Épisode 11 - Réconciliations
Opening : https://www.youtube.com/watch?v=3yoLXIQd2cM
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— Tu vas continuer jusqu’à ce qu’elle brille, Eva ?
La jeune femme aux mèches de prune stoppa net son mouvement sur la table, main crispée sur son chiffon. Comprenant qu’il venait de la tirer de ses pensées, Kogoto grogna en un demi-soupir :
— Va te reposer, va. L’est tard.
Bien que le bar était fermé depuis plus d’une heure, Evaline marmonna son désaccord sans même lever les yeux de la tache de graisse qu’elle terminait d’éliminer :
— Tes os sont bien trop rouillés pour que je te laisse tout le ménage, vieil homme.
Le barman laissa filer un bref ricanement rauque et rangea le verre qu’il venait de nettoyer avant de demander :
— T’as toujours pas revu tes partenaires ?
Il n’eut qu’un soupir pour réponse, ce qui suffit à convaincre son patron à ne pas insister. Redressant d’un geste las une mèche rebelle, Evaline se dirigea vers une autre table, tandis que le vieil homme se saisit d’un verre à récurer. Mutique, la serveuse se pencha et entreprit de la décrasser du reste de vomi d’un abruti que Kogoto avait fichu à la porte quelques heures plus tôt. Avec inquiétude, le barman l’observa, sans qu’Evaline n’y prête attention.
Au-delà des informations officielles, Kogoto ignorait ce qui s’était passé à Chikara. Mais il connaissait suffisamment la kunoichi pour deviner que ce n’était pas sa défaite qui la déprimait. Evaline était revenue depuis une bonne semaine et n’avait pas été sollicitée par Gensou depuis son retour. Après avoir tout donné au tournoi, cela n’était guère étonnant, du moins Kogoto l’estimait-il. Même l’endurance hors du commun des shinobis avait leurs limites.
L’absence de contact de son équipe l’inquiétait bien plus. Depuis que Kezashi Hykao l’avait prise sous son aile, Kogoto devait rappeler régulièrement à la jeune femme son emploi civil, bien plus que lorsqu’elle s’entraînait avec le ninja-policier. Le vieil ours s’était attaché à la Genin, mais la chambre dont elle disposait était celle de sa serveuse, pas d’une kunoichi de passage.
Mais à présent, Evaline passait tout son temps à travailler dans l’humble établissement, rendant l’Izakaya propre comme jamais en trente années d’ouverture. Durant ses heures de service, elle utilisait ses illusions par simple habitude de travail, sans chercher à les perfectionner. Et surtout, la serveuse solaire avait laissé place à une Evaline silencieuse, abattue. C’est à peine si elle réagissait face aux clients trop entreprenants, se contentant d’un geste vif et glacial pour toute défense.
La jeune femme fuyait quelque chose, et cela ne lui ressemblait pas.
De légers coups à la porte tirèrent le barman de ses propres pensées. Il rangea son verre et jeta son torchon sur le comptoir, tandis qu’Evaline n’y prêtait aucune attention, plongée dans son ménage mécanique. Kogoto soupira et alla ouvrir à une demoiselle qui ne semblait guère à l’aise dans cette ruelle malfamée des bas-fonds.
Bien qu’ils ne se soient jamais rencontrés, le vieil ours l’a reconnue aussitôt. Ce ne fut ni sa menue silhouette ni ses tresses aussi sombres que sa tenue qui le renseignèrent. Mais ce regard pâle, doré et fuyant, que l’on ne croisait qu’en présence que des représentants d’un clan bien particulier, peu présent dans les quartiers pauvres de Gensou.
Kogoto hocha la tête et fit un signe à la demoiselle de rentrer :
— Ton amie Sabishii te demande, gamine, l’informa le barman de sa voix bourrue.
À nouveau, Evaline stoppa net son geste. Mais cette fois, son attention abandonna le chiffon, qu’elle laissa sur la table. La kunoichi se tourna vers la nouvelle venue et hoqueta de surprise :
— Mey ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
Baissant les yeux, la Sabishii se recroquevilla, serra son bras gauche de sa main droite tout en se mordant la lèvre. Un silence gêné s’installa, rapidement rompu par la voix bourrue de Kogoto :
— J’vous sers un verre ?
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Les doigts noués autour de son verre d’eau, Mey fixait les ronds que son geste anxieux produisait à la surface. Patiente, Evaline but une gorgée de sa bière.
