Retrouvailles à l'hôtel

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Le trajet en voiture lui avait semblé durer une éternité après cette semaine de séparation. À peine les portes de l’ascenseur refermées, Ludovic attrapa sa femme et plaqua son corps au sien. Il avait tellement envie d’elle. Cindy passa sa main sur la nuque de son époux et agrippa ses cheveux. Sa langue se fit aventureuse. Le jeune homme glissa sa main sous le chemisier décolleté pour jouer avec le téton à travers le tissu du soutien-gorge. Leurs respirations s’accélérèrent.

Arrivés à destination, les amants se séparèrent à contrecœur : un couple était en pleine conversation avec leur jeune fils. Trépignant devant la porte, Cindy chercha avec empressement la clé de la chambre d’hôtel.

À peine le seuil franchi, l'assoiffée de baisers l'embrassa avidement. Ses mains se firent baladeuses. Puis sa langue osa la révérence. Bientôt une danse endiablée anima leurs lèvres brûlantes, une main désireuse s'immisçait sous le soutien-gorge. La rythmique de leurs corps impatients se mit en place et les mains s'attardèrent à jouer un adagio sur les tétons dressés.

Leurs vêtements volaient à mesure qu’ils rejoignaient le lit dans ce ballet de désir et d'excitation.

— Attends, j’ai passé la journée dans les transports, je prends une douche rapide et je te saute dessus.

La faire languir l’émoustillait. Ludovic fit un clin d’œil à sa belle alors qu’il ouvrait la porte de la salle d’eau. Sous le jet tiède, il pensa aux courbes de sa femme, se vit caresser les fesses rebondies, puis le mont de Vénus. L’excitation le possédait davantage. Il se dépêcha de sortir, s’essuya en vitesse goûtant d’avance les délices à venir.

Par le battant entrebâillé, il entendit les soupirs appuyés de Cindy. Il la sentait au moins aussi excitée que lui. L'idée de la voir cambrée à se donner du plaisir durcit plus encore l'ardeur de Ludovic. Il avait bien fait de forcer sa patience.

Lorsqu’il ouvrit grand la porte, il se pétrifia. Un tremblement gagna progressivement tout son corps face au spectacle qui s’exhibait devant ses yeux.

Sa femme, allongée sur le dos, les mains ligotées au lit par le drap, haletait de douleur alors que ses jambes étaient attachées par le fil des lampes de chevet dans une tension extrême. De fines traînées rouges coulaient de ses yeux.

Ludovic fut soudain incapable de penser. La stupeur mélangée à l'horreur le mua en statue privée de volonté. Il avait la sensation d'un trop plein mêlé d'une absence complète d'émotions. Son entrejambe se ramollit dans l’instant.

— Ludovic, aide-moi je t'en prie...

Le jeune homme se gifla pour se réveiller de cette vision cauchemardesque.

Peut-être la fatigue du voyage avait eu raison de lui...

Un râle rauque et glacial envahit l'espace.

Comment faisait-il petit déjà pour sortir d'un mauvais rêve ? Ah oui, appeler trois fois le dragon du sourire. Ludovic répéta mentalement son mantra.

De violents coups de griffes résonnèrent de l'intérieur du placard.

Cette fois, Ludovic se cogna la tête contre le mur. La douleur lui confirma la réalité lui faisant face : des courbes sanguinolentes couvraient peu à peu le ventre de sa femme.

— Aide-moi, s'il te plaît ! hurla Cindy entre deux sanglots.

L'instinct prit enfin le dessus : il courut à son chevet pour défaire les liens. Où était ce connard qui mutilait sa femme ? Il n'eut pas le temps de desserrer le moindre nœud qu'une force le fit voltiger à la renverse. Elle l'écrasa contre le mur. Le choc lui coupa la respiration.

Une voix d'outre-tombe emplit l'air.

— MA PROIE !

Un souffle aussi froid que la mort transpirait de ce timbre. Sa femme hurla.

De nouvelles scarifications apparurent sur les bras. Cindy ne cessait de crier. Ludovic se mit à trembler de terreur et de rage mêlées. Quelques larmes coulèrent malgré lui.

Le jeune homme essaya de formuler une pensée cohérente.

Il serra la mâchoire et les poings. Il ne fit que meurtrirent ses paumes, des gouttes perlèrent sur le sol. Cela lui permit de reprendre ses esprits et d'avancer une fois encore. La force monumentale le plaqua de nouveau au mur dans un craquement sinistre. Une décharge fulgurante l'assaillit sur le flanc. Il n'en avait cure.

Il devait la sauver !

