L'éveil du chasseur

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L’inspecteur Lewis ne dormait plus. Depuis trois nuits, il tournait dans son bureau comme un fauve en cage. Il relisait ses notes, recomposait la scène, rejouait l’agression dans sa tête. Il le sentait, derrière cette attaque, il y avait autre chose qu’un simple dérapage. Il y avait de la méthode, une mécanique froide. Et ça, Lewis le connaissait. Il avait déjà croisé ce type d’empreinte dans d’autres affaires mais jamais aussi maîtrisée. Il avait vu des tueurs impulsifs, des amateurs effrayés et négligents. Mais là, c’était autre chose. Une scène lavée, presque esthétique. Une absence totale de signature, ce qui, pour Lewis, valait un aveu. Ce prédateur avait voulu disparaître, et ça, c’était une provocation, une forme de message : Regarde ce que je peux faire. Regarde comme je ne laisse rien. Anton, pendant ce temps, reprenait une vie normale. Il allait au lycée, croisait ses camarades avec le sourire d’un homme banal. Personne ne soupçonnait l’abîme sous cette façade. Mais à l’intérieur, tout était en tension. Anton n’avait rien laissé au hasard, ce n’était pas un coup de folie, c’était une œuvre. Il n’était pas un homme impulsif, c’était un menteur né. Depuis l’enfance, il savait moduler sa voix, forcer ses larmes, mimer la surprise. Il avait appris tôt à s’adapter aux attentes, à se glisser dans les rôles qu’on attendait de lui. Il avait toujours été ce garçon sage, respectueux, brillant, celui dont personne ne se méfiait. Mais sous ce masque lisse, il y avait un vertige. Une obsession du contrôle. Et surtout, un besoin irrépressible d’aller au bout. De franchir la ligne. Maintenant que c’était fait, il se sentait plus fort, comme si le monde s’était enfin révélé à sa juste mesure : fragile, malléable, offert. Mais Lewis cherchait, l’inspecteur avait commencé à faire des recoupements. La liste des résidents dans l’immeuble de Lucie, les historiques de badge, les habitudes de certains voisins. Il avait dressé un tableau, avec des noms, des connexions, des hypothèses. Lewis n’avait pas de preuve, pas encore. Mais il avait cet instinct, ce sixième sens que les autres appelaient chance pour ne pas admettre leur propre faiblesse. Il savait que derrière les visages bien rangés pouvaient se cacher les pires monstres. Et celui-là, il le sentait, ne s’arrêterait pas. Lucie n’était que le début. Alors il reprit ses visites. Il interrogea à nouveau les voisins, toujours avec cette douceur feinte, cette écoute patiente. Il revint sur les lieux à des heures différentes, la nuit surtout, pour comprendre les sons, les silences, les reflets dans les vitres. Et dans l’ombre, une traque s’engageait. Deux esprits méthodiques, deux maîtres de la dissimulation. L’un construisait sa vérité comme une enquête, l’autre effaçait la réalité comme une œuvre. Et quelque part, dans ce duel à peine commencé, l’inspecteur Lewis sentit un sourire furtif lui effleurer les lèvres, il y avait dans ce face-à-face une saveur qu’il n’avait plus goûtée depuis longtemps.

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