3 - Transparent

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  Marc travaillait depuis des années pour la mairie de son village, il balayait les rues, les écoles, les parcs et les trottoirs. Il était fier de son métier, il rendait le paysage plus propre, plus beau. Au village, tout le monde le connaissait. C’était Marc, à côté de qui on passait sans même le voir, à moins bien-sûr qu’il ne vous balayât les pieds. Transparent, camouflé dans son uniforme vert et jaune fluo pourtant voyant.

 Marc était un rêveur, un contemplatif, il aimait la beauté et les feuilles qu’il ramassait. Le naïf du village. Son casque audio sur les oreilles, il entrait dans sa bulle, se coupait du monde et se satisfaisait des petits plaisirs quotidiens. Dans son monde il observait, peu doué pour converser, il se fichait de ce que les gens pouvaient lui dire ou penser de lui. En vérité le quotient intellectuel de Marc n'était pas en dessous de la moyenne, il ne voulait simplement pas entrer dans le moule que la société lui imposait. Faire des études, avoir un métier à responsabilités, vivre stressé : très peu pour lui. Son métier, un sot métier pour certains, lui convenait, il aimait voir et observer, être en retrait, ne pas être tenu à des obligations de rendement et de rentabilité. Il adorait constater le changement des saisons, tous ses sens étaient comblés : Il se délectait des milles couleurs changeantes des fleurs et des feuilles, il humait à pleins poumons l'odeur de la pluie dans l'herbe, et vibrait au diapason des cigales... Son ouïe était également parfaitement satisfaite par les ragots entendus à droite et à gauche. Les gens du village parlaient en sa présence comme s'il n'était pas là. Pourquoi se seraient-ils privés ? Tout le monde le pensait bête et puis avec ses écouteurs dans les oreilles que pouvait-il entendre ? Si les gens avaient su que régulièrement ses écouteurs ne diffusaient aucun son, peut-être auraient-ils gardé leur langue dans leur poche.

 Marc abordait la quarantaine, le célibat ne lui avait jamais pesé jusque-là. L’appel de la chair ne l’avait que peu taraudé. Il avait bien eu quelques relations sexuelles, quand son père était encore de ce monde, il l’avait accompagné « aux putes » . Ca ne lui avait jamais vraiment ni plu, ni excité. Et depuis cinq ans, rien. Pas de Tinder pour Marc ou d’adopteunmec.com. Marc n’était pas très connecté et il aimait le vrai, le pur. Finalement, il était de la vieille école. Ni les rencontres en ligne, ni les prostituées ne lui faisaient envie. Les histoires d'amour des autres, le sexe, l'adultère, lui semblaient sales. En comparaison, sa vie monacale lui convenait.

Mais un jour, il croisa le regard de Manon.

 Parfois, son travail lui donnait l’occasion de la contempler à la dérobée. Une vraie merveille. La pureté incarnée. Souriante, joueuse, gentille. Il se mit à vivre dans l'espoir de l'apercevoir.

 Il osa l’aborder un mardi matin, elle sourit, son cœur chavira et il comprit ce qu’était le désir.

 Elle éveilla en lui des sensations et des envies dont il ne se savait pas capable. Son membre, qui n'était raide qu’au réveil, devenait plus dur que du bois quand il pensait à elle.

Elle était tellement belle, que ça en devenait douloureux pour Marc.

Il commença à se toucher régulièrement en rêvant à ses lèvres. Alors, au bout de trois mois de tergiversation, il se lança et lui proposa de la raccompagner chez elle. Elle accepta.

Toute la journée, il avait été impatient. Les minutes s’égrainèrent au ralenti, il n'entendit même pas le chant des cigales, il balaya sans entrain, n'écouta aucun ragot. Il ne pensait qu'à goûter au bonheur de la toucher.

Elle avançait vers lui. Enfin…

 Le soleil se reflétait sur ses cheveux blonds que le vent faisait onduler avec grâce. La réalité allait-elle dépasser ses fantasmes ? Il en rêvait depuis des mois. Bientôt ses doigts toucheraient l’or de sa chevelure, la porcelaine de sa peau. Il pourra s’enivrer de la fragrance de son corps. Il s’imaginait qu’elle sentait la vanille ou la fraise, sucrée comme un bonbon, comme une douceur coupable. Quelle délectation que l’anticipation du plaisir à venir.

Elle lui sourit, contente de le voir.

Alors en vrai gentleman, il lui proposa de lui porter son cartable.

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