Chapitre 8- Sœur Humbeline partie 1

9 minutes de lecture

Sœur Humbeline ne perdit pas une seule seconde pour lire le petit journal et s’installa sur une chaise de bureau. Elle alluma plusieurs bougies et les posa autour d’elle. Au bout de quelques heures, elle prit la décision de regarder l’heure sur sa montre qui indiquait trois heures du matin. Malgré la fatigue, elle poursuivait sa lecture d’un air déterminé.

« 10/09/1939 »

01/09/1950

Seigneur Jésus-Christ,

Avant hier, j’ai cousu les habits de mes chers petits frères. Ils les avaient tous usés en allant dans les champs. Comme ils n’avaient jamais appris à coudre et que j’ai eu cette grâce de l’avoir appris avec ma Bonne Maman, j’ai passé l’entièreté à coudre dans la salle de broderie. J’ai remarqué qu’ils étaient en difficulté, ils tiraient tous la langue et essayaient de se concentrer pour passer le fil dans l’aiguille. Je me suis retenu de rire en posant mes lunettes, mais une nouvelle fatigue est venue… Je ne sais pas à quoi vous jouez mon humble Jésus, mais ce jeu n’est pas drôle… Cela fait pratiquement un mois que cette fatigue continue, que je transpire toutes les nuits et que ce manque d’énergie me ronge l’âme. Je suis si épuisé sans vous mentir… Et aujourd’hui, j’ai beaucoup vomis… J’ai tout fait pour cacher à mes frères et de gros vertiges sont venus lors de l’adoration. Peut-être que j’ai attrapé quelque chose à cause du soleil ? Je n’en ai aucune idée, mais j’ai beaucoup de mal à respirer. Même moi qui suis médecin, je me demande ce que j’ai bien pu attraper à la guerre…

En parlant de guerre, je vous ai raconté lorsque j’ai reçu la lettre ? Le moine d’accueil était venu me voir avec une bien mystérieuse enveloppe. Il m’avait conseillé d’aller voir le père supérieur et c’est ce que je fis en montant les grandes marches de l’Abbaye cistercienne. J’avais toqué au bureau du père Théophane et il m’avait demandé la permission d’entrer. Je l’ouvris et lui passais la lettre qui nous était tous adressée. Il m’avait demandé de rester ici et quand il lut les premières lettres, la feuille s’échappa de ses mains et resta ébranlé.

Que se-passe-t-il mon père ?

Un, un de nous doit partir en guerre…

Abasourdi, j’avais demandé au père qu’il n’était pas au rôle d’un religieux d’aller combattre des Nazis ! Mais il me racontait que comme nous habitions dans un village qui n'était constitué que de personnes âgées, l’armée n’avait pas d’autre choix que d’envoyer un moine de cette Abbaye au front. Il se mit à songer en versant quelques larmes et tourna le regard vers le mien.

Théo je… Je n’ai pas d’autre choix que de te choisir… En sachant que tous nos moines sont âgés et que comme Philémon est nouveau et qu’il boîte, ça ne sera pas possible pour eux… Et je… Je, je ne veux pas mettre en danger ma communauté, je suis sincèrement désolé, sanglota-t-il en demandant pardon.

J’avais pris ses mains en lui disant que tout allait bien se passer, mais il s’en voulait horriblement de m’habiller en soldat et de tuer des pauvres innocents.

Tu vas devoir reprendre ton nom de civil et découvrir ce monde que tu n’as pas assez connu, mon fils…

Pour la première fois de ma vie, son dernier mot me fit battre le cœur à plusieurs reprises. En acceptant ma nouvelle mission, je pris la lettre entre mes mains et fermais la porte doucement, en versant des larmes. Jamais je n’aurai songé que moi, le père Théophane, partirais en guerre pour affronter des pauvres gens qui ne savaient même pas ce qu’ils faisaient… Mon Dieu, mon Dieu, le monde est bien fou… Tous les moines s’étaient tournés vers moi le lendemain, en versant des larmes pour me dire au-revoir. Le père Théophane s’était proposé gentiment pour porter mon gros sac de militaire et le mettre à l’arrière de la voiture. Je n’avais pas l’habitude de porter ses vêtements que celui de mon bien-aimé, Jésus-Christ. Mon cœur battait à la folie, je n’arrivais pas à calmer mon angoisse. Je me contentais de ne pas pleurer en prenant conscience que j’allais être loin de mes frères et de vous… Le père Théophane me demanda de tendre la main et c’est ce que je fis, en voyant qu’il m’avait donné une dizaine de chapelets.

