Chapitre 12

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Un nuage de poussière s'éleva en même temps que quelques oiseaux qui croassèrent, en signe de protestation. Juste avant que la cabane ne s'écrase, Tania et moi avions réussi à sauter sur l'arbre d'en face : un immense platane. Nous étions à la hauteur du croisement de ses deux branches principales, si bien que nous avions pu sauter sans courir le moindre risque. Tania avait tout de même dû me rattraper de justesse, car à cause de mon manque d'élan, j'avais failli basculer en arrière sous mon propre poids.

Jack ne pouvait évidemment pas couper le platane. Il nous observait, le regard désormais haineux.

  • Il ne s'attendait pas à ce qu'on survive..., murmurais-je, à la fois pour Tania et pour moi-même.
  • Ouais... Et maintenant on fait quoi ?
  • On a qu'à crier, les professeurs doivent être à notre recherche !

Nous criâmes donc conjointement à l'aide. Ma gorge en feu, je m'arrêtai devant le manque de résultat. Tania continuait, elle, avec l'énergie du désespoir.

Quand elle abandonna également, Jack se mit à crier lui aussi :

  • À l'aide, au secours ! Tania est devenue folle et essaye de nous tuer !!

Bouches bées devant ce retournement de situation, nous ne savions que répondre. À quoi jouait-il ? Il nous regarda l'air moqueur et ajouta en brandissant son portable :

  • J'ai ici quelques films qui prouvent que Tania est complètement folle. Et ça vient de ta bouche et celle de Mike, John.
  • Mais c'est débile, on saura que c'est toi le meurtrier ! Je n'aurais qu'à expliquer la blague et leur montrer ta machette ensanglantée.
  • Qu'est-ce qui te prouve que tu pourras encore parler d'ici là ?

Son ton était redevenu glacial et il me fixait avec un air que je ne lui avais encore jamais vu depuis notre rencontre. Il était complétement fou. Je chassai l'image de Mike qui revenait sans cesse depuis que Jack avait prononcé son nom.

Tania à côté de moi s'agita. Elle se hissa prudemment sur une branche plus haute, au-dessus de sa tête.

  • Qu'est-ce que tu fais ? soufflais-je, à la fois impressionné et étonné.
  • Il faut qu'on voit où on est par rapport au parcours. De là-haut, j'aurais une bonne vision d'ensemble et je pourrais voir s'il y a des habitations proches. Une fois que je redescends, je te donne une direction, on saute puis on se sépare.
  • Mais...
  • On aura plus de chance si on se sépare ! C'est mathématique, il ne pourra pas nous suivre les deux, réfléchis !

Je n'eus pas le temps de répondre quoi que ce soit que, déjà, elle attrapait une autre branche. De toute façon, je ne savais pas quoi dire. "Plus de chance", soit une chance sur deux. Une chance de survivre... Ainsi, on devenait presque rivaux, dans un sens. Qu'est-ce qui me prouvait qu'elle me donnerait la bonne direction ? Si par exemple il n'y avait aucune habitation proche, elle choisirait sans aucun doute la direction la plus susceptible d'avoir des secours. J'enrageai de ne pouvoir la suivre. La peur m'avait jusqu'ici poussé à l'improbable : moi qui avais un peu le vertige, j'avais réussi un exploit en grimpant à cette fichue cabane et un autre en sautant sur ce platane. Mais grimper comme elle le faisait, parfois à l'aide de tractions pour les branches les plus élevées, relevait d'un autre niveau.

Aussi agile qu'un écureuil, je la voyais progresser rapidement ; elle arriverait bientôt au sommet. Je baissai mon regard pour vérifier la position de Jack, quand je me rendis compte de son absence. Paniqué, je me penchais de l'autre côté et vit avec stupeur que Jack avait récupéré l'échelle de la cabane et y grimpait énergiquement. Il était environ à mi-chemin.

Rassemblant mon courage, je poussai l'échelle de toutes mes forces avec mes pieds. Celle-ci commença à basculer timidement en arrière, avant de se bloquer à nouveau sur l'arbre. Ce n'est pas possible d'avoir des brindilles à la place des muscles ! Je réitérais l'action avec plus de convictions. Cette fois, l'échelle tomba et Jack eu juste le temps de sauter.

C'est à ce moment que Tania redescendit précipitamment. Elle me souffla à demi-mots :

  • Ok, on court jusqu'au muret où tu as traversé, on l'escalade et après, tu prends à gauche, moi à droite.

