48. Leur fausser compagnie

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Lyana

Je fais mine de vérifier les vidéos de surveillance en tentant de cerner les trois loustics qui sont arrivés cette nuit. Dire que j'étais à deux doigts de me barrer, sac sur le dos… J'aurais sans doute moins fait la maligne si je n'avais pas vu la voiture passer devant ma maison trois fois en s'arrêtant devant sur l'écran de l'ordinateur.

Je connais bien Alexi, j'ai déjà bossé avec lui à plusieurs reprises et… possiblement couché avec quelques fois. Mais je me rappelle surtout du dingue qui se cache sous l'aspect propre et gentil. Un vrai cinglé. La métaphore de l'iceberg a dû être créée pour lui. Quant aux deux autres, je les ai déjà vus chez Pavel, mais je n'ai jamais vraiment eu l'occasion d'échanger avec eux. Toujours est-il que la balafre profondément ancrée sur la joue d'Anton me fait dire qu'il n'a rien d'un enfant de chœur.

Le soleil est à peine levé et ils sont déjà prêts. J'ai eu droit à un réveil qui n'avait rien d'agréable et je regrette le dernier que j'ai vécu avec Théo. Si j'avais su que tout ceci allait arriver, j'aurais prolongé le moment et géré les choses bien différemment.

— J'ai rien sur les dernières heures, il n'est pas revenu chez lui. Je vous ai préparé une carte avec tous les lieux où il a l'habitude de se rendre. Je pense qu'il va chercher à se rassurer dans des endroits qu'il connaît. Avec Dimitri, on continue à ratisser le coin avec les drones ce matin et on vous rejoint cet après-midi. Ça vous va ?

Je pose la question par simple politesse, mais je les cherche peut-être aussi un peu. Des Russes qui doivent suivre les ordres d'une femme… Mafiosos en plus, ça me donne envie de rire. Viktor a l'air d'être constipé rien que de m'entendre parler. J'adore !

— Tu te prends pour qui, là ? C’est pas toi la responsable de la mission, il me semble, s’énerve-t-il. Tu sais qu’on fait ce qu’on veut ? Nous, notre boulot, c’est de retrouver le gars que vous avez laissé fuir. Rien d’autre. Alors, je propose qu’on aille aux endroits qu’il fréquente habituellement. Ça vous va, les gars ?

Ils opinent du chef alors que je souris intérieurement de les voir faire exactement ce que j’ai proposé. J'ai vraiment l'impression qu'à partir du moment où on est intelligent, on ne s'engage pas dans la mafia. Pas très rassurant pour mon Quotient Intellectuel, quoique, je ne peux pas dire m'être engagée volontairement là-dedans, moi…

Je les observe donc partir tous les trois, ces grands couillons, et jette un œil à Dimitri qui semble totalement perdu. J'ai l'impression que même lui a compris qu'il y avait un souci dans la petite rébellion de Viktor, pour le coup.

— Cherche pas… Je te laisse gérer le drone ? J'ai pas envie de l'exploser et je suis nulle avec ce truc. Chacun sa spécialité…

— Oui, je l’envoie voler où ? Toi qui le connais, je dois surveiller quel endroit ? me demande-t-il en se rapprochant de l’endroit où je suis et où se trouve l’ordinateur qui dirige les engins volants.

— Eh bien, je dirais qu'il faut surveiller la maison où est installé le flic, et l'arrière de chez nous. Je ne le vois pas se barrer en faisant du stop. Après… tu sais où elle vit, sa collègue là, Roselyne ? Il a très bien pu lui demander refuge.

— Comment je fais pour surveiller tout ça avec un drône ? Tu es marrante, toi. Heureusement que tu es mignonne, sinon je te jure, je ne sais pas ce que j’aurais fait.

— Tu commences par vérifier s'il n'est pas chez le flic, ce sera déjà une bonne chose. Et arrête avec ça, ça me gonfle.

— Qu’est-ce qui te gonfle ? Tu me plais beaucoup, tu sais. Je ne dirais pas non à quelques petits câlins, continue-t-il en posant ses grosses mains sur mes épaules.

Je fais un mouvement brusque pour qu'il les retire et lui lance un regard que j'espère assez dur pour qu'il comprenne.

— N'y pense même pas. Ce n'est ni le moment, ni le lieu. On a autre chose à faire.

— Allez, on a un peu de temps, là. Et puis, promis, je ne dirai rien à Pavel. Il n’y a pas de mal à se faire du bien, ma belle.