— Tu es venue pour acheter la vaisselle ? tenta de la détendre Evaline d’une petite voix. Par rapport à celle de ta famille, tu vas être déçue.
Non loin d’eux, nettoyant son comptoir, Kogoto poussa un grognement bien trop appuyé pour être sincère. La Sabishii gloussa de rire, avant de relever les yeux. Evaline fut décontenancée d’y lire de la surprise :
— Tu ne m’en veux pas ?
La demoiselle aux mèches de prune haussa les épaules, lasse :
— Comment le pourrais-je ? répondit-elle avec amertume. Je ne sais même pas pourquoi tu ne m’adressais plus la parole.
Mey se mordit une lèvre, trahissant la culpabilité nouant sa gorge.
— Je suis désolée.
Un léger silence, doux et dénué de ressentiment, s’installa entre elles. Evaline posa une main délicate sur celle de son amie et lui sourit tendrement. La Sabishii le lui rendit et, rassurée, lâcha d’un trait, portée par le besoin de se délivrer de son fardeau :
— Ta victoire contre Takeshi. Je l’ai mal vécue.
Devant le haussement de sourcil surpris d’Evaline, Mey déglutit de gêne et se frotta la nuque, cherchant ses mots :
— En me réveillant à l’hôpital, je savais ce qui m’attendait. J’ai été une déception pour ma mère, Evaline. Elle ne me le dira pas, car c’est inutile. Je n’ai pas gagné un seul combat mais, surtout, un Masumane a écrasé l’héritière des Sabishii devant le peuple des trois Villages.
Les larmes aux yeux, elle but une gorgée, davantage pour se donner une contenance que par besoin d’hydratation. Evaline serra doucement sa main, l’encourageant à continuer. Elle commençait à mieux comprendre les raisons de son amie, mais elle savait qu’il lui fallait tout livrer sans interruption.
— J’étais envieuse, lâcha Mey-Lynn, tout en reposant doucement son verre. Si j’avais atteint le carré final, la défaite aurait été moins douloureuse à assumer.
La timide adolescente s’humecta les lèvres, et osa enfin croiser le regard noisette d’Evaline :
— Je voulais tellement être toi que ta présence m’était devenue insupportable.
La confession fit ressurgir toute sa culpabilité, frappant Mey de plein fouet. Elle étouffa un sanglot, une main sur sa bouche, tandis qu’Evaline remua doucement la tête :
— C’est grâce et pour toi que je l’ai battu, idiote, murmura-t-elle. Si l’ordre de nos combats avait été inversé, tu aurais trouvé un moyen de le battre.
La Sabishii sécha ses larmes du poignet et répondit, la gorge étranglée :
— J’ai du mal à le croire…
Evaline claqua la langue d’agacement et se pencha sur la table pour lui relever le menton, lui interdisant toute dérobade de regard :
— Tu es talentueuse, lui asséna-t-elle, en détachant distinctement chaque syllabe. En avoir conscience est difficile, car ton foutu clan fait peser une pression sur tes épaules, si lourde qu’elle te sape en permanence.
L’héritière des Sabishii entrouvrit la bouche, mais Evaline en avait assez entendu :
— Tu les emmerdes, Mey. Sois la Sabishii que tu veux être. Pas celle qu’attend de toi ta mère. Celle que tu choisis de devenir.
Evaline la relâcha et s’adossa à nouveau à sa chaise. Elle reprit une gorgée, laissant Mey-Lynn intégrer ses paroles. La demoiselle baissa les yeux, avant de les relever. Evaline fut heureuse d’y percevoir le début d’une étincelle.
— Merci, Eva.
La kunoichi aux couettes se mordit alors une lèvre et jeta un regard par-dessus son épaule, observant Kogoto. Puis elle se retourna vers Evaline et demanda avec appréhension :
— Il faut que je te parle de quelque chose. En privé.
Evaline hocha la tête, vida sa bière d’une traite, puis se leva dans un raclement de bois. Elle guida Mey jusqu’en bas de l’escalier et croisa le regard de Kogoto :
— Sacrée descente, le taquina le vieil ours en un demi-sourire.
— Talent de kunoichi, répliqua Evaline avec malice. Désolée de t’abandonner.
Le barman haussa les épaules, nullement affecté par sa mise à l’écart. Au contraire, Kogoto était ravi de retrouver le sourire de sa serveuse favorite :
— T’en as assez fait pour cette semaine. Et j’t’avoue que j’préfère m’tenir loin des affaires de clan.
