Un bout de papier, glissé dans une vieille enveloppe, qui change d'avis à chaque scrutin, n'est pas très différent de ma belle-mère, vieille, girouette...

—Et qui a beaucoup servi ?
—Arrête mémé, on s'en fout.

Elle donnera toujours raison au dernier qui a parlé... Il faut bien que l'amour passe...

—Et repasse, genre même ne fait que passer...
—Pénible tu es !

C'est la spécialiste du mensonge à soi-même, la baudruche de l'égo des autres, elle défend corps et âme celui qui lui colmatera le trou de l'affection qui lui fait tant de mal.

—C'est un peu équivoque non ? Je lui ai proposé une potion mais elle est incroyablement butée !
—Tu voulais la changer en licorne !
—Mais tout le monde aime les licornes !

Mais un bout de plastique ne tient jamais sur la chair.

—Ha ! Si ! Moi je peux !
—Mémé c'est dégoutant et puis elle n'a pas confiance ent toi !
—Faudrait la noyer dans un lac !
—Rhhooo...
—T'as déjà parlé politique avec elle ?
—Pourquoi faire ?
—N'est-ce pas ! Moi je l'ai accompagnée aux dernières élections du plus affreux. Elle est restée devant la table des propositions tellement longtemps que des racines ont poussé sous ses pieds
—Non c'est toi qui a fait ça !
—OUI ! Et j'ai bien rigolé, ils se sont mis à dix pour l'arracher du sol !
—Tu te conduis aussi mal que Gudule et bien sûr elle t'encourage. Gudule si tu ne te tais pas je t'étouffe avec un mouchoir...

Élire, choisir, si personne ne lui dit quoi, son esprit la quitte.

—HA HA ! Quel esprit, non sans blague, c'est une coquille vide !
—Mais elle fait ce qu'elle peut ! Mauvaise !
—ELLE M'A PIQUÉ MA CRÈME DE JOUR !
—Incroyable, tu tonnes encore pour une histoire vieille de dix ans !
—Faudrait la noyer dans un lac !
—Tu l'as déjà dit...

Je n'aimerais pas être à sa place : un coeur tout raccorni, affamé et souffrant.
J'essaye de l'aimer, je l'écoute, je lui offre parfois des patisseries orientales qu'elle refuse, eut égard à son poids.

—C'est vrai qu'elle est gonflée, un peu comme toi... Aïeuh !
—Tu ne l'as pas volé celle-là ! Non mais !
—HA ! Elle je peux mais pas toi !

Je connais la terreur d'être seule, le dernière, l'incomprise. Le monde déborde de cette maladie parce que l'amour souvent ce n'est que ça, une maladie qui cherche dans l'autre le moyen de se panser. L'un et l'autre fabrique un troisième le couple.

—...Ou des gosses, faudrait quand même être éduquer avant hein ?
—Et tu en sais quelque chose !
—Dis tout ce que tu sais, je te l'ai appris...
—Y'a pas que du beau.
— Je suis une sorcière, mais je t'aime hein !

Le couple est le résultat d'une projection. Vivre ensemble est difficile et douloureux lorsque chacun se cache de lui-même. Il faut un coeur sain pour se lier à un autre coeur sain.

—Oui enfin dans la vie y'a pas que le coeur !
—Décidément tu resteras un animal lubrique jusqu'à ton dernier jour !
—Ho, là ! Bien plus longtemps, il parait qu'on s'éclate en enfer !
—On crâme en enfer.
—C'est de la propagande ! J'y suis déjà allée.
—Oui chez le maître du mensonge... Sans déconner mémé, tu y étais en touriste, il t'a donné un flyers !

Les amours à grandir le sont rarement avec l'élu de son coeur. Même les enfants ont à supporter les projections, le rejet, l'abandon, la trahison, l'humiliation, l'injustice... Chacun d'entre-nous porte une blessure de l'âme.

—Oh là là mais que de grandiloquence ! Tu soûles, ch'te jure ! y'en a pas un qui restera jusqu'au bout pour te lire !
—Mémé tu te caches toi aussi, tu as des émotions ! Sorcière !
—N'importe quoi ! Viens, Comète, on va faire une balade en balais, elle m'emmerde ma petite fille, Comète... COMÈTE, VIENS ICI...
—La famille !!!!