— Je t'ai dit non. Et crois-moi, il vaut mieux que tu évites d'en parler à Pavel, clairement. Tu risquerais de te retrouver dans sa salle de torture, mon pauvre.

— Allez, te fais pas prier, toi aussi, tu dois être en manque. Je te promets que si tu es gentille, je te fais un petit cuni. Ça ne te dit pas ? insiste-t-il en déposant ses lèvres dans mon cou tout en me maintenant entre ses bras.

Je le repousse comme je peux et finis par lui donner un coup de coude dans l'estomac pour qu'il lâche sa prise. Cet enfoiré à de la force et il faut vraiment que je sois vigilante.

— Non merci. Pas de manque pour moi, tu sais, j'ai dû copuler un nombre incalculable de fois avec Théo pour la mission. Et je peux t'assurer que c'est un super coup au lit.

— Aie ! Tu n’es pas drôle, toi, s’énerve-t-il en s’éloignant enfin pour se pencher sur son ordinateur. Au moins, ma petite chérie électronique, je lui fais faire ce que je veux. Elle décolle au doigt et à l'œil ! Ca, c’est une créature parfaite, indique-t-il en caressant la petite manette comme si c’était un vibro.

Les trois autres étant partis, je profite qu'il me tourne le dos pour tenter de le débarrasser de lui. C'est risqué, le type est une armoire à glace, mais c'est ma meilleure chance de pouvoir me barrer, alors j'approche aussi silencieusement que possible et utilise les deux mains pour tenter de l'assommer contre son bureau. Le bruit que fait sa tête en cognant contre le bois me fait frissonner et cet abruti continue de gesticuler, alors je reproduis une seconde fois mon geste après avoir évité de justesse sa main qui tente de me repousser, puis le fais tomber au sol, sur le ventre, et m'installe sur lui en le maintenant comme je peux.

— Quand une fille te dit non, c'est non, un point c'est tout, abruti, chuchoté-je à son oreille en attachant ses poignets l'un à l'autre avec la corde que je gardais dans la poche de mon sweat.

Il geint et je ne me gène pas pour serrer bien fort les liens, ni pour terminer de l'assommer avant de lui attacher les jambes et de le traîner comme je peux dans la petite cour de la maison pour aller l'enfermer dans le cabanon.

En rentrant dans la maison, j'éteins la caméra qui donne sur la façade de l’entrée et laisse un mot aux autres leur disant que je vais retrouver Théo moi-même. Je quitte cette baraque dégoûtante sans aucun regret et réfléchis à la suite des choses. Il faut que je me trouve une voiture, que je fasse attention à ne pas être suivie, que je sois vigilante à tout ce que je fais. Demander sa voiture à la boulangère risquerait de m'apporter rapidement des ennuis. Je ne sais pas trop quelle stratégie adopter, mais je me dis que s'ils pensent que je suis allée chercher Théo, utiliser ma voiture ne posera pas problème, au moins pour l'instant. Je prends donc la direction de la maison et me mets en route rapidement dans l'objectif de rejoindre Suzie et Théo. Si Théo est arrivé à destination… J'ai vu cette nuit l'enregistrement le montrant en train de sortir de mon placard… Pour le reste, ce ne sont que des suppositions, que je peux vérifier, quand même, en appelant ma sœur d'adoption.

— Suzie, c'est Lyana. Tout va bien ?

— Oh, c’est toi ? Je ne m’attendais pas à ce que tu me rappelles si vite. Et oui, tout va bien. Il est trop chou, ton Théo. Mais il est en colère contre toi, on dirait.

Je soupire de soulagement en entendant les mots de mon amie et ne fais pas attention au reste. Théo est loin d'ici et en sécurité pour le moment, c'est l'essentiel.

— Je suis sur la route. Il aura tout le temps de me crier dessus quand je serai là… Comment il va ? Guizmo est avec lui ?

— Il va bien, le barbu. Il m’a demandé pourquoi j’étais là et a été surpris de voir que tu cherchais à le protéger. Je ne comprends pas tout ce qu’il se passe entre vous deux, mais clairement, il va falloir que vous parliez. Et si tu en as marre de lui, tu me le dis, j’en ferai bien mon quatre heures si tu le jettes. Ah, et ton chien, reprend-elle après avoir ri, il fait le garde du corps. Tu peux être rassurée, pas une nana ne peut s’approcher de ton chéri !

