Errante
Une ombre si légère qui passe lentement entre les piliers de cristal et les maisons de marbre. Elle rôde, effleure à peine ses habitants, si brillants. Ils parlent avec intelligence, parés de soie colorée. Ils chantent leurs joies, rient, pleurent, aiment, haissent ; célèbrent leur vivacité. Ainsi, elle les observe ; ombre si légère, mais lourdement chargée de tristesse et de langueur. Pourtant elle reste là. Attachée. Liée. Ses émotions éparpillées de l'aube au crépuscule. Dès la nuit tombée, elle s'installe près des fontaines, ou près des jardins, dans le halo sombre des statues. Esprit léger qui recueille pourtant entre ses doigts éthérés les lambeaux des sons et des saveurs, des joies et des passions, des rires et des pleurs, qui demeurent ; elle s'en nourrit.
Las, ce n'est que pis-aller, amertume. Alors, elle rêve qu'un jour, elle ne sera plus ce fantôme qui hante avec envie les vivants de la ville des arts ; en imagination elle les rejoints.
Ce qu'elle ignore ?
C'est qu'il y a longtemps, vivante, elle l'a été et qu'elle en fut privée pour en avoir abusé. Ainsi, les dieux l'ont-ils condamnée à l'éternel égarement, l'éternel appétit ; entre espérance et souffrance ; esprit si léger pétrit d'ignorance.
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