Chapitre 10- Coline et Joseph

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Le père Philémon qui avait demandé aux deux jeunes femmes, Coline et sœur Humbeline, de préparer leurs affaires, elles se dirigèrent vers leurs chambres jusqu’à ce que Joseph attrape en cours de route sa femme, en bondissant d’allégresse. Il l’avait saisie dans ses bras et tourna avec elle en la déposant au sol, toute décoiffée. Le cœur étourdit, la jeune femme rit en lui demandant ce qu’il pouvait bien lui arriver.

— Le Christ, il, il est venu me voir pour me dire que je devais retourner à la maison ! Et devine quoi ?

Il lui avait laissé le temps de réfléchir jusqu’à ce qu’il prit ses deux mains. La jeune sœur assista à cette scène pour en avoir le cœur net.

— Laisse-moi deviner, tu vas encore perdre ton procès ?

— Mais non Coline ! Justement ! Il m’a dit que j’allais gagner et que nos enfants reviendront à la maison !

Méfiante, elle fronça des sourcils en reculant à petit pas.

— Tu es sûr que tu n’as pas bu Joseph ?

— Non ! Je te promets ! Il, il était là ! Avec le père Théophane ! Ils étaient en train de me libérer de tout mal !

Sœur Humbeline qui ne croyait pas il y a quelques instants son rêve, remarqua que Joseph avait été bel et bien guérit par le Christ. En ayant plus de doute, elle referma sa petite chambre derrière elle et écouta la suite de la conversation.

— Tu délires mon chéri, je suis sûre que la fatigue t’as joué de vilains tours…

— Bon, ce que je te propose, c’est que toi, tu partes en Allemagne pendant que moi, je reprends les affaires. Dès que tu reviens en France, je reviendrais avec des beaux habits, un nouveau toit et avec nos enfants, marché conclu ?

En soufflant, pour rire, elle accepta en serrant sa main contre la sienne.

— Je suis sûre que tu as tort…

— Et moi je vais te prouver le contraire, on se retrouve dans deux semaines au monastère ?

Il l’avait tiré vers elle pour caresser ses cheveux doux et déposa un léger baiser sur son front.

— Si tu insistes…

Il poursuivit ce moment chaleureux, en posant sa tête contre son cœur et se berça avec elle.

— Il m’a libéré Coline, il m’a libéré de tout mal, s’exclama-t-il en se retenant de pleurer de joie.

— Heureuse de te retrouver, mon amour, répondit-elle en savourant ce moment.

— Tu as pu voir le médecin ?

— Oui et malheureusement, c’est bien ce qu’on avait confirmé…

— Tu, tu as bien la tuberculose ?

Elle remua la tête en tremblant des lèvres. Son monde avec son mari qu’elle avait tant imaginé, venait de s’écrouler, sous ses yeux. Elle tomba en se mettant à genoux au sol et pleura amèrement, dans ses gants. Joseph la réconforta en la massant de bas en haut et déposa sa tête contre la sienne.

— Rassures-toi chérie, le père Théophane s’en occupera…

— Oh oui, ce n’est pas comme s’il venait de mentir, cracha-t-elle en ne croyant pas à toutes ces histoires.

— Mais Coline, il y a à peine quelques heures, tu espérais qu’un miracle tombe entre tes mains…

— Je ne sais pas Joseph, je ne sais pas ! Je, je suis fatiguée… je vais préparer mes affaires et me reposer…

— Coline…

— Désolée Joseph, mais toutes ces histoires me donnent mal à la tête…

Déçue d’entendre tout cela, la sœur soupira et entendit les talons de la jeune femme, claquer, à travers sa porte. Elle attendit qu’elle parte, mais l’ombre resta figée, sous sa porte. En hésitant à entrer, elle fit demi-tour pour regagner sa chambre. La jeune sœur prépara ses affaires et en remarquant qu’il lui restait quelques minutes devant elle, elle sortit une plume et un encrier, pour écrire une lettre au cardinal.

