Chapitre 1
J'allai l'avoir. Elle était là, une biche magnifique, qui nourrirait ma famille pendant au moins une semaine entière. J'épaulai mon fusil, prêt à tirer, lorsque la biche renifla en l'air, se tourna vers moi, et avec la voix d'une jeune femme me dit :
- N'escomptez-vous tout de même pas me tirer dessus ?
J'ouvris grand la bouche, ébahi. Je réussis à articuler en bégayant :
- Vous, vous pouvez parler ?
- Pourquoi ne le pourrais-je pas ? demanda la biche avec un air se rapprochant assez bien de l'incrédulité. Vous les humains, vous pensez que nous sommes des bêtes dénués d'intelligence. C'est totalement faux. Nous avons un cerveau, un coeur, nous communiquons aussi bien entre nous qu'avec les autres espèces, je ne vois pas ce que ça a d'étrange. Est-ce que vous alliez me tirer dessus ?
- Je... Oui, avouai-je, un peu penaud.
- Et bien vous vous appretiez à tuer une mère de famille, dit la biche.
- Mais euh je...
- Ne dites pas que vous ne le saviez pas, nous aussi nous avons des enfants.
- Justement moi j'ai des enfants et je dois les nourrir, répliquai-je pris à vif. Bon sang, c'est un principe élémentaire ! La chaîne alimentaire ! Vous ne faites pas ça à chaque fois qu'un animal veut vous tuer ?
- Si nous en avons le temps, oui, dit la biche. La semaine dernière, j'ai croisé un loup. Nous avons discuté, je lui ai dit que je venais d'avoir une portée, et il s'est excusé et m'a laissée tranquille.
Je tournai et retournai le fusil dans mes mains, ne sachant que faire. La biche m'observait avec ses grands yeux bruns impassibles. Je relevai la tête et dis :
- Il y a des orphelins partout dans le monde !
Et d'un geste rapide, comme j'avais l'habitude de le faire, je tirai.
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