La vache et les sombres cieux !

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— Mameuh Vache, Mameuhh Vaaaache !

— Meuh ! Que veux-tu encore, bébé veau ?

— J’ai trouvé une image faite par les deux sabots ! Regarde Mameuh Vache, tu es dessus !

— C’est vrai ! C’est bien moi, mon bébé veau ! Tu veux que je te raconte l’aventure qui m’est arrivée cette fois-là !

— Meuh oui !

Aux fins fonds des terres des maîtres se dresse une interminable chaîne de montagnes. À ses pieds, bordant le court d’eau, j’y découvris la plus succulente des saveurs ! Par ce magnifique après-midi, chacune de nous dégusta cette herbe trop verte avec gourmandise. Pas un seul meuglement se fit entendre. Du coin de l’œil, j’observais les chevaux, qui se délectaient de cet alpage, d’un appétit encore plus glouton que le nôtre.

Nos fermiers quant à eux se prélassaient mollement au soleil, attendant l’heure de la rentrer des troupeaux. Lorsqu’au loin se révélèrent les sombres cieux. De connivence avec le vent, ils se laissèrent pousser par celui-ci. Le premier avertissement sonna, la lueur tomba du ciel dans un grand tumulte, qui toute nous effraya ! Les deux sabots aussi terrorisés que nous, réunir toutes les brunes, et commencèrent à les orientés. Tétanisés, cachés derrière un bosquet, ils m’oublièrent ! Comment ne pas remarquer l’absence du seul bovin bicolore du cheptel, me demandais-je.

Ils étaient si proches, et maintenant si loin. Les sombres cieux gagnaient du terrain, sous peu il me recouvrirait. Bientôt, je ne les verrais plus. J’entendrais l’écho de leur galop affolé, je ressentirais toujours l’angoisse dégagée par mes sœurs. Vulnérable, j’observerais s’abattre sur mon cuir, le feu craché par les cieux.

Ma peur l’emporte, l’instinct me pousse à courir. Je mugis fort, et encore plus fort. Je mugis, à en baver. Tel un destrier, je tente de les rattraper. Je distingue les longues tiges des fermiers s’agiter. Sans nul doute sont-ils en train de les battre, afin de les faire hâter. Ils ne sont plus sur le sentier, dans la forêt brulée, les miens ont pénétré. Meuglant malgré moi, je me précipite le long des flots. Mes sabots fument autant que mes naseaux. Je ne peux plus cheminer, l’herbe voracement ruminée pèse sur ma panse. Pour calmer mon point de côtelette, je dois m’abreuver, pour cela j’endigue mon galop, en vue de vérifier si j’en ai la possibilité. Enfin, mon poursuivant avance plus lentement ! Je freine à la limite de l’eau cristalline. Je lape, lape, lape avec une frénésie digne d’une vache folle.

Tandis que je picole comme une tarée, je sens autour de ma croupe trois mouches s’encanailler, d’un coup de queue virevoltant, je les chasse abruptement. Avant de repartir dans cette course effrénée, je pose ma bouse afin de gagner en légèreté. J’approche de la montée, mes mamelles frottent contre les rochers, les écoulements de laits me font glisser.

BOUM ! BOUM ! BOUM

— MEUH ! MEUH ! MEUH !

Le feu est tombé juste à mon flanc ! Le bon de terreur m’a propulsé de l’autre côté et comme un oiseau toujours en beuglant j’ai volé et puis dans la forêt, enfin je suis arrivée.

Les deux sabots m’ont repéré, comme mon père le taureau, je fonce sans me stopper. Et je meugle, je meugle sans cesse à la fois effrayée de mon périple et heureuse d’être revenue. Soulagées par mon retour, mes sœurs se mirent à mugir de concerto.

— Meuh, meuh meuh, meuh meuh, meuh

— Meuhhhhhhhhhhhhhhh, meuhhhh, meuuuuuhhhhhhhh

— Meeeeuuuuuuuhhhhhhhhhhhhhhhh !

Les fermiers également ravis nous flagellèrent de leurs longues tiges, rugissant de joie de me voir.

— Tu ma fichu la trouille, vieille bourrique ! Avec un nom comme Creutzfeldt, on pouvait pas s’attendre à mieux !

Ainsi en troupeau nous sommes rentrées. Voilà toute l’histoire mon petit veau.

Bien intrigué par cet incroyable, aventure qu’avait vécue sa Mameuh, le petit veau resta songeur de longues heures. Par manque de vigilance, les deux bovins n’avaient pas aperçu l’enfant deux sabots, cachée derrière une botte de foin. Celui-ci sortit en catimini, et rejoignit son père. Du haut de ces un mètre vingt, il le fustigea du regard et demanda :

— Pourquoi tu ma pas dit que les vaches parlaient ?

— Qu’est-ce que tu rrraconte donc bien comme bétise, gamin !

— J’dis pas des bêtises, le pèrrre ! J’ai entendu la Crrrreutzfeldt dirrre une histoirrrre au Jacob !

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