IV

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Le flash agressif d'un éclair, suivi une seconde plus tard par le grondement du tonnerre, sortirent Dabi de sa rêverie. Dehors, le typhon faisait rage et inondait les rues. Un filet d'eau coulait dans leur planque depuis la fenêtre brisée, qui vibrait à chaque nouvelle bourrasque. Une flaque se formait sur le sol et s'étendait à une vitesse telle qu'ils auraient sans doute les pieds dans l'eau au réveil.

Recroquevillé dans son immense fauteuil, Shigaraki frissonnait. Dans son sommeil, il était agité de spasmes et tenait ses bras contre son corps. Sa tête reposait sur l'accoudoir, forçant son cou dans un angle grotesque. Dabi profita de la lumière des lampadaires au dehors pour l'observer. Il était si différent du Tomura qui n'existait que dans son esprit, et pourtant si semblable. Dabi se demanda quand exactement la transition s'était faite, quand il était passé pour lui de petit connard arrogant à la personne qu'il s'était juré de protéger à tout prix. Il le revit assis au bar, les bras croisés et la moue boudeuse, frustré d'avoir fait tomber son château de cartes. Ou bien était-ce cet éclat de rire inattendu à une plaisanterie de Magnet. Ou bien alors un soir comme celui-ci, où le sommeil s'était fait la malle et qu'il n'avait pas trouvé mieux que de le regarder jusqu'à imprimer son image au fond de ce qui lui restait de cœur. Peu importait, en vérité, puisqu'il ne ferait jamais que l'aimer de loin. Il ne pouvait pas en être autrement. Pas dans cette version de la réalité.

Pourtant, Dabi se leva. Il enjamba Spinner et, pour la première fois, franchit la distance de sécurité qu'il s'était fixé. Arrivé devant Shigaraki, il retira sa veste et l'en recouvrit, tout doucement, pour ne pas le réveiller. Sans cette mince barrière de tissu, le froid le mordait encore plus, mais il s'efforça de ne pas en tenir compte. Il n'aurait qu'à sortir de la pièce et marcher un peu dans le bâtiment abandonné pour se réchauffer. Ce n'était pas comme s'il prévoyait de dormir, de toute manière.

— Dabi ? l'interpella une voix faible alors qu'il se dirigeait vers la porte.

Il se tourna, et vit Shigaraki qui le dévisageait. Son regard faisait des allers-retours entre lui et sa veste, les yeux plissés dans un demi-sommeil.

— Tu en fais une tête… commenta Dabi, assez bas pour ne pas réveiller les autres.

— Je faisais un rêve étrange.

Nouvel éclair. Dabi compta. Un, deux, trois, quatre, avant le fracas du tonnerre. Quand il était petit, sa mère lui avait appris ce petit truc pour apprivoiser sa peur de l'orage. À la faible lumière extérieure, il vit la main de Shigaraki se serrer sur sa veste.

— Ah, toi aussi, tu fais des cauchemars ?

— Non, pas un cauchemar. Juste un rêve bizarre…

Il laissa la fin de sa phrase en suspens, si bien que Dabi ne sut comment l'interpréter. Sans s'en rendre compte, il avait déjà fait un pas dans sa direction. Twice ronfla, si fort qu'il couvrit même le crépitement de la pluie sur le bitume. Lovée dos contre lui, en petite cuillère, Toga grimaça avant de se tourner dans l'autre sens et de plonger la tête au creux de son cou dans un grognement satisfait.

— Ça a l'air de bien leur réussir, dit Shigaraki.

— Ils sont trop insouciants.

Il s'imagina couché là, à leur place, Shigaraki serré contre lui. Parfois, il aurait tout donné pour être comme eux, pour vivre de meurtre et d'eau fraîche, sans la moindre idée de ce qui les attendait au bout du chemin. Un jour ou l'autre, on aurait leur peau et alors, que resterait-il ? Tout ce chagrin n'en valait pas la peine. Mieux valait encore ne pas s'attacher du tout.

— Tu veux qu'on partage le fauteuil ?

Dabi reporta son attention vers Shigaraki. S'il n'avait pas poursuivi, il aurait juré avoir rêvé :

— Il y a largement assez de place pour deux…

Dabi songea à refuser. C'était la bonne chose à faire, la seule option raisonnable. Mais le souvenir de ses songes, de l'adorable Tomura en uniforme de Yuei et de cette vie à laquelle il n'aurait jamais droit était encore frais dans son esprit. C'était une si mauvaise idée de céder à la tentation, mais s'il pouvait n'en avoir qu'une miette, juste pour une nuit… Ce n'était qu'une nuit, que quelques heures jusqu'à l'aube. Alors, il hocha la tête et se glissa dans l'espace que Shigaraki laissait pour lui. Ils luttèrent un instant pour trouver une position confortable et finirent par abandonner l'idée de conserver un espace vital. Après une dernière hésitation, Shigaraki posa sa tête sur l'épaule de Dabi, qui, de son côté, l'entoura de son bras. Leurs jambes formaient un nœud de membres qui défiait les lois de la logique. Dabi rit en songeant à la tête que feraient les autres en les voyant ainsi. Puis il se souvint, qu'une fois minuit passé, ce serait le quatorze février et un embarras qu'il n'aurait pas avoué même sous la torture l'envahit doucement.

Ils rabattirent la veste sur eux et se laissèrent happer par le sommeil. Dabi veilla un peu plus longtemps, bercé par le chant de l'eau qui s'écoulait de la fenêtre. Il sentait les cheveux de Shigaraki lui chatouiller le bout du nez. Son souffle lent et son torse qui se soulevait puis se creusait. La sensation de sa peau sèche contre ses cicatrices. Sa main sur la nuque de Dabi était glacée et le frisson qu'elle provoquait lui rappelait celui d'une pluie de mars qui détrempait le col de sa chemise.

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