La bière et les maths

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— Combien tu m’aimes, soupira-t-elle, le regard chargé d’attentes et quelque peu flouté par l’alcool.

L’amour, ce n’est pourtant pas des maths ? Si ? Oui, peut-être si l’on tient compte de la chimie des hormones ou des impulsions électriques qui parcourent nos neurones. Ou alors, si l’on souhaite faire un récapitulatif du nombre de centilitres de bière ingurgités en une heure. Ou compter les larmes versées en fin de soirée.

— Grand comme ça, soufflai-je, un peu gêné, en écartant les mains sur la table.

Ce n’était pas faute de bonne volonté. Depuis la troisième bière, j’avais la tête prise dans un étau. Nous étions entassés dans ce bar et si je voulais lui montrer plus de tendresse je risquais de donner des baffes à mes voisins. J’étais à une date. Vous savez, ces rendez-vous arrangés par des parents assoiffés de petits enfants. Ou par des amies qui aimeraient bien caser une de leurs copines. J’avais dû courir après le travail pour arriver à l’heure à cette date. Même pas le temps de souffler, avant de commencer à boire. Combien de verres déjà ? Comment mesure-t-on la migraine ? Je sentais le sang battre dans mes tempes avec une force de 3 sur l’échelle de Ringelmann.

— Seulement comme ça ? minauda-t-elle en feignant de sécher une larme.

Je l’avoue : j’étais embarrassé. Complètement embrouillé par cette jolie jeune fille dont je ne connaissais rien. Conversation insipide, blagues pourries, c’était autant sa faute que la mienne. De plus, le regard goguenard de mon voisin de table n’arrangeait rien. Il buvait chaque mot de cette fille comme si c’était… Quoi au fait ? Il semblait fasciné par ses lèvres et par… le reste de sa personne. Il m’en avait fallu du temps pour le remarquer ! Putain de mal de tête !

— Ce n’est pas ma faute, lui soufflai-je, je ne sais pas mesurer l’amour. J’ai toujours été nul en maths. Et puis je ne supporte pas la bière.

Je me suis retourné vers la fille. Je n’ai même pas cherché une excuse plausible.

— Je dois y aller, je te laisse avec Kevin, lui annonçai-je avec une assurance que je ne possédai pas.

— C’est pas Kevin, c’est Luc me reprit-il avec un sourire narquois.

Je suis sorti du bar sans me retourner. J’ai quitté les maths et les larmes factices ou réelles et j’ai repris mon souffle en marchant paisiblement sur le trottoir. Avec l’air frais, ma migraine est redescendue à un niveau acceptable. On ne m’y reprendra plus avec ces rendez-vous arrangés. Si vous souhaitez une date, écrivez-moi d’abord une lettre.

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