Deux doigts qui se croisent

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_ Je m’en doutais, répondit Jimmy du tac-au-tac. Il va falloir que tu sois plus précise.

Léto regarda Jimmy avec insistance. C’était un regard d’avertissement : “Ne fais pas le malin, ou ça risquerait de très mal se passer pour toi”. Pourtant Jimmy ne changea pas d’attitude. Il avait croisé ses bras et posait sur Léto un regard inquisiteur. Et ça l’agaçait au plus au point.

_ J’ai interrogé Esmé sur la fameuse période… dit Léto en soupirant. Elle a voulu me faire avaler que ma mère ne m’a pas abandonné.

Jimmy garda son air impassible, mais Léto parvint tout de même à percevoir une ombre de colère passer dans son regard. Il garda le silence pourtant, attendant patiemment que son amie poursuive ses explications.

_ Ce jeu sur les mots… Ça m'a rendu folle. Je ne comprendrais jamais la raison pour laquelle Esmé la couvre. On a été toutes les deux blessées par les décisions injustes de ma mère. Pourquoi personne ne veut m’expliquer le pourquoi du comment ?

Jimmy put sentir dans ces derniers mots toute la douleur de sa peine. Il eut peur. Il pouvait comprendre, rien que dans ces mots, à quelle point cette douleur écrasait lentement, mais sûrement, le cœur encore fragile de son amie. Ca ne pouvait pas se reproduire une nouvelle fois. Elle commençait seulement à aller mieux. Son cœur ne supporterait pas d’être brisé une seconde fois.

Le jeune homme s’approcha avec douceur de son amie. Il se devait d’être proche d’elle pour lui faire part de ce qu’il avait en tête.

_ Léty, il faut que tu parles à ta mère.

La jeune femme fronça les sourcils. Elle retirait tout ce qu’elle avait affirmé sur le fait que Jimmy la connaissait. Soit il était dangereusement stupide. Soit il oubliait à qui il avait affaire.

_ Tu veux que je parle à ma mère, reprit Léto, un scepticisme tranchant dans la voix.

_ Oui. Parle à ta mère Léto.

Jimmy pouvait lire dans le regard de la jeune femme toutes les pensées qui la traversaient. Elle essayait de le lire, de comprendre ses intentions. Il pouvait également sentir son agacement augmenter un peu plus. Il n’allait pas tarder à devoir jouer de diplomatie, s’il tenait à sortir de cette conversation vivant.

_ A quoi tu joues, James ? lança Léto d’une voix d’acier. Tu connais ma mère. Tu me connais moi. T’es pas du genre à dire des choses stupides.

Le jeune homme soupira bruyamment. Lui aussi était agacé. Il commençait à se lasser de ces discussions tendues où il ne pouvait rien dire sans prendre le risque d’être exécuté à coup de mots.

_ Ecoute Léto, c’est toi la psy. Pas besoin d’avoir un master pour savoir que la communication est la meilleure option lors de malentendus. Je crois pas que t’ais obtenu ton diplôme emballé dans du papier-cadeau, si ?

Les narines de la jeune femme se dilatèrent de surprise. Tiens, pensa-t-elle, il est étrangement audacieux aujourd’hui. Cela était assez rare pour qu’elle se taise. Elle chercha une nouvelle fois à le sonder. Il était sincère. Il pensait réellement que c’était la meilleure solution. Léto le savait aussi, même si elle ne voulait pas l’admettre.

_ Je ne parlerai pas à ma mère, je ne lui ferai pas ce plaisir.

_ Léto…

_ J’ai dis non.

Jimmy serra douloureusement ses mâchoires. Il pouvait sentir l’entièreté de son corps se tendre comme un arc. Il en avait sa claque. Il ne chercherait plus à l’aider si elle ne comptait pas l’écouter. Le plus exaspérant, c’était qu’elle savait qu’il avait raison.

_ Tu sais quoi Léto ? Tu m’as répété des milliers de fois que tu ne serais jamais comme ta mère, mais tu réagis exactement comme elle.

Jimmy se pétrifia quand il se rendit compte de ce qu’il avait dit, mais il était trop tard. Pourtant il ne regretta pas les mots acerbes qui s’étaient échappés de ses lèvres. Pas un seul.

Léto avait les yeux écarquillés de colère. Il avait osé. La jeune femme ignora la fureur bouillonant en elle. Elle savait pertinemment qu’elle ne pourrait plus la retenir si elle la laissait éclater. Léto prit alors une longue inspiration. La violence n’est jamais la solution adéquate. La violence engendre la violence, et elle détruit la paix. La violence n’est jamais la solution adéquate. La meilleure réponse à un problème, c’est l’amour. Jimmy perçu un relâchement dans les épaules de son amie, et le nœud apparu dans sa gorge quelques secondes plus tôt se dénoua de soulagement. Elle ne lui sautera pas dessus.

_ Excuse-moi Jimmy, lâcha finalement Léto. Je sais que tu n’as que des bonnes intentions. Je n’aurai jamais dû te parler comme ça. Pardonne-moi.

Le visage de Jimmy s’illumina d’un large sourire. Il provoqua en Léto l’étrange sensation de flotter au-dessus d’une mare de lave. La vitesse déconcertante avec laquelle Jimmy pardonnait les autres l’avait toujours fascinée. Il y avait en son ami une douceur discrète qui avait la capacité de réchauffer le cœur le plus gelé. Jimmy lui tendit la main en signe de paix. Léto la saisit, et les deux amis croisèrent leur petit doigt et firent rejoindre leur pouce. Et alors que les deux doigts se touchèrent, Léto eu la sensation que ce geste ne signifierait plus jamais la même chose.

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