Je vais d’émotion en émotion durant sa tirade, et mon visage doit passer par tous les faciès possibles. Je suis inquiète que tout ceci soit trop à gérer pour Théo et qu’il craque, je suis triste qu’il soit en colère, énervée que Suzie se permette ce genre de réflexion, satisfaite que mon chien fasse plus que son boulot… Bref, comme toujours, elle a le don de me faire vivre mille et une choses.

— Possible qu’il soit dispo plus vite que ce que j’avais prévu, soupiré-je. Je lui ai dit que je répondrai à toutes ses questions et je le ferai. Merci, Suzie, je t’en dois une bonne. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

— C'est normal. Tu as tellement pris ma défense quand on grandissait, je te dois bien ça. Et puis, il y a pire que de passer du temps avec un beau mec comme Théo. Je crois que je vais lui demander de venir me border pour que je fasse de beaux rêves !

— C’est bon, Suzie, range ta libido cinq minutes, bougonné-je. Fous lui la paix, il a autre chose à penser, ce serait profiter de lui, là. Et puis, je te rappelle qu’on a un certain code d’honneur, non ? On ne touche pas, sauf si l’autre s’en fout. Et je ne m’en fous pas.

— J’ai même pas le droit à un petit câlin ? Tu n'es pas drôle, dis donc. Mais je te charrie, je vais juste le tester un peu pour voir s'il te mérite !

— C’est moi qui ne le mérite pas. Vraiment, Suze, laisse-le tranquille… Il vient de vivre des trucs pas drôles.

— Justement, il faut le dérider un peu et le préparer à ton humour décapant. T’inquiète pas, ma Puce, je vais le choyer, ton chéri. Il sera tout prêt pour t’accueillir. Tu arrives quand ?

— En début d’après-midi, je pense. Je vais essayer de faire le plein de provisions au passage, histoire qu’on n’ait pas à sortir. Restez bien à l’abri, Suzie, c’est important. Il y a quelques trucs à manger dans la voiture de Théo si besoin. Ne vous éloignez pas trop de l’hôtel, même pour promener Guizmo. OK ?

— Tu sais que tu n’es pas possible ? Tu me demandes de m’enfermer avec un Apollon et de ne pas y toucher… Franchement, tu abuses, Lyana. Je te jure que tu m’en demandes beaucoup, là ! rit-elle.

— Tu es censée avoir pris deux chambres, Suzie, marmonné-je. Dernière chose, demande-lui s’il est sûr de ne pas avoir été suivi, s’il te plaît… J’aimerais bien ne pas avoir de mauvaise surprise en arrivant à l’hôtel.

— Mais oui, j’ai pris deux chambres, ne t’inquiète donc pas. Et qui voudrait le suivre ? Dans quel pétrin tu l’as fourré, le pauvre petit ?

— Suzie, ne pose pas de question, c’est pas le moment. Demande-lui maintenant. S’il te plaît, ajouté-je d’une voix plus douce qu’en commençant.

— Théo, mon chou, ta copine demande si tu as été suivi jusqu’ici ou pas. A part le chien, il n’y avait personne ?

Je grimace en l’entendant parler et tends l’oreille lorsque la voix de Théo me parvient au loin sans parvenir à vraiment comprendre ce qu’il dit. Je donnerais n’importe quoi pour être déjà là-bas, m’assurer par moi-même qu’il va bien… Et tout pour que tout ceci ne change pas les choses entre nous, même si j’ai bien conscience que je me fais des illusions. Pas après tout ce qu’il s’est passé, c’est impossible. De toute façon, comme je l’ai dit à Suzie, je ne le mérite pas. J’ai un passé bien trop lourd pour qu’il puisse m’accepter dans sa vie.

— Non, il me dit qu’il n’a vu personne. Le pauvre petit, il est tout seul depuis que tu l’as abandonné. Je crois qu’il a vraiment besoin de câlins. Dépêche-toi où je m’occupe de lui !

— A plus tard, Suzie.

Je raccroche rapidement et me reconcentre sur la route. Je doute que Théo accepte un quelconque câlin de ma part, mais elle n’a pas tous les éléments qui pourraient lui faire comprendre ça. Ce qui veut dire que mon voisin ne lui a pas tout raconté. Ou pas encore. En attendant, il me faut trouver une autre voiture rapidement pour rejoindre Honfleur et retrouver les deux mâles qui partagent ma vie. J’ai l’impression d’être une vraie fleur bleue, mais ils me manquent, tous les deux...

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