CHAPITRE 7 - KAT

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Il me faut quelques minutes pour prendre pleinement conscience de la situation. Nous avons failli mourir. Ce qui nous attendait là-bas voulait nous tuer.

Alors que nous émergeons de la trappe, Antoine et moi restons muets, et tacitement, nous décidons de garder cela pour nous.

« Pour le moment. »

Je l’invite à venir passer la soirée chez moi. Il nous faudra plus qu’un verre pour oublier cette expérience de mort imminente, mais nous allons tenter de décompresser du mieux que nous pouvons. Nous allons tenter d’oublier. Oublier en radotant de vieilles anecdotes ou en passant sous silence les événements.

Arrivés à mon appartement, mon chat nous attend devant la porte. Elle nous dévisage tandis que je lui ouvre et qu’elle s’engouffre pour rejoindre sa gamelle.

Antoine rentre et me dévisage tout autant :

« Je ne te voyais pas avec un chat. »

Je ne peux pas m’empêcher de rire.

« Moi non plus. »

Je ris une nouvelle fois en me remémorant de cette histoire invraisemblable.

« Tu veux que je te raconte ? »

Il acquiesce. Je commence :

« J’ai eu la chance de rencontrer mon mentor alors que ma mort était proche. Je ne trouvais plus de nourriture depuis des jours, et le quartier de Subterror que je squattais depuis des mois devenait de moins en moins sûr. Des créatures semi-humaines rôdaient jour et nuit, ne me laissant plus aucun répit.

« Quand au détour d’une rue, un inconnu s’arrêta à ma hauteur, et m’offrit un banal sandwich, je relevais les yeux vers cet homme tout à fait lambda, qui avec un sourire bienveillant, m’incita à prendre cette modeste pitance, et qui pour me prouver de son honnêteté dans ce monde de vices, croqua un bout avant de me le tendre de nouveau.

« Je ne me rappelais plus du goût de la nourriture non souillée. Je n’ai jamais aussi bien mangé de ma vie. Et alors que je léchais avidement mes doigts, il me tendit la main, en m’expliquant qu’il me cherchait depuis des mois, et que de toute évidence, j’avais besoin d’aide.

« Je me suis méfiée bien sûr. Beaucoup d’hommes avaient tenté de me ramener dans le lit crasseux d’une auberge pour une nuit, mais cette fois-ci, je ne sentais pas de mauvaise intention dans sa voix.

« J’ai saisi sa main, et je l’ai suivi jusqu’à la surface, où il m’a accueilli chez lui. Et c’est là que je l’ai rencontrée pour la première fois. Kat, son chat. Elle est venue vers moi malgré ma puanteur évidente, et m’a regardée d’un regard indescriptible.

« J’ai su que j’avais fait un bon choix. Si cet homme avait un chat aussi bienveillant, il ne pouvait qu’être comme son animal. L’animal imite son maître dit-on.

« Quand tout ce qui est arrivé est arrivé, j’ai recueilli son chat, comme il me l’avait demandé, et depuis, je m’en occupe comme s’il était le mien. On a appris à se connaître et à vivre ensemble, et notre cohabitation marche plutôt bien !

_ C’est ce que je vois. Elle est très mignonne.

_ Elle est adorable. »

Elle est l’une des raisons qui m’ont poussées à rester en vie. Et il le savait, c’est pour ça qu’il me l’a léguée. Mais ça, je le garde pour moi.

Sur ces souvenirs qui refont surface, nous pouvons passer aux choses sérieuses. Je prends mon téléphone pour commander des pizzas, « deux quatre fromages », et je sors les rares bouteilles d’alcools qui restent au fond de mes placards.

Mon ami m’honore peu de ses visites, et les contenants restent tels quels, en attendant une prochaine soirée qui ne vient jamais.

Une fois les pizzas livrées, mon buffet improvisé fait un peu pitié. Mais ni lui ni moi n’en tient compte, nous voulons décompresser, nous rappeler des vieux souvenirs du lycée, ou parler de nos amours du moment… Nous avons besoin de souffler après cette expérience.

Même si nous faisons semblant que tout va bien, nous sommes tous deux profondément touchés par ce qui vient de nous arriver. Le reste de lueur insouciante au fond de nos yeux s’est éteinte. Nous avons tous deux vécus des difficultés, mais celle-ci les surpasse par sa complexité et par notre incompréhension.

Les verres s’enchaînent alors que les pizzas sont englouties par nos estomacs affamés. Et inconsciemment, notre discussion se tourne vers ces récents événements.

Je lui parle de ma vision, évoquant les corps ensanglantés, mon ami en danger et, à demi-mots, sa noirceur menaçante. Il écoute sans broncher, avant de se livrer après un soupir :

« Lorsque cette chose nous a englouti, je me suis retrouvé seul dans une boîte, enfermé avec le noir et le silence comme seul allié. Puis quelqu’un s’est approché, et a commencé à tapoter sur le couvercle. Il a fini par l’ouvrir. Et c’est là que ton visage est apparu. Mais tes yeux étaient d’un noir profond. J’ai entendu la voix d’une femme qui criait au loin, puis je me suis senti tomber à travers le néant, et nous nous sommes réveillés. »

Je sais qu’il me cache une partie de sa vision, mais je ne peux lui en vouloir, j’ai fait pareil. Malgré son brève résumé, une question égocentrique me reste en tête. Qu’est-ce que je faisais là, et quelle importance j’avais ?

Comme s’il lisait dans mes pensées, il me regarde intensément :

« Il y a bien une chose que j’ai envie de faire depuis… »

Et il s’approche de moi, tellement près que je sens son haleine alcoolisée, et me dévisage avant de reculer.

« Tu as bien un grain de beauté sur le dessus de l’oreille. Je n’avais jamais remarqué. »

Je rigole à en perdre haleine. Il ne comprend pas trop pourquoi, mais il joint son rire au mien, et tandis que nous nous affalons tous deux sur le sofa, les abdos en feu, il me prend dans ses bras et pleure.

J’accompagne ses pleurs des miens, et nos respirations s’accordent dans notre tristesse et la redescente de notre stress.

Nous avons traversé une nouvelle épreuve ensemble, et les enfantillages insupportables du lycée semblent s’évanouir. Nous nous découvrons enfin l’un et l’autre. Nous devenons enfin de vrais amis.

Il s’écarte, essuyant ses larmes d’un revers de manche. Il me sourit, et nous reprenons notre soirée là où nous l’avions laissée : nos verres sont encore pleins.

Nous ne nous endormons que très tard, nos deux corps affalés sur le canapé, trop fatigués pour aller dormir dans un lit.

Le réveil sera douloureux, mais chacun de nous espérait surtout passer une nuit sans rêves.


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Voilà déjà le chapitre 7 de cette fiction que j'écris au goutte à goutte, dès que les idées me viennent en tête !

J'ai déjà la suite à l'esprit, il ne reste plus qu'à l'écrire !

Alors à très bientôt,

BNT

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