Donne-leurs en aussi mon fils, ils vont en avoir besoin…

Mon père… Je… je ne veux pas tuer !

Mon fils, viens dans mes bras et dis-toi que Dieu te pardonnera pour ce que tu es en train de faire.

Je ne veux pas tuer mon père, je ne veux pas ! avais-je crié en pleurant une bonne fois pour toute, dans ses bras.

Reviens-vite mon fils, répondit-il en me serrant très fort.

Mes larmes avaient ruisselé tout le long de ma tenue, mon casque était tombé par terre quand j’avais penché la tête pour l’enlacer. Le frère Philémon l’avait ramassé et me l’avait passé, anxieux.

Nous serons avec toi, tous les jours, tiens, je t’offre mon scapulaire.

Il me le mit autour de mon cou et me dit au-revoir, en prenant ma tête contre la sienne.

Que Dieu te bénisse, Barthélémy, balbutia-t-il.

La voiture prit son envol en klaxonnant pour leur dire une dernière fois au-revoir…

Sœur Humbeline tourna rapidement la page pour continuer le récit, mais elle était blanche.

— Non, non, ce n’est pas possible ! Il, il y a bien une suite !

Elle tourna toutes les pages du carnet jusqu’à ce qu’elle vit qu’il restait un dernier écrit.

Non Seigneur, non, je ne peux pas, je ne peux pas… Vous savez que je ne peux pas écrire ce qu’il c’est passé ces derniers jours… J’en tremble tellement que j’en ai peur ! Vous le savez mieux que moi que ces nuits douces que je passais au monastère ne sont plus les même depuis que la guerre m’a engloutie, je vois tous ces morts sous mes yeux, ce sang qui n’arrête pas de couleur le long de mon âme. Je suis meurtri par tout ce massacre, j’en pleure, j’en deviens fou… Depuis que je suis retourné au monastère, la peur m’envahit chaque jour. J’ai l’impression de voir des soldats rôdaient autour de la chapelle… Je prends peur quand un moine me pose la main sur mon épaule, j’en suis terrifié… Quand on me parle de guerre, je repense à toutes ces scènes et à tous ces coups de fusils… Je ferme à ce-moment là les yeux et me blottis dans ma cellule… Je me torture l’âme à voir tous ces soldats courir, pour affronter l’ennemi. Mes larmes coulent toutes seules, je ne veux pas m’en souvenir, je veux arrêter d’avoir peur ! Mais dès que la nuit s’approche, je m’agite dans mon lit et je crie votre nom « Jésus ! Jésus ! Jésus ! Au-secours ! Sauvez-moi ! Sauvez-moi ! » Vous le savez mieux que personne, que je désirais être au paradis avec tous mes frères ! Pourquoi ne pas m’avoir laissé cette opportunité ? Ils sont tous morts à cause d’une guerre qui n’aurait jamais dû exister ! Tout ce qu’on voulait, c’était de rentrer chez nous, de revoir nos familles, nos proches, vivants ! Nous n'avons jamais désiré faire cette guerre ! Jamais je n’ai désiré quitter mes frères pour devenir un civil, auquel je regrette amèrement… J’ai peur Jésus, j’ai si peur… Sauvez-moi, sauvez-moi… Je ne suis qu’un fou, je ne suis qu’un pauvre fou… Signé, le père Théophane, votre infidèle serviteur...

Plongée dans sa lecture, elle s'apperçut qu’elle se trouvait à la fin du carnet.

Non ce n’est pas possible, le père Théophane n’a pas pu en finir là…

En espérant trouver des nouvelles traces du père Théophane, elle songea toute la nuit et finit par s’endormir.

Au moment du réveil, elle se trouva sur un ancien bateau, à la période de Christophe Colomb. De grosses vagues l’avaient sorties de son profond sommeil et vit un horrible serpent des mers, surgirent des profondeurs de l’Océan. Il crachait du feu dont les flammes brûlèrent le voiler. Le capitaine commanda à ses moussaillons de changer les voiles et deux personnes, habillées comme elle, hissèrent pour en sortir un nouveau. Le capitaine fit de son mieux pour esquiver les vagues que produisaient la vilaine créature. Un homme jeta un seau à ses pieds et lui demanda de vider l’eau. En reconnaissant saint Antoine de padou, elle fit les gros yeux et effectua aussitôt sa tâche.

