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Je me suis réveillé dans un lit, au chaud, de gros pansements sur les poignets et les chevilles. Celles-ci ont la peau arrachée par les cordes. Je n’avais rien senti.

— Ça va Nicolas ? Tu reviens de loin. Nous avons failli te perdre !

— Oh ! Je n’ai pas réussi ?

— Mais si ! Nous avions prévu trois heures. Comme tu avais l’air de supporter, nous t’avons laissé presque neuf heures. C’est nous qui avons pris des risques inutiles !

— Non ! C’était bien ! De mieux en mieux avec le temps. Merci d’avoir prolongé. Merci de m’avoir accompagné. Merci pour tout. Au fait, je ne sais même pas votre nom.

— Docteur Anucci, chirurgien.

— Nicolas, Nic !

— Oui, je sais ! Je te connais !, dit-il en riant.

— Il y a eu un problème ?

— Oui, à ton retour, quand ton corps a décompressé. Deux arrêts cardiaques. Nous avions anticipé. Nous t’avons choqué, ton cœur est reparti sans problème. C’était quand même trop long.

— Je ne regrette pas !

— Tu sais, tu es le premier à retenter l’expérience depuis une vingtaine d’années ! Ce genre de pratique se faisait beaucoup. Mais plus d’un sur trois ne résistait pas. Devant l’hécatombe, cela s’est arrêté. Plus de candidat au suicide ! Sauf toi !

— Même pas ! Je ne sais pas qui a décidé cela pour moi, pour nous plutôt !

— Ah, oui. Tu peux savoir maintenant. Lucas est décédé pendant l’entraînement. L’épreuve de la corde. Il s’est empêtré. Le temps de le récupérer, il était trop tard. C’est un accident stupide.

— Et Armand ?

— Il a été choqué de te voir sur la croix. Une petite cure de sommeil et il va mieux. Je crois qu’il regrette de ne pas avoir eu ton courage.

— Ou ma folie…

— Tu sais, pendant ce mois, tout le monde admirait ta pugnacité. Personne n’a douté de toi.

— Cela fait combien de temps que vous m’avez redescendu ?

— Nous sommes mardi matin. Ta montée a eu lieu vendredi à 19h et ta descente samedi à 5h. Tu es resté dans le coma depuis. Nous t’avons un peu aidé. Tout va bien. Il est 9h et nous avons promis que tu descendras pour le déjeuner. Prépare-toi à une belle réception !

Une seule question me brulait les lèvres.

— Qui est venu me voir, pendant mon coma ?

— Tout le monde s’inquiétait.

— Non : qui est venu ?

— Ah ! Paul est resté longtemps et souvent près de toi.

— Et… William ?

— Non, il n’est pas venu.

Il y a des douleurs auxquelles je ne peux pas faire face. Malgré tout ce qui s’était passé, c’était donc fini entre nous. Pourquoi ? Où était ma faute, ma responsabilité ? Il était inutile de me faire revenir dans ce vide.

Paul passa, trop heureux de m’embrasser. Avec lui, je pouvais parler de William.

— Je ne sais pas. Il a été bizarre tout le temps de la préparation, comme si cela ne le concernait pas. Puis lors de ta crucifixion, il était loin. Je savais que tu allais me poser la question. J’ai essayé plusieurs fois de l’approcher. Il disparaissait. J’ai parlé à Guillaume, à vos autres amis. Aucun ne comprenait où il était dans sa tête.

— Paul, je suis inquiet pour lui !

— Et moi, je suis inquiet pour toi ! Laisse tomber ce connard ! Nic, je peux te demander une faveur ?

— Oui, bien sûr !

— Est-ce que tu peux faire ton entrée triomphale tout à l’heure à mon bras ?

— Mais bien sûr. Merci de me le proposer.

***

Je me levai. Je mis plusieurs minutes à trouver mon équilibre. Paul et Anucci m’aidèrent à m’habiller. J’avançais comme un petit vieux. Ils étaient tous là ! J’étais un héros, moi le pauvre petit mec.

Les applaudissements durèrent longtemps. Beaucoup, la plupart, ont défilé pour venir m’embrasser. Que de belles choses je voyais dans leurs yeux !

— Je voulais tous vous remercier. Pour moi, ce fut une expérience extraordinaire. J’espère que vous en avez tiré autant de richesses que moi. Grâce à vous, je suis allé au-delà de mes limites. Si certains d’entre vous le veulent, nous recommencerons, ensemble !

Les applaudissements reprirent. Je savais que l’an prochain il y aurait beaucoup de candidats ! J’étais fier d’eux. J’avais juste une brisure dans le cœur.

Quand le silence revint, une voix cria

— Oui, l’an prochain sera la bonne fois !

Silence.

— Le contrat n’était pas celui-là ! Tu devais mourir sur la croix, dans d’atroces souffrances. Tu nous as trompés.

Tous les regards étaient tournés vers lui.

— Ce n’était pas un jeu ! Tu nous as trahis. Tu m’as trahi !

— Will…

— Tu me dégoûtes !

Il se lève pour faire le tour de la table. Quand il s’approche, on peut voir un couteau de boucher dans sa main. Il vient me frapper. C’est sans importance. La vie sans lui n’existe plus.

Paul s’est dressé. Quelqu’un a tendu sa jambe. William tombe. Il se redresse, sans son couteau. Paul lui rentre dedans. Il tombe à nouveau, en travers d’un banc. Il ne bouge plus. Je me précipite vers lui. Un bras me retient. On me fit sortir de la salle.

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