Sourire amusé aux lèvres, Evaline monta les escaliers, Mey sur ses pas sans mot dire. Une fois dans la chambre, la kunoichi aux mèches de prunes l’invita à s’asseoir sur le lit. L’une à côté de l’autre, un silence de non-dit, plus pesant que dans le bar, écrasa les deux jeunes femmes. D’une petite voix, Mey demanda finalement :
— Que s’est-il passé avec Kezashi ?
Evaline se mordit la lèvre, ses doigts crispés sur le drap. Elle inspira profondément, puis lâcha d’un souffle :
— Il est devenu encore étrange qu’avant. Différent. Il s’est éloigné de moi et il se montrait de plus en plus cynique, cruel. Je ne le reconnaissais plus, même dans ses sourires. Mais au retour, ce fut pire que tout.
Ce fut au tour de Mey-Lynn de laisser le temps à son amie de trouver les mots pour s’exprimer :
— Je ne l’ai jamais vu comme ça, murmura Evaline, presque à contrecœur. Il s’est isolé. J’étais inquiète, je l’ai rejoint lors d’une pause et…
Hésitante, la kunoichi aux mèches de prunes détourna le regard tout en se frottant la gorge. Mey attendit la suite, posant simplement une main sur celle de son amie :
— Il m’a agressée. Violemment. Sans Shiro et Chiraku, il m’aurait probablement tuée.
Le silence devint lourd de sens, nécessaire pour les deux jeunes femmes. Choquée, Mey se passa une main sur le visage, comme dans l’espoir de dissiper l’effroi qui lui glaçait l’échine :
— Et merde…
Elle ferma les yeux, et prit une grande bouffée d’air. Sentant que sa meilleure amie cherchait à se trouver du courage, Evaline sentit son cœur manquait quelques battements :
— Je ne suis pas venue que pour me faire pardonner, Eva.
La main de la Sabishii se serra inconsciemment sur celle de la kunoichi aux mèches de prune. Leurs regards se croisèrent, plus courageuses qu’elles ne l’avaient jamais été de toute leur courte carrière :
— Cela ne t’étonnera pas, les Hykao défendent leur héritier.
De dépit, Evaline souffla du nez tout en redressant une mèche rebelle. Sans avoir besoin de lui demander l’autorisation, Mey continua ses explications :
— Entre autres, il a le soutien des Kuroda. Je ne sais pas ce qu’en pense Izyroth, et cela a peu d’importance. Nous sommes muselées, Eva. Tu sais comment cela fonctionne.
Sentant l’énervement monter en elle, Evaline se leva. Tournant le dos à son amie, elle fit quelques pas dans sa chambre, la gorge nouée. Mey reprit une grande inspiration, puis lâcha avec écœurement :
— Ils ont besoin d’un bouc émissaire et…
— Moi ? l’interrompit Evaline, non sans une ironie aiguë.
Mey se leva à son tour, la main serrant son poignet gauche.
— J’aimerais te donner une réponse, murmura-t-elle, d’un ton tremblant.
S’apprêtant à faire les cent pas, Evaline se stoppa net et se tourna vers la Sabishii. La voyant à nouveau recroquevillée, comme cherchant à fuir la réalité, la Sabayaku murmura, la voix cassée :
— Mey… Putain, non.
Un sanglot secoua la gorge de l’apprenti espionne. Elle fit quelques pas vers Evaline et, brisée :
— Ma mère a demandé la dissolution de notre équipe.
Sans laisser le temps à Evaline d’intégrer l’information, elle enchaîna avant de fondre en larmes :
— Cette affaire a encore plus entaché mon nom au sein de mon clan que mes piètres performances au tournoi. Ma mère se bat pour me maintenir au rang d’héritière, alors que le vieux Ketsuo fait tout pour prouver mon indignité.
Le poing d’Evaline se serra, arrachant un recul-réflexe de Mey tandis que ses cheveux teintés de prune voilèrent le regard de la nymphe.
— Tu ne dois plus fréquenter la Sabayaku honnie, comprit-elle, alors qu’un reflux amer lui nouait la gorge, son estomac protestant en silence.
Une larme coula le long de la joue de l’héritière qui, sans chercher à se maîtriser, serra son amie contre elle :
— Je suis désolée, sanglota-t-elle contre l’épaule de sa meilleure amie.
