Prologue Le Retour d'Orcus
La nuit était sombre et lourde de présages.
Un vent discret traversait la forêt, soulevant les feuillages dans un bruissement inquiet.
Un halo ténébreux étouffait la lumière de la lune, lui donnant l’aspect d’un œil mourant.
Au cœur de cette forêt oubliée, un vieux chemin serpentait le long d’une rivière tumultueuse.
Creusé par des années de passages — chariots grinçants, sabots pressés — il suivait les courbes de l’eau comme une cicatrice dans la terre.
Sur la route de Marrdan, capitale du royaume de Warren, les voyageurs atteignaient un coude, un point de vigilance.
Trois mètres plus haut, dissimulé par la végétation, un ancien arc brisé marquait l’entrée d’un replat surélevé.
Un endroit parfait pour une embuscade.
Trois cavaliers elfes s’arrêtèrent à l’orée de la courbe.
Leur chef, Calenvar, redressa la tête. Sa chevelure argentée descendait en tresses fines sur une armure sombre marquée de runes.
À sa droite, Elyan, plus jeune, aux cheveux noirs et aux yeux perçants, observait le ciel.
À gauche, Elranis, le mage du groupe, gardait le silence. Sa longue tunique de voyage, tissée de fils d’argent et de bleu nuit, ondulait au rythme de ses pas.
— “Le vent a tourné,” murmura Elyan.
— “La forêt nous écoute,” répondit Calenvar. “Elle tremble.”
— “Et moi aussi,” ajouta Elranis d’une voix basse. “Je sens... une brèche.”
Leurs montures, des destriers aux crinières pâles, piaffaient, agitées.
Soudain, le sol vibra.
Un éclair rouge jaillit du ciel, sans bruit.
Il frappa le sol juste devant l’arc brisé.
La terre elle-même gémit, les arbres frémirent, et une silhouette apparut dans la lumière rougeoyante.
Un être massif, courbé, les yeux luisants de haine ancienne.
Sa peau semblait faite de cendres, son souffle brûlant déformait l’air.
Un démon.
Orcus.
Venu des îles perdues au-delà des mers du Néant.
Dernier de sa lignée.
Un roi déchu.
Un sorcier du feu noir.
Orcus esquissa un sourire carnassier et disparut dans les fourrés.
Un cri déchira la nuit.
Puis un second.
Les orcs surgissaient de partout.
Pas des orcs ordinaires — certains avaient des crocs trop longs, d’autres des yeux multiples, ou des marques rougeoyantes sur la peau.
Des créatures corrompues.
Les elfes réagirent instantanément.
Calenvar et Elyan bondirent au sol, lames dégainées.
Elranis, en retrait, levait les bras. Il entonna une incantation dans la langue ancienne, grave et puissante, et des symboles d’argent jaillirent autour de lui, pulsant comme des étoiles dans la brume.
“Thaelen mor, silna iryndel !”
Le combat éclata.
Calenvar frappait avec une précision chirurgicale, tranchant des gorges, transperçant des cœurs.
Elyan tournoyait comme le vent, sa lame décrivant des cercles parfaits, frappant deux fois pour chaque cri.
Elranis, en retrait, libérait des traits de lumière vive, brûlant les ombres qui approchaient.
Mais les orcs étaient trop nombreux.
Une flèche verte fendit soudain la nuit.
Elle frappa Elyan à la poitrine.
L’armure s’ouvrit comme du papier.
Le jeune elfe tomba à genoux, le souffle coupé, du sang jaillissant de sa bouche.
Il s’effondra.
— “Non !” cria Calenvar.
Il fit volte-face, mais à cet instant, une lueur rouge jaillit de l’ombre.
Un éclair frappa Elranis en pleine incantation.
Il poussa un cri étranglé et s’écroula, son regard se voilant d’un coup.
Calenvar tenta de fuir.
Mais Orcus était déjà là.
Il surgit des ténèbres, le saisit à la gorge.
Calenvar se débattit, mais la poigne du démon était comme du fer.
Un craquement.
Puis le silence.
Orcus observa le champ de bataille.
De sa horde d’orcs, il ne restait que huit survivants.
Autour de lui, des cadavres.
Des elfes. Des orcs.
Le sol était rouge.
La forêt retomba dans le silence.
Le vent soufflait de nouveau.
La lune, derrière les nuages, ne brillait plus.
Le démon s’éloigna, sans un mot, disparaissant dans la nuit.
Puis, un mouvement.
Au centre de la clairière, Elranis, le mage frappé par l’éclair, bougea faiblement.
Il rampa vers la rivière, le souffle haché, les mains tremblantes.
Il atteignit le bord, toucha l’eau… et s’évanouit.
Le malheur avait frappé.
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