Liberté d'expression ou provocation gratuite

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12. 01. 2025

Ma réflexion suivante risque d'en choquer plus d'un suite à un nouvel attentat commis cette fois au sein de la rédaction du journal satyrique « Eux », le premier massacre de masse d'une longue série suscitant, par ailleurs, une vindicte populaire qui enflamme littéralement la toile:


« Subitement, la plupart revendique – Je suis Eux- mais aucun n'aura jamais eu suffisamment de couilles au cul ( pardonnez- moi l'expression quelque peu vulgaire) pour se réaliser tel que chaque artiste de cet hebdomadaire y soit parvenu! Ni vous, ni Toi, ni Moi et encore moins nos Enfants ne sommes et ne seront jamais Eux. Tout au plus, nous pouvons humblement marquer notre soutien en partageant leurs oeuvres aujourd'hui teintées par le sang de l' obscurantisme... Parce que, dites- moi franchement, lequel d'entre- vous aurait souhaité se retrouver à leur place au moment fatidique où ils se faisaient tirer comme des lapins avec des pruneaux de 7. 62 dans la tronche??? Pas Moi en tout les cas!!!! »

13. 01. 2025

Je suis sans voix après la lecture de cet article : « Lettre ouverte à ceux qui proclament – Je ne suis pas Eux - et à ceux qui les likent ». Je m'exprime alors via les réseaux sociaux :

  • « Mais où allons- nous ??? Voilà que maintenant, il faudrait absolument afficher sur son mur – Je suis Eux- pour se sentir touché au plus profond de son âme par ce dramatique attentat et les prises d'otages qui s'en sont suivies! C'est vous et vous- seuls qui en avez donné la signification de – être pour la liberté d'expression- à travers ces trois mots inscrits en blanc sur un panneau noir mais celui qui n'y adhère pas, ne cautionne pas forcément ces actes barbares! Encore une fois, comme très souvent, dans la presse, on promeut la pensée unique et stigmatise la différence... Non, décidément, je ne suis pas – Eux- mais je me revendique en quête de liberté, la véritable, celle qui me permet d'être unique et authentique ! »

Un débat tout aussi animé que constructif se crée autour de ce sujet plus que délicat:

  • Alphonso: « J'aime bien ta différence. Par contre, moi je n'ai pas attendu « Eux » pour être un révolté et un défenseur de tous les droits. Je ne me suis donc jamais senti porteur de la pensée unique à travers ça mais je l'ai vu comme un emblème de ce que je souhaite depuis toujours comme univers pour lequel travailler. L'essentiel est de soutenir notre liberté, on peut le faire par tous les moyens. »

  • « Cela, moi non plus, Alphonso », rétorquai- je.

  • Alphonso: « Je sais, bises »

  • « Par tous les moyens, oui... sans pour autant stigmatiser celui qui n'adhère pas. » , enchaînai- je.

  • Alphonso: « Mais qui peut stigmatiser la liberté d'autrui de se montrer ou non – EUX- ? Ceux qui ont cette exigence sont en contradiction totale avec leur façon de se manifester, je crois... En somme, tu fais comme tu veux , je soutiendrai toujours cette unique pensée... »

  • « Bien, voilà! Chacun devrait pouvoir se sentir libre de ses choix... », surenchéris- je.

  • Alphonso: « La liberté, c'est faire ce qu'on veut, sans pour autant perdre son sens critique. A la limite, on peut se demander si les caricaturistes de – Eux- ont bien respecté ce côté qui limite moralement sa propre liberté. Ils auraient pu être un peu plus pragmatiques, selon moi. Enfin, ils ont été tués pour un droit qu'ils avaient naturellement malgré tout, et c'est pour ça que conformément à l'essentiel de ma pensée , j'ai pu être - Eux-. Bonne journée, Erin »

  • « J'y pensais à l'instant, Alphonso... Jusqu'où peut aller cette liberté? A mon sens, elle doit se faire aussi dans le respect des opinions d'autrui, quelles qu'elles soient. A partir du moment où tu franchis la ligne rouge, tu prends de terribles risques qui entraînent des conséquences dramatiques... Mais ça aussi, c'est un choix... », ajoutai- je.

  • Alphonso: « Ce que je ne comprends pas , Erin, c' est que les caricaturistes aient mélangé les genres. Ils pouvaient stigmatiser les radicaux islamistes, c'était bien, mais jamais de la vie leur prophète. C'était vraiment tout confondre. Enfin, là- dedans, on défend surtout une liberté essentielle : celle de vivre. Et ils ont été tués sauvagement, ce qui n'est tout de même pas béni... »

  • « Ce qui me gêne surtout, c'est cette tendance à confondre liberté d' expression et provocation ! », m'exclamai- je.

  • Georgia: « Tiens, quelqu'un qui a la tête sur les épaules. Ne pas mettre le panneau – Je suis Eux- ne veut absolument pas dire , et en aucun cas d'ailleurs, que l'on cautionne les attentats... qu'ils se produisent dans ce journal ou n' importe où dans le monde.. Quelle que soit la cible, c'est inadmissible! »

  • « Aucun d'entre eux n'étaient libres au final, ils vivaient avec une épée de Damoclès au- dessus de la tête en permanence... Et s'attendaient à mourir assassinés!!! Est- ce cela l'idéal de liberté à prôner et à défendre? Non, je ne pense pas! », m'exclamai- je.

  • Georgia: « Ils le savaient... Ils ont attaqué, provoqué même avec un crayon, des terroristes, des fanatiques, des malades, en connaissance de cause. Certains avaient des gardes du corps pour cette raison. Maintenant, qu'ils soient morts, c'est dramatique, je ne dis pas le contraire! C'est étrange, je ne vois pas de panneau pour le gendarme tué dans l'exercice de ses fonctions ! »

  • « Tout acte de barbarie se doit d'être condamné fermement même si tu attires le loup dans la bergerie... », déposai- je, l'air de ne pas y toucher.

  • Georgia : « Malheureusement , tout ