Démons

3 minutes de lecture

- Tu crois qu’ils me voient ?

- Qui ?

- Les gens, en face, là où c’est allumé, dans la tour ?

- J’en sais rien... Moi, je te vois.

- Mmm. Mouais.

- Tu veux revenir près de moi ?

- Pourquoi ?

- Parce que tu me manques.

- C’est idiot. Je suis là.

- Trop loin pour je te sente...

- Je suis pas un os qu’on renifle. T’as de drôles de trucs quand même, tu sais que j’aime pas quand tu sens ma peau, ça me dérange, on n’est pas des chiens !

- Qu’est-ce qui ne te dérange pas, alors, hein ? Qu’est-ce que t’as aujourd’hui ?

- Je dois partir.

- Et alors ? C’est ça qui te met dans tous tes états ?

- Non. Mais je dois partir. Maintenant. Remonte la fermeture de ma robe...

- Attends... Attends un peu... Tu veux filer, comme ça ?

- Oui, mais pas comme ça, je m’habille d’abord. Je te laisse ensuite.

- Tu t’enfuis...

- Putain, t’es chiant ! T’es parano... C’est ton âge qui fait ça ? Y sont tous comme ça à 50 ans ?

- 48...

- Pareil, t’es chiant à 48, tu seras insupportable à 50. Mais je serais peut-être plus là pour te le dire...

- Tu veux me quitter ?

- Ah parce qu’on est ensemble ? Première nouvelle.

- Mais oui, évidemment qu’on est ensemble !

- Tes amis vont bien ?

- Quoi ? Ah ouais... encore cette histoire...

- Ouais, encore ! T’as honte de moi ? Je suis pas assez « mûre » pour eux ?

- Oh non, au contraire, un putain de fruit mûr, bien juteux, à croquer à pleines dents...

- T’es vulgaire. Vieux, vulgaire, dégueulasse, obsédé...

- C’est tout ? Et tu fais quoi avec moi, alors ? L’image du père, c’est ça, t’as un problème freudien à régler, un p’tit conflit œdipien qui trainaille ?

- Va chier, connard. Vieux con.

- Je t’aime.

- T’aime mon cul ferme, mes seins bien dressés, ma taille de guêpe, ma peau douce et jeune...

- C’est un bon début, non ?

- C’est la fin de tout...

- Tu t’es bien amusée avec moi, hein ? On se fait un vieux con, on parfait son éducation sexuelle, on s’éduque aux sentiments et on apprend à châtrer les mecs ?

- C’est ça. T’es un eunuque par ton âge, un castré du temps qui passe...

- Et toi, t’es quoi ? Une princesse de la norme sociale ? Une jeune femme moderne ? Une fille facile qui fait sa difficile ? Une salope en jupe courte et en mots doux ? Une petite dévergondée bourgeoise qui raconte ses ébats sur Facebook ? Tu veux de la vie ? Mais t’y connais quoi, à la vie ? Tu te crois plus fine parce que tu me laisses te baiser ? Mais tu sais au moins ce que c’est, la baise, la vraie ? Ben non, merdeuse, du haut de tes 20 ans, tu ne sais pas, tu ne sais rien, tu fais celle qui croit comprendre, qui se la joue « moi j’ai tout vu », qui lit du Beigbeder et qui se dit que la vie c’est ça... Tu ne sais rien, ne vois rien. Tu es une fausse expérimentée, une débutante du sentiment, une amatrice du vice... Ta vie, c’est du bisounours en boîte, du Hello Kitty en poudre, c’est du vide, t’as rien vécu, et si tu continues comme ça, tu ne vivras rien. Tu auras cru vivre, et tu verras toutes tes erreurs et tes ratés... Je suis là, avec toi, parce que le jour où je t’ai aperçue, j’ai bandé comme un taureau ; oui, je le dis, j’ai pas à en rougir, c’est comme ça, le sexe, c’est l’amour, pas d'amour, pas de sexe, c'est comme ça chez moi en tous cas... Et puis je t’ai séduite ; et c’était facile... Si, si ! Facile ! Ne t’en déplaise ! Tu crois quand même pas que toi, gamine post-pubère, fallait en faire des tonnes pour te coucher sous moi ? Mais peu importe. Je t’ai séduite, et je t’ai découverte, et je t’ai aimée, comme si j’aimais pour la première fois... Mais, ça, bien sûr, ça te dépasse, tu sais pas ce que ça veut dire, aimer pour la première fois... Je te veux, je te voulais, je sais pas si je te veux encore... Je te voulais sur moi, à coté de moi, dans mes nuits, dans ma vie, dans tes soupirs... Et non, non, je ne t’ai pas présentée à mes amis, pas par honte, mais par trouille, que tu te casses avec l’un d’eux, plus beau, plus sexy, plus baratineur... Parce que t’as 20 ans, et que tu tombes dans ces pièges-là, je sais de quoi je parle. J’ai la trouille de te perdre... Voilà.

- Tu veux me quitter, alors ?

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