L’arrière-goût du bonheur

Une minute de lecture

L’horaire affiché sur la porte indiquait la fin du service. Éric et moi allions être contraints de quitter le restaurant. Pour retarder ce moment, je détaillais l’étendue dorée de la plage à travers la baie vitrée. Un vieux pont en bois semblait s’étirer jusqu’à de petites cabanes colorées.

— C’est pas mal, dis-je.

Je me rappelais avec amertume ces instants où mes pieds s’enfonçaient dans le sable, des moments suspendus où le soleil frappait ma chevelure lumineuse. La réminiscence d’un court laps de temps où je me sentais libre, là où mon cœur battait en mesure avec les vagues. Les goélands chantaient. De mon souffle, je chassais les nuages. Un arrière-goût du bonheur.

À mes côtés, Éric parlait doucement.

— Maintenant, allez saluer la dame à votre droite.

Je tournai la tête vers une vieille femme assise trois tables plus loin, d’énormes lunettes rondes lui mangeant le visage.

— Bonjour, dis-je, la voix tremblante.

Elle me répondit d’un hochement de tête.

— C’est très bien, murmura Éric.

Il poursuivit :

— C’est l’heure, on va maintenant se rendre jusqu’à la plage, près du pont.

Je me levai lentement, prise d’un vertige. Je luttais pour ne pas m’écrouler. Chaque pas était une épreuve. Mon souffle devenait court, un signal qui mettait mon corps en alerte. Mon cœur tapait dans ma poitrine. Prise de panique, je criai :

— Je ne peux pas !

Je reculai, m’effondrant sur ma chaise. Éric posa une main douce sur mon épaule.

— Vous avez essayé, c’est déjà très bien.

Je retirai mes lunettes 3D. Le décor changea brutalement. Le restaurant, le sable, le pont disparurent. J’étais face à un mur blanc, dans mon salon sombre et étroit. Éric se tenait près de moi.

— Anna, c’est seulement notre troisième séance de thérapie d’exposition. Il faut réhabituer doucement votre cerveau à ces situations anxiogènes. Après trois ans sans sortir de chez vous, je trouve que vous faites déjà beaucoup de progrès.

J’avais les larmes aux yeux. La plage n’était pour moi qu’un paysage inaccessible que je ne pourrais jamais fouler.

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