Monseigneur Maximilien,

Je vous écris pour vous dire que j’ai continué le journal. J’ignorais totalement qu’il était parti en guerre pour tuer des soldats… Il racontait que la guerre lui avait laissée de belles cicactrices… Pour poursuivre notre enquête, je vais me rendre en Allemagne avec Coline pour récupérer la suite de son récit… J’ai bien peur qu'elle ne soit terrible…

Pour compléter cette lettre, je désire vous parler de ma rencontre avec le père Théophane, mais avant, je vais vous raconter mon histoire, pour que vous sachiez quel genre de personne j’étais, avant d'entrer au monastère des petites Sœurs de l’Agneau de Dieu.

Tout d’abord, mon vrai prénom est Emma Lerose. J’ai grandi dans une famille athée. Ma grande sœur, Maïa, était le genre de sœur à laisser de côté tout le monde pour courir après les garçons. Elle passait son temps à se maquiller et à fumer pour faire son intéressante. Nous n’avons jamais eu une bonne relation elle et moi, comme il s’avérait que j’étais très différente d’elle… La plupart du temps, je voyais mes parents fumer et boires à longueur de journée. Le soir, nous n’avions pas de conversation, car on se servait quand on voulait pour le dîner pendant que eux, étaient affalés dans leur canapé, devant la télévision, pour regarder les informations du jour.

Un jour, lorsque j’avais douze ans, ma mère m’avait emmenée au baptême de ma cousine. Je lui demandais ce que c’était et elle m’avait répondue que c’était un truc que les catholiques faisaient tout le temps pour préserver leurs âmes du péché. Elle disait que c’était bidon et qu’ils inventaient toute cette histoire pour qu’on ait pitié de Dieu. Elle m’avait dit un jour « et qu’est-ce-que cela nous prouve que Dieu existe ? ». Bref, j’en passe les détails… En voyant ma cousine se faire baptiser dans de l’eau pure, j’ai eu comme un électrochoc dans mon âme… Je ne saurais pas comment vous l’expliquer monseigneur, mais j’ai senti que mon cœur m’appelait à faire la même chose. C’était comme si j’étais attirée par cette eau que je n’avais jamais connu… Mon âme s’est illuminée lorsque le prêtre a parlé du Saint-Esprit. J’avais cette image dans la tête, d’une colombe, qui se posait sur l’âme de ma cousine. En voyant cette eau couler sur sa tête, je me suis mise à fondre en larmes en entendant une voix me dire « quiconque va à ma source, la boira ». J’avais tiré la manche du manteau de ma mère en insistant pour que je me fasse baptiser. À la fin de la célébration , j’étais venue voir le prêtre pour lui demander conseil. Il m’avait demandé de m’inscrire au catéchisme et d'assister à certaines messes. En grandissant, ma mère m'avait suppliée à ce que je ne rentre pas dans l'école privée de Besançon, mais je m'y suis quand même inscrite. Je fis ma première rencontre avec Coline. Nous nous rejoignions à la bibliothèque pour étudier et je me souviendrais parfaitement de ce jour, où elle me racontait à quel point elle aimait Joseph. Elle m'avait demandé si j’étais amoureuse d’un étudiant, ce à quoi, j’avais répondu « non… » Mais lorsque nous nous rendions à la chorale, mon cœur battait très fort pour un jeune homme qui était dans le rang des ténors. Il s’appelait Raphaël et aimait beaucoup la pêche. Nous nous rendions, à la fin de notre cours de chant, au Doubs, pour aller pécher. Je m’en souviendrais toute ma vie lorsque nous avions attrapé une truite, c’était un rêve irréalisable pour lui lorsqu’il l'avait dans ses mains. Ce fut le plus beau moment de ma vie…

— Sœur Humbeline ? Vous-êtes prête ? Nous allons aux complies, marmonna une voix, derrière sa porte.

— Oui je suis prête, j’arrive dans quelques minutes.

— Dépêchez-vous car ça va bientôt commencer.

Elle reprit l’écriture en concluant rapidement.

Il me tarde de me rendre aux complies, je vous raconterai la suite plus tard, c’est promis. Nous vous portons humblement dans nos prières et que Dieu vous protège, monseigneur Maximilien.

Signée : Sœur Humbeline de la communauté de l’Agneau de Dieu

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