Coming-out, face A

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L'année de mes treize ans est une année difficile. On ne devrait jamais avoir treize ans, c'est ce que j'ai pensé pendant longtemps. Avec le recul, je me dis qu'il devait bien y avoir une année où tout basculerait. Puisque j'étais condamnée à traverser un jour ou l'autre tous les cercles de l'Enfer, mieux valait commencer tôt !


Cher Journal,

L'hôpital nous aura séparés quelques temps, mais je te jure que tout cela est bel et bien terminé. Les gens de ma classe de quatrième sont plutôt gentils avec moi. Mais ça ne durera pas, je ne me fais pas d'illusions.

En ce moment, mon chat est passionné par l'eau de la douche. Je me donne à fond dans l'écriture d'un livre, ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça.



Cher Journal,

Je ne sais plus... À qui puis-je me fier ? En qui puis-je avoir confiance ? J'ai de drôles d'impressions. Je me dis que je suis simplement folle... J'ai l'impression que les gens m'évitent. J'ai l'impression qu'ils recommencent à me traiter différemment, comme un déchet humain. Est-ce que je suis condamnée à revivre cet enfer tous les ans ? Qu'est-ce que j'ai fait de mal, au juste ?



Cher Journal,

Manon et les autres filles de la classe m'ont demandé si j'étais lesbienne. Et il a fallut que je fasse preuve d'honnêteté. Oui, j'ai tout avoué, sans penser que quelqu'un trouverait ça étrange, au vingt-et-unième siècle, dans un pays démocratique. Eh bien, à présent, tout le monde pense que je suis bizarre.

Les analyses psychologiques d’Élisa me lassent à un point inimaginable. Comme m'a dit cette fille, sur une chatbox : « La vie n'est pas un Walt Disney, tu ne te marieras pas avec le prince charmant, vous n'aurez pas beaucoup d'enfants,... Et c'est tout ce que les gens ont à comprendre ! ».

Pour ma part, je commence à croire qu'il faut que j'écrive un conte de fées homosexuel, pour espérer changer les mentalités...



Cher Journal,

Ces temps-ci, je passe mon temps à me chercher, à essayer de savoir qui je voudrais être. Il y a une chose que j'ai fini par intégrer, une chose qui me permet de relativiser les événements négatifs : ceux qui se moquent de moi et me détestent aujourd'hui, je les remercierai un jour. En attendant, leurs critiques me donnent une certaine importance. Ils pensent me blesser, mais c'est amusant de voir qu'il m'accordent toute leur attention...

Il neige en ce moment. Je n'ai rien contre le froid : tout comme la douleur, il me rappelle à l'ordre, il me rend plus vivante.



Cher Journal,

Je n'écris plus beaucoup ces jours-ci. L'envie me manque. Je n'ai plus rien à dire.

Mon double diabolique a refait surface pour hanter mon esprit. Cette moi qui ne l'est pas vraiment, je l'ai chassée ce week-end. Elle essaye de revenir, mais je lutte de ma meilleure humeur pour l'empêcher de reprendre le dessus, avec ses pensées morbides.

C'est nouveau. J'ai besoin d'écouter cinq chansons d'affilé pour pouvoir dormir convenablement la nuit. Étrange.


En ce temps-là, j'écrivais des poèmes dignes d'une ado suicidaire. Mais j'ai bien trop honte désormais pour les dévoiler à quiconque.


Cher Journal,

Ce soir, je marchais au milieu de la route en priant pour qu'un bus me percute. Je ne pensais pas vraiment en avoir envie, j'ai juste passé une très mauvaise journée.

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