Silencieuse, choquée, Evaline se tourna vers Mey-Lynn et, avec l’instinct de pouvoir manifester son affection pour la dernière fois, la serra contre elle.
— J’ai enfreint l’interdiction ce soir, murmura la kunoichi aux couettes en sanglotant. Je ne supportais pas l’idée que tu m’en veuilles pour le tournoi. Il fallait que je te l’explique.
Étouffant ses propres pleurs, l’ex-éducatrice murmura, implorante :
— C’est vraiment ce que tu souhaites ?
Elle sentit les doigts de son amie se serrer contre sa main, alors qu’elle expira :
— Tu as raison, je dois suivre ma voie. Et je veux changer mon clan, quoi qu’il m’en coûte.
Un ricanement ironique s’échappa de la gorge d’Evaline, à demi étouffé par l’émotion. La situation de Mey ne lui laissait pas le choix et, malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher d’être fière d’elle. Se libérant de leur étreinte, elle la poussa doucement du poing et susurra :
— Montre-leur qui tu es, Mey-Lynn Sabishii.
L’héritière en devenir sourit, ria et posa une main sur l’épaule de sa meilleure amie :
— On se retrouvera, Eva. T’as pas intérêt à crever en chemin.
Evaline n’esquissa pas le moindre geste lorsque son amie quitta la chambre. La gorge nouée, elle s’effondra sur son lit, sa résistance mentale fauchée à l’instant où la porte s’était refermée. Ses dents grincèrent, tandis qu’elle cherchait à étouffer sa peine contre son oreiller.
Alors qu’elle se noyait dans son impuissance, quelques coups à la vitre la ramenèrent à la réalité. Bien que convaincue d’avoir halluciné, Evaline se redressa péniblement sur ses coudes, avant de se lever à contrecœur pour ouvrir la fenêtre.
— Désolé pour ton amie, murmura une voix familière à sa droite.
Un demi-sourire aux lèvres, elle tourna la tête vers Shiro, adossé nonchalamment au mur extérieur de l’Izukaya comme seuls les shinobis étaient capables de le faire.
— Tu m’espionnes maintenant ? tenta de le taquiner Evaline, bien que sa voix blanche trahissait son réel état d’esprit.
— En partie, soupira le Chuunin aux cheveux bleus. Je peux te laisser, si tu as besoin d’être seule.
Evaline secoua négativement la tête et lui fit signe de rentrer, comprenant que le Yuushi avait de bonnes raisons pour lui rendre visite. Et à l’expression de son visage, elle devinait qu’il s’agissait de mauvaises nouvelles supplémentaires. Ils s’assirent sur le lit et, après un court silence :
— Il y a quelques heures, j’ai reçu la décision du Village sur le cas de Kezashi, annonça-t-il, visage fermé. Et du mien, au passage.
Evaline se mordit une lèvre, se doutant que Mey allait certainement apprendre cela à son retour au domaine des Sabishii. Bien que ne supportant nullement la pression de l’attente, la kunoichi aux mèches de prunes laissa le temps à son Yuushi de réunir son courage, se contentant de serrer son drap de nervosité, au risque de finir par le déchirer.
— J’ai servi de fusible, lâcha finalement Shiro, en contrôle malgré la situation. Officiellement, j’ai cédé à ma jalousie de ta relation avec Kezashi. Les Hykao m’ont accusé de te manipuler et d’avoir embrigadé Chiraku.
La mâchoire d’Evaline se desserra. A sa grande surprise, malgré la colère qui faisait battre son cœur à lui en faire mal, elle ne hurla pas. Elle expira et sentit la main de Shiro se poser sur son épaule.
— Tu t’es sacrifié ? demanda-t-elle, glaciale malgré elle.
Shiro laissa échapper un léger ricanement, ironique.
— J’aimerais être ton héros jusqu’au bout, grinça-t-il, amer. Mais ils ne m’ont même pas laissé ce luxe.
Evaline se passa une main sur le visage, avant de s’en mordiller le dos de frustration :
— Pourquoi ne pas m’avoir mise en cause ?
En un soupir, les doigts de Shiro glissèrent de l’épaule de la jeune femme pour se pincer l’arête du nez :
— Je soupçonne les Sabayaku de compter parmi les alliés des Hykao.
— Putain !
Cette fois, Evaline se leva et fut à deux doigts de passer ses nerfs sur sa chaise de bureau. La réduire en miettes à défaut de pouvoir briser ce foutu Corbeau.