À droite, cela revenait à rebrousser chemin vers le parcours. Méfiant, je demandais :

  • Il y a quoi à droite ?
  • J'ai vu des habitations. Je cours plus vite que toi. Jack te poursuivra sûrement, donc je te laisse le chemin le plus court, vers les secours. Une fois là-bas, n'oublie pas de leur dire par où je suis partie. Mais d'abord, on doit atteindre ce muret !

Je n'étais pas vraiment convaincu par son plan. Ce qui m'étonnait le plus, c'était qu'elle me laissait le chemin le plus court. Mais n'ayant pas vu le panorama de mes propres yeux, je n'avais pas vraiment le choix : je devais me contenter de la croire.

Redescendre n'était pas facile : il nous fallait l'échelle ! Ce qui voulait dire qu'il fallait amadouer Jack. Je pris les devants :

  • Jack, on va descendre et s'expliquer, d'accord ? Mais il nous faut l'échelle.
  • Oui c'est ça descendez, qu'on "s'explique" gentiment. Comme ça Tania pourra me dire ce qu'elle a vu de là-haut. Tu crois que ta maman va venir te chercher John ? Parce que sinon, je peux aussi t'envoyer en pièces détachées par colissimo, ah ah, ça sera plus rapide !

Il rit pour lui-même, mais son rire était très bizarre. Ponctué de reniflements grotesques s'apparentant à un cochon, l'image du psychopathe froid et élégant s'effaça l'espace d'un instant. Cela eut pour effet de diminuer mon stress et j'essayais de ne pas accorder d'importance à l'image horrible de mon bras entouré de papier bulle. Dans un autre contexte, je me serais allègrement moqué - intérieurement bien sûr - de lui.

Tania faisait les gros yeux, mais ne disait rien. Impassible, son regard restait rivé sur l'échelle. Sa situation était délicate : si je ne m'en sortais pas, Jack avait potentiellement des preuves contre elle, sur son portable. Les analyses de la machette et celles du cadavre de Mike prendraient un temps fou, et qui sait ce qui pouvait se passer jusque-là ! Même si on prouvait que Jack était le meurtrier, Tania avait de grandes chances d'être accusée de complicité. Elle devait certainement y penser.

Jack s'emparera de l'échelle et la posa, bien calée entre les deux branches principales du platane.

  • À mi-hauteur, on saute et on court jusqu'au muret, OK ?
  • Compris, dis-je, me demandant si j'aurais le courage de sauter d'aussi haut.

Jack, pendant ce temps, frappait sa machette dans la paume de sa main, rythmant ainsi notre descente.

  • Maintenant !

Tania sauta pieds joints à terre et se réceptionna sans problème. Je fermais les yeux et sautais également. À ma grande surprise, je ne me tordis pas la cheville.

Jack fondit sur moi en brandissant sa machette, les yeux exorbités, comme possédé. J'eus un mouvement de recul mais son arme entailla légèrement mon épaule. Pris dans le feu de l'action, je ne sentis même pas la douleur. Aussi vif que l'éclair, il renouvela son coup, puis un autre, frappant l'air au-dessus de moi et sur mes côtés. Chaque fois, mon instinct me sauvait, de justesse. Tania en avait profité pour récupérer sa branche aiguisée parmi les décombres et assena un violent coup à la tête de Jack. Sonné, il s'écroula par terre, une légère commotion à la tempe, d'où s'échappait un mince filet rougeâtre.

Elle m'agrippa le bras et me cria :

  • Vite, le muret !

Il n'y avait pas une seconde à perdre, car Jack se remettait rapidement. Il secoua la tête, toujours au sol, et reprit sa machette. Il serait sur nous d'un moment à l'autre.

La peur me nouait le ventre et j'avais les jambes en coton. Nous réussîmes je ne sais comment à atteindre le muret délimitant la réserve. J'aidai Tania à grimper dessus en la poussant avec les forces qui me restaient. Cette scène m'était étrangement familière et un mauvais pressentiment m'envahit.

  • Vite, aide moi !, la pressais-je, conscient du risque grandissant si je restai plus longtemps de ce côté.

Au lieu de m'aider, elle me regarda tristement et me lança :

  • Je suis désolée... Je regrette... Elle hésita et en me regardant droit dans les yeux, elle me dit d'un ton dramatique : "Bonne chance John !"

Puis, elle sauta sans se retourner. Je l'entendis partir vers la gauche en détalant à toute vitesse.

Derrière moi, les pas de Jack résonnaient déjà...

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