Chapitre 53 - 2

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Rosalie s’assit à l’ombre d’une voile et alluma un feu à l’aide de bois venu du bateau. Faire un feu ici était risqué, mais sa flamme n’avait pas besoin d’être importante.

Malgré son corps épuisé, la jeune femme récupéra un bol qu’elle remplit d’eau et de terre. Elle espérait que le sel ne serait pas un obstacle, mais par chance, le mélange changea d’aspect pour se changer en brume poisseuse. Elle récupéra le cornet de bois déniché et gravé par Amerius et le rempli avec le sortilège. Rosalie recommença son rituel et ses incantations plusieurs fois, jusqu’à remplir le cornet.

Sur le pont, une vingtaine de soldats alignés attendaient de pouvoir débarquer. Par précaution, ils avaient tous mis des boules de cire dans leurs oreilles.

– Combien de temps le brouillard tiendra-t-il ? demanda Galicie.

– Pas plus d’une demi-heure.

– Commencez à approcher ! hurla la reine.

La frégate se mit en mouvement, jusqu’à ce que les effets des vibrations se fassent soudainement sentir, réveillés par leur approche.

Rosalie se plaça au plus près de l’avant du bateau, face à la figure de proue en forme de loup. Amerius l’avait rejoint, prêt à la rattraper si elle s’effondrait de fatigue. La jeune femme laissa les dirigeants se consulter rapidement.

– Soufflez droit devant, lança le roi Chamdor.

Rosalie porta le cornet à sa bouche en récitant mentalement le sortilège qui ferait lever le brouillard, espérant que le lien avec la magie industrielle marcherait.

La magie lui chatouilla les lèvres, sa vision se voila de blanc, à l’image de l’apparence adoptée par ses yeux, qui fit sursauter le roi Lonzo. Les cheveux de la jeune femme se détachèrent, soulevés par le vent venu de face.

Rosalie prit une inspiration et souffla.

Le brouillard se déversa du cornet comme la vapeur d’un geyser. Amerius et les dirigeants s’écartèrent, laissant la masse brumeuse se répandre sur la mer à la vitesse d’un cheval au galop. Elle atteignit la plage et la recouvrit avant de faire disparaître les falaises. Une partie du bâtiment était enfermée par le voile, mais celui-ci n’irait pas plus loin.

Rosalie continua d’expulser l’air de sa poitrine, jusqu’à ce qu’elle se creuse et que le manque d’air ne l’étouffe. Elle lâcha le cornet et vacilla, avant d’être rattrapée par Amerius. Il la fit asseoir sur le pont.

– Impressionnant, murmura le roi Chamdor.

Rosalie toussa, expulsant un petit nuage de brouillard.

– Reine Galicie, continua-t-il, vous ne m’aviez pas dit que les magiteriens étaient capables de telles prouesses.

Amerius et Rosalie se retournèrent d’un bloc vers la reine. Elle s’était détournée pour ne pas a avoir à répondre, mais la jeune femme avait vu ses joues devenir écarlates.

La frégate devait composer avec le brouillard aveuglant, mais son capitaine parvint à s’immobiliser à seulement quelques mètres de la plage.

– Je vais débarquer avec les soldats pour superviser l’opération, informa Galicie. Je suis équipée.

Elle réajusta son gilet et son épée, mais Amerius l’arrêta.

– Non. Tu n’as ni héritier ni fratrie. Nous ne pouvons pas risquer de te perdre. J’y vais.

– Non !

Rosalie avait laissé le mot franchir ses lèvres.

– Allons briefer nos troupes.

Galicie s’éloigna, suivie par les autres dirigeants.

Amerius s’accroupit à côté de Rosalie, qui n’avait même plus assez de forces pour le retenir.

– Je reviendrais.

– Tu as plutôt intérêt, souffla-t-elle de sa voix éraillée. Rappelle-toi que je peux faire revenir temporairement les âmes. Je trouverai bien un Vole-Poussière pour m’y aider.

Amerius lui saisit le visage et l’embrassa. Elle le lui rendit, de toute la force de ses lèvres griffées par le sortilège. Lorsqu’il recula, Rosalie sentit un sanglot lui comprimer la poitrine.

– Rose, je…

– Amerius ! le pressa Galicie.

Il soupira, mais finit par se lever. Rosalie l’imita, se tenant à la rambarde. Amerius la regarda avant qu’elle ne le supplie de s’en aller. Ils avaient besoin de lui.

La jeune femme le regarda courir vers les troupes, et descendre le premier dans le brouillard, suivit des lueurs fantomatiques des soldats, équipés de lampes-tempête.

Rosalie suivit celle d’Amerius, jusqu’à ce que le brouillard l’avale.

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