Dépêchez-vous ! Le bât…

Interrompu, le capitaine lâcha les commandes à cause de l’horrible serpent qui avait surgit par dessus bord. Le bateau se brisa en deux et laissa le capitaine, seul, à l’autre bout, avec le père Théophane qu’elle reconnut aussitôt grâce à sa tenue. En voyant qu’ils n’étaient que deux à combattre le monstre, elle prit une corde à côté d’elle et sauta de l’autre côté pour les rejoindre. En roulant vers eux, les autres, de l’autre côté, crièrent « attention ! » et le monstre frappa en enroulant le début du bateau jusqu’à le serrer contre lui. Sœur Humbeline en profita pour lancer la corde au niveau de sa mâchoire et tomba à cause du poids du serpent qui partit de l’autre côté. Le père Théophane la retenait en la prenant par les pieds et fit le nœud pour serrer la corde. Ils tirèrent tous les deux jusqu’à ce que le capitaine les aida. Les autres les avaient rejoins et firent le même mouvement pour faire tomber le serpent des mers. Au passage, saint Jean sortit son poignard de sa poche et l’enfonça au bout de sa queue. Le serpent, mécontent, se débattit en faisant secouer l’équipage de droite à gauche, se déroula et recula à cause des saints qui tiraient de toutes leurs forces. Pris de panique, il cria et tomba lourdement sur la deuxième partie du bateau. En s’écroulant, des montagnes de vagues vinrent s’entrechoquer contre eux et ils poussèrent des cries de joie. De petit à petit, le monstre rapetissait et commença à se transformer en une âme. Le père Théophane barra le chemin à sœur Humbeline pour laisser le capitaine le rejoindre. La sœur se demanda qui pouvait être cette personne et fut étonnée, de voir le prêtre en chair et en os. Que faisait-elle ici et surtout, où était-elle ? Elle se posa milles questions pendant que le père Théophane l'avais pris à part.

Mon père, je suis perdue… Je vis en plein cauchemar !

Voyons ma sœur, ne dites pas que vous rêviez !

Mais où-suis je ? Et qui est ce monstre qui nous a attaqué ?

Il lui montra du doigt et vit la personne se relever en serrant le capitaine contre elle.

Le reconnais-tu ?

C’est Joseph… Je… J’ignorais qu’il était comme ça…

Le vois-tu, mon enfant, quand une âme commet des péchés capitaux, elle se transforme en un monstre diabolique. Notre devoir est de les sauver et de les percevoir que le Seigneur est avec eux.

Je ne savais pas du tout…

Tu te trouve en enfer ma chère enfant, répondit-il à sa question.

Interdite de se trouver dans cet endroit, elle se mit à trembler de toute son âme et à commencer à paniquer.

Vais-je aller en enfer ?

Le père commença à rire très fortement et à la serrer contre lui.

Si vous êtes avec nous, est-ce que vous pensez que vous êtes en enfer ?

En se remettant en question, elle ouvrit la bouche en forme de « oh » et poursuivit le prêtre qui quitta les lieux en sautant sur un rocher. Il tendit la main à la jeune sœur pour l'aider à descendre et marchèrent tous les deux, au bord de la plage, d’un ciel rouge et noir.

Mon père, dites moi la vérité, je rêve.

Il rit à l’intérieur de lui et prit l’air qui soufflait sur son tendre visage.

Non ma sœur, vous ne rêvez pas, vous êtes en extase.

Perdue, elle remua la tête de droite à gauche et suivit le rythme du père.

Alors si je suis en extase, pourquoi vous m’avez emmené ici ?

Parce-ce que vous avez terminé mon journal, ai-je tort ?

Embarrassée, elle tira ses manches, les yeux ébranlés.

Mais mon père, où est la suite ? Votre journal ne peut pas se terminer ainsi !

Vous avez raison ma sœur, il y a bien une suite.

Où mon père ? Où ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 12 versions.

Vous aimez lire hailwildis 7 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0