— Je n’ai aucune preuve, Eva. Tu connais ta famille et les Hykao. Ils savent préserver leurs secrets.
— Ça expliquerait beaucoup de choses, siffla Evaline, de dos à Shiro et mains sur les hanches.
Un silence s’installa entre eux, nécessaire pour encaisser les évènements et leurs conséquences. Evaline expira et sentit sa colère redescendre peu à peu. Seuls restaient la douleur de la trahison et le poids des manipulations en travers de sa gorge.
— Ce que je suis conne, putain…
Shiro entrouvrit la bouche pour tenter de la réconforter, mais ne put prononcer le moindre mot. Écœurée, Evaline enchaîna :
— Pourquoi le prodige des Hykao s’intéresserait à une minable kunoichi qui avait rompu avec l’armée au sortir de l’Académie ?
La Sabayaku se tourna vers Shiro, la lèvre pincée :
— Il se fiche de moi depuis le début, affirma-t-elle les larmes aux yeux. C’est l’héritière qu’il voulait. Pour entrer dans les bonnes grâces de ma mère.
Shiro baissa les yeux et, d’une voix faible :
— C’est ce que je pense aussi. Les Hykao t’ont épargnée sur cette affaire pour préserver leurs relations avec les Sabayaku.
— Et les Mizu étant l’un des clans les plus influents de Gensou, ils ne peuvent se permettre de s’en prendre à Chiraku, conclut Evaline, la voix tremblante.
La jeune femme reprit place aux côtés du Yuushi et demande, confuse :
— Je ne comprends pas comment le Kage peut accepter cela.
Shiro soupira, avant de croiser le regard d’Evaline, qui crut y lire de la culpabilité :
— Kezashi a plus d’influence que tu ne le penses.
— Comment cela ? s’étonna la Sabayaku, haussant un sourcil.
Le Yuushi se frotta le menton, cherchant ses mots, puis :
— C’est un fin politicien, admit-il avec écœurement. Cela fait des années que les clans mineurs perdaient du terrain face aux Mizu et aux Maboroshi, jusqu’à ce que Kezashi arrive à les convaincre qu’il était capable de servir de pivot. Tous se rangent derrière lui, par crainte de disparaître.
Commençant à percevoir la portée de son ancien sensei sur l’échiquier stratégique du Village, Evaline demanda d’une voix blanche :
— C’est pour cela que tu t’éloignais de moi ?
Shiro ferma les yeux, avant de hocher la tête :
— Il n’a pas besoin de menacer pour se faire comprendre, avoua-t-il amèrement. Il y a des précédents. Il me voulait loin de toi, sûrement par crainte que je te détourne de lui.
— Et en héros idiot, tu l’as fait pour nous protéger tous les deux, comprit Evaline avec cynisme.
Le Chuunin ricana à nouveau, ravi de retrouver la taquinerie, bien qu’acide, de la Genin.
— Mais maintenant que je suis exclu de la police, ses menaces me font une belle jambe !
— Sérieusement ? s’exclama Evaline.
Shiro haussa les épaules. Contre toute attente, cela ne semblait pas le toucher plus que cela.
— Cela aurait pu être pire, déclara-t-il, vaguement satisfait. Mon clan a négocié pour que je reste un shinobi. Je dois refaire mes preuves.
Il tourna la tête vers la jeune femme, qui se perdit un instant dans ses yeux bleus.
— Si tu te sens de me supporter, reprise de ta formation au Suiton ?
— Tu cherches à récupérer ton élève préféré, Yuushi ? rétorqua Evaline, en un sourire amusé.
Cette fois, Shiro rit sincèrement. Il jaugea le visage épuisé d’Evaline et estima que sa protégée avait assez subi pour la journée. L’ex-agent de l’ordre se leva et fit quelques pas vers la fenêtre.
— Je doute que quiconque te mérite, princesse.
Une main s’empara fermement de son poignet, le forçant à se retourner. Ne comprenant qu’à peine ce qui lui arrivait, ses lèvres s’unirent à celles sucrées de la nymphe. Il sentit deux poignets se saisir de son tee-shirt, l’entraînant à nouveau sur le lit où il tomba sur la jeune femme aux mèches de prunes, qui n’eut qu’une pensée avant de chasser les complots de la Cascade de son esprit.
Que le Corbeau aille au diable.
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