Ce qu’il m’en coûtait de t’aimer

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Je n’ai jamais su bien faire, tu sais.

Donner. Parler. Garder. Aimer.

J’ai grandi dans un monde où chaque geste coûtait quelque chose. Un regard ? Trop d’espoir. Un mot gentil ? Trop d’attentes. Une étreinte ? Un gouffre.

Alors j’ai appris à économiser.

J’ai appris à doser mes silences comme on compte des pièces. À ne pas répondre trop vite. À ne pas écrire quand tu me manquais.

À devenir un radin de l’âme.

Tu disais que j’étais égoïste. Que je gardais tout pour moi. Et c’est vrai. Je gardais, je serrais, je planquais mes sentiments comme d’autres cachent leurs billets.

Parce que j’avais peur qu’on me les vole encore.

Et toi, tu me regardais avec cette douceur désarmée, cette patience blessée. Jusqu’à ce que ça te fatigue, toi aussi.

Tu as pris ton sac. Tu n’as pas claqué la porte. Tu n’as même pas pleuré.

Juste cette attitude calme et brisée de ceux qui ont attendu trop longtemps qu’on leur tende la main.

Je t’ai vu t’éloigner comme on voit s’éteindre une lampe. Et j’ai rien dit. J’ai continué à jouer à celui qui a le monopole du détachement.

C’est une semaine plus tard que j’ai trouvé la lettre. Celle que tu m’avais écrite, sans me la donner.

"Tu ne me dois rien. Je t’ai aimé assez pour deux. Mais même l’amour s’épuise quand on le verse dans un verre fêlé."

"Pardon de t’avoir attendu si longtemps."

C’est là que j’ai tout lâché. Le barrage. Les années de peur. Les je t’aime ravalés. Les appels jamais lancés. Les silences trop pleins.

J’ai tout dépensé.

En larmes. En regrets. En mots que je n’avais jamais su t’écrire.

Et tout ce que j’ai su murmurer dans cette chambre vide, c’était :

"Reviens. Je suis pauvre de toi."

Mais tu ne m’as pas entendu. Et peut-être que je le méritais.

Je n’ai jamais manqué d’argent, tu sais.

J’ai juste manqué d’élan.

Et peut-être qu’au fond de moi, il y avait aussi ce mépris discret qu’on réserve aux choses qu’on n’ose pas espérer.

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