. Sanchez hausse les épaules et lui emboîte le pas. Rapidement. Tant et si bien qu’il est obligé de courir pour ne pas se faire distancer par son compagnon halluciné.

- Moins vite ! s’exclame-t-il soufflant comme un gnou. Ralentissez, bougre d’anus !

Imo l’ignore, possiblement parce que les palpitations qui secouent sa caboche, l’empêchent de bien distinguer clairement ce qui l’entoure. Le scientifique n’a d’autre choix que de maugréer et presser son point de côté.

Les deux hommes filent ainsi toujours plus loin dans un dédale de corridors, qu’Imo traverse sans l’ombre d’une hésitation. Sa présence clignote dans l’esprit de Sanchez, qui une seconde sur deux, a l’impression de se retrouver seul. Une expérience juste assez désagréable pour que sa répétition constante la rende insupportable.

Enfin, après de longues minutes à trottiner, ils finissent par se heurter à une surface lisse, dure, encadrée d’un rai de lumière. Une porte à l’évidence. Lourde également et proclamant un danger de rayonnements ionisants. Ils sont arrivés… peut-être. Les probabilités sont élevées.

Ils restent un moment immobiles, fantasmant l’autre côté mur. Enfin, Imo pose sa main et… un flash de lumière explose derrière ses rétines l’emportant au loin. (After Earth)

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