Πνῖγος

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   L’herbe fraîche et humide sous les pieds, la peau nue en contact avec la nature tendre, je cours à travers la lande, enivrée par une odeur de menthe poivrée. La terre est gorgée d’eau et je glisse avec délectation sur chaque brin d’herbe, sur chaque portion de verdure. Le soleil printanier chauffe la moindre parcelle de ma peau brune, la moindre cellule, le moindre atome. Je cours si vite, le vent espiègle s’engouffre dans mes cheveux, danse dans les pans de tissu de ma tunique. J’imagine le mélange de couleurs vives, j’imagine les morceaux de tissu crépiter et s'entremêler… Comme un murmure, j’entends un rire cristallin au creux de mon oreille. Il se rit de moi, de ma lenteur, de mon insolence, de ma faiblesse. Simple petite humaine de chair, jamais je ne pourrai le dépasser, jamais je ne pourrai par la vitesse lui ravir son trophée. Alors je décide de courir plus vite, plus fort, jusqu’à faire trembler la terre toute entière, jusqu’à faire trembler l’univers. Le sol me brûle la plante des pieds, les graviers minuscules m’arrachent la peau, je sens le sang imprégner l’herbe à mesure que mes pieds frappent le sol. Le vent n’est plus doux. Il n’est plus joueur. C’est avec fureur qu’il me frappe maintenant le visage, c’est avec rage qu’il me tire les cheveux, c’est avec violence qu’il cingle mes vêtements. Mais je continue ma course. Mes pieds ne m’appartiennent plus, le vent me les a dérobés. Ma gorge brûle, éclate sous la souffrance, se disloque au fur et à mesure que ma respiration s’affole. Chaque pas a le son d’un tambour, qui se répercute du cœur de la terre, jusqu’au soleil loin dans le ciel. Tout me dévore, tout me brûle, tout me consume, mes pieds, mes cuisses, mon ventre, mes bras, ma gorge, mon visage, mon crâne… Ce n’est plus une course, c’est un incendie. J’en sens le feu, il me possède, il me dénude, il me submerge. Je le sens au tréfond de mes entrailles brûlantes, comme le ronflement d’un dragon aux écailles incandescentes. Les flammes ondoient dans mon estomac, je les sens en lécher les fragiles parois. Tout n’est plus que brasier brûlant, et rêves partis en fumée. Je sens son souffle sifflant sur ma nuque, son odeur âcre s’insinue entre mes narines décharnées, je ne respire plus. Asphyxiée.

   Mes lèvres gercées ne frémissent même plus quand mes jambes me lâchent. Mon corps tombe et se délite, mais moi je cours toujours. Je sens la terre détrempée sur mon visage, je sens la sueur couler sur mon cou, mais moi je cours toujours. Tout est noir, le soleil a disparu, mais moi je cours toujours. Les yeux fermés, j’entends le râle du vent derrière moi.

Il sait que j'ai gagné la course.

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