Dernier Souffle – La fin du premier acte

4 minutes de lecture

Les semaines s’étaient écoulées, et avec elles, le tumulte provoqué par la mort d’Anton semblait se dissiper. Les rues, autrefois marquées par la lourdeur de l’événement, étaient désormais envahies par l'excitation des vacances d’été. Des groupes d’étudiants riaient, s’échangeaient des promesses de liberté retrouvée, de fêtes, de voyages. L'insouciance pure, légère comme l'air chaud qui s’échappait des terrasses. Mais pour Elias, cette apparente normalité n’était qu’un masque. Une illusion fragile, prête à se briser à la moindre secousse.

Dans sa chambre, il était seul. Un silence oppressant, seulement brisé par le bruit de ses doigts qui traînaient sur le tissu. Chaque geste était minutieux. Le pliage des vêtements, l'agencement méthodique de ses affaires dans la valise. Le monde avait repris son cours, et Maëlys allait un peu mieux. Mais sous chaque pli, chaque vêtement soigneusement replié, se tapissait la réalité d’un esprit dévoré par un plaisir qui le dégoûtait et l’excitait tout à la fois. Les souvenirs d’Anton surgissaient toujours à l’improviste. Le visage de son ancien rival, figé dans l’horreur, ses yeux écarquillés de surprise. La sensation de ses propres mains autour de la gorge d’Anton, chaque seconde passée comme une petite victoire macabre, presque exquise. Un frisson brûlant qui lui parcourait le dos, qui faisait naître une sorte d'extase qu’il peinait à réprimer.

Puis, tout à coup, comme un réveil brutal, cette sensation se dissipait, engloutie par un poids de plus en plus lourd qui se faisait sentir dans chaque fibre de son être. C’est alors, dans ce silence funeste, que le morceau de papier glissa de son compartiment et tomba au sol. Un frisson glacé traversa sa nuque lorsqu’il le ramassa. Le papier, froissé, comme s’il avait été maltraité, griffonné à la hâte, était différent de tout ce qu’il avait connu. Ses yeux s’arrêtèrent sur les mots tracés, l’encre maladroite, presque frénétique.

"Le roi est mort, mais la partie continue. Je sais que c’est toi".

Un vertige. Son cœur se figea dans sa poitrine. Le monde autour de lui se dissipa, comme si le sol s’était dérobé sous ses pieds. Tout, autour de lui, semblait se déformer, devenir flou, irréel. Le papier dans sa main, qui se resserrait un peu plus à chaque seconde, devint son unique réalité. Qui savait ? Qui avait compris ? Il avait été tellement précautionneux, tellement méthodique. Pas un seul faux pas, pas une erreur. Rien. Pourtant, quelqu’un, quelque part, voyait à travers lui.

Il se leva d’un coup, ses jambes vacillantes, comme si la pièce elle-même s’était mise à tourner autour de lui. L’air se fit plus lourd, plus épais, comme une chape de plomb qui l’écrasait. Il n’arrivait pas à respirer correctement, son propre souffle résonnait de plus en plus fort dans le silence oppressant. Chaque battement de son cœur semblait marteler ses tempes, résonner dans son crâne. Il ferma les yeux, mais les images d’Anton s’imposaient à lui, cruelles et inévitables. La chaleur de la gorge d’Anton entre ses doigts, la pression, la souffrance, la fin. Et ce frisson, ce frisson délicieux, comme un poison qu’il avait avalé et qui se répandait dans ses veines. Il ne pouvait pas l’arrêter. Il se tourna brusquement, cherchant une issue, mais la pièce était trop petite, trop confinée. Il n’y avait nulle part où fuir. Il se sentait piégé, pris au piège dans ses propres murs. Ses gestes étaient plus vifs, plus désespérés, comme s’il cherchait un moyen d’échapper à cette prise invisible qui le serrait. Il renversa un livre sur la table, les pages s’éparpillant dans l’air comme des cendres, des fragments d’un autre temps. Tout lui échappait. Il n’avait plus le contrôle.

Puis, dans l’épaisseur de cette atmosphère lourde, il entendit le bruit du téléphone qui vibrait. Un son presque anodin. Il se figea, le corps tout entier tendu. Sa mère. Le nom affiché sur l'écran semblait tellement étranger, comme une ombre d’un autre monde. Un appel banal, comme tant d’autres. Dans un monde qui n’avait plus rien à voir avec le sien. Il hésita. Ses yeux vacillèrent entre l’écran lumineux et sa main tremblante. Un appel qui, pour la première fois, semblait être une porte ouverte vers quelque chose qu’il ne voulait pas voir. Une connexion avec une réalité qu’il voulait fuir.

Le téléphone vibrait toujours sur la table. L’angoisse serrait son cœur, et pourtant, une part de lui savait que l’illusion de contrôle qu’il s’était fabriquée s’effondrait. Il ne pouvait plus fuir. Tout en lui hurlait de prendre l'appel, de s'échapper, de rompre avec cette spirale infernale, mais il le savait. Le message, le papier, cet appel, tout cela n’était qu’un avertissement. Un début, et non une fin. Il n’avait pas encore touché le fond. La partie n’était pas terminée. Il ferma les yeux, une ultime résistance. Il était piégé. Et il savait, au fond de lui, qu’il ne pourrait pas échapper à ce nouveau jeu.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ebi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0