10- Sorcière

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Comme une pièce a deux faces, une histoire a plusieurs versions...

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 Magdalena était une femme différente des autres, à une époque où être une femme se résumait à être la "fille de" ou la "femme de" , elle n'appartenait à personne et n'avait aucune intention de renoncer à sa liberté.

 Fille d'un homme décédé, et petite fille d'un homme gâteux, elle menait sa vie et sa bourse comme elle l'entendait ou presque. Si les hommes laissaient traîner leurs regards sur sa croupe rebondie, ils n'osaient l'approcher car il se murmurait des histoires noires à son égard.

Magdalena jouait avec les forces occultes, c'était une sorcière.

 On l'avait vue cueillir des herbes dans le sous-bois, et danser nue au petit matin dans la forêt. On l'avait vue se balader le pendule à la main à la recherche d'on ne savait quoi.

 Belle et inquiétante, les gens du village venait la voir quand ils avaient besoin d'un remèd. Elle préparait des décoctions contre la douleur des menstruations, elle guérissait le feu, elle soulageait les rhumatismes, et si les gens lui en étaient redevables, ils n'en étaient pas moins terrifiés par ses dons.

 Magdalena quant à elle n'en avait que faire. Elle aimait sa solitude et sa tranquillité, elle connaissait les légendes qui couraient sur elle, elle en avait lancé plusieurs... Hors de question de devenir la possession d'un homme. On la prenait pour une sorcière ? Très bien. Qui épouserait une sorcière ? Elle tenait sa solution, ce ne fut pas bien difficile de psalmodier quelques propos sans queue ni tête à portée d'une oreille de commère aux aguets, ni de se donner en spectacle nue dans la rosée.

 Possedant un don de guérisseuse et la connaissance des plantes, elle entreprit de se perfectionner et acheta de vieux grimoires de recettes et des manuscrits traitant de l'occulte. Fascinée par ses découvertes, elle fit part à sa seule amie des nouvelles potions qu'elle voulait tenter. Une potion d'infécondité pour celles voulant courir la bagatelle sans risque, une potion d'impuissance pour celles ne voulant plus subir les assauts de leur époux et enfin un philtre d'amour.

 Elle raconta également à Dolorès ses trouvailles occultes, sa découverte du monde des esprits et sa capacités de médium. Avec son pendule, elle obtenait des réponses de l'au-delà et commençait à entrapercevoir des choses et des formes autour d'elle. Les esprits lui avaient annoncé la mort de sa mère, le lendemain celle-ci tombait foudroyée à la sortie de l’Église. Dolorès, terrifiée, la supplia de ne plus communiquer avec les morts.

 Magdalena écouta son amie, et se consacra uniquement à son don de guérisseuse. Jusqu'au jour où Dolorès lui retira son amitié et cessa de venir la voir.

 Malheureuse, blessée et isolée, elle s’accrocha à son pendule comme un noyé à sa bouée. Peu à peu elle ne conversa plus qu'avec ceux de l'au-delà. Elle perdit pied avec la réalité, quand elle venait au village les curieux la dévisageait et l'observaient parlant seule. Quand elle leur adressait la parole, c'était pour leur annoncer des malheurs. La folie et les morts la suivaient partout où elle allait, les esprits qui au début la consolaient, à présent la torturaient. Les sanglots et les cris semblaient la submerger de plus en plus régulièrement, les scarifications et les accès de terreur devinrent fréquents.

 Magdalena se donna la mort sur le pas de la porte de Dolorès. Elle se libéra de ses visions et de sa douleur, son athamé planté en plein cœur.

 Pour ceux croyants à la magie noire et au monde de l'occulte, Magdalena avait joué à un jeu dangereux et elle en avait payé le prix de sa vie.

 Pour ceux, plus curieux, qui se demandent pourquoi elle se suicida devant chez Dolorès, il fut question d'amour, d'un philtre d'amour.

 Si Magdalena n'avait jamais voulu d'homme dans sa vie c'était parce que son cœur ne battait que pour Dolorès. Par un bel après-midi d'automne, allongées dans l'herbe, elle avait enfin osé poser ses lèvres sur celles de son amie qui lui avait répondu en retour. Ses mains avaient fébrilement détaché le corsage de Dolorès, alors que sa bouche avide goûtaient à la douceur de son cou. Et alors qu'elle prenait une seconde pour contempler la beauté de celle pour qui elle vibrait depuis des années. Dolorès la repoussa, se releva et la traita de sorcière.

  •  Que m'as-tu fait ? Tu m'as empoisonnée avec ton philtre d'amour! Sorcière ! Je ne suis pas ce genre de femme, lui cracha-t-elle au visage. Comment as-tu osé ? Que le diable t'emporte, je ne veux plus jamais avoir à faire à toi.

Si cet instant scella le destin de Magdalena et la plongea dans la douleur et le tourment, la question se pose, avait-elle eu recours à un philtre d'amour ? A cette question vous obtiendriez deux réponses differentes de la part des deux jeunes femmes...

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