Cette fois, il progressa à quatre pattes dans l'espoir de résister à cette puissance phénoménale. Un nouveau râle venu des tréfonds de l'enfer précéda la voix caverneuse :

— MA PROIE, Tu ne dois pas bouger !

Son corps s'immobilisa. Il imagina Cerbère personnifié, ses trois têtes monstrueuses pourvues de plusieurs rangées de crocs maculées d'une écume vermeille. Il se sentit d'un coup insignifiant et vulnérable. Que pouvait un simple mortel face au gardien des Enfers ? Son corps se mit à trembler au rythme des claquements de sa mâchoire.

Au même instant, Cindy poussa un cri suraigu à lui vriller les tympans. Le supplice se poursuivait : après le haut du corps, c’était au tour des jambes d’être recouvertes d'entailles. Cette fois l'image d'un scientifique fou lui vint à l'esprit. Il avait dû lui administrer un redoutable paralysant. C'était la seule explication logique à son immobilisme. Écoeuré par son impuissance, il tourna la tête mais cette dernière fut remise dans son axe afin de lui faire admirer le spectacle. Il tenta à nouveau de fuir cette vision. Une vive douleur à la nuque lui répondit. Le souffle infernal se fit écho de leur souffrance. Ce dernier ponctuait chaque inspiration de la victime entre deux vagissements. Ludovic sentit une montée acide enflammée sa gorge puis sa bouche.

Les traînées rougeâtres atteignirent les pieds pour tracer le contour de chaque os des orteils. La pression sur la nuque de Ludovic se relâcha au même instant. Ses yeux scannèrent la pièce : une lueur mouvante irradiait du placard. Une suée froide roula le long de sa colonne vertébrale. Il fut rappelé à l’atrocité de la scène par les gémissements de sa femme. Le bruit continu lui lacéra le cœur. À mesure que le tissu absorbait le liquide vital, la gorge de Ludovic se nouait. Voir le drap se transformer rapidement en linceul pourpre le terrorisait.

Soudain, il vit les yeux proéminents de Cindy convulsés, une force d’attraction tirait les deux sphères vers le plafond. Au moment où ils s’arrachèrent de leurs orbites, la voix de son aimée se brisa. La réalité lui vrilla l'estomac et une nouvelle montée acide lui brûla la gorge.

Ludovic s'écroula au sol mais de nouveau une force le redressa et le maintint debout, tête orientée vers les trous béants où, quelques instants plus tôt, il contemplait l’envie dans le regard mordoré de sa belle. Muette, la bouche toujours ouverte, les cordes vocales semblaient brisées d'avoir fait jaillir trop de souffrance.

Il eut envie de hurler à son tour mais il n’émit aucun son. Il voulut pleurer sa douleur mais aucune larme ne lui offrit la moindre expiation.

Un courant d'air frôla sa joue alors qu’un projectile fonçait sur le corps mutilé. Un flacon de parfum percuta l’intimité de Cindy, s’enfonça avec lenteur dans cet espace sacré, la jeune femme s’égosillait à la mort. Puis, tandis que le phallus improvisé continuait sa route, le silence envahit la pièce. Cindy avait la bouche ouverte et resta ainsi, petit poisson échoué, à chercher en vain la bouffée salutaire.

Les larmes roulaient désormais abondamment sur les joues de Ludovic. Sidéré par l'horreur du moment, son corps avait rendu les armes : épaules affaissées, bras balants, regard vide.

Quelques spasmes parcoururent le corps affaibli de la jeune femme avant qu’une proéminence carmine n’émerge de sa bouche. Le flacon sanguinolent flotta dans les airs pour venir caresser l’entrejambe de Ludovic. Il frissonna d’effroi.

Sa femme était-elle encore vivante ? Le jeune homme en doutait, pourtant il s’obstina à s’accrocher à cet espoir illusoire. Ludovic l'appela et lui cria son amour, mais seul un galimatias sortit de sa bouche.

Le ciel s'assombrissait à l'horizon, la lumière s’intensifia dans le placard alors que de la fumée traversait les interstices pour venir envelopper la chambre. Au lieu de masquer l’obscène scène, cela ne fit qu’accentuer l’abomination. À cet instant précis, les portes claquèrent contre le mur, faisant apparaître un trou noir à la lumière orangée d’où résonna la voix mortelle :

— Il est l'heure de passer à table, ta peur est juste à point.

Ludovic navigua entre le placard et le corps inerte de sa femme, le regard fou, la gorge serrée, une pensée se forma dans son esprit : Cindy n’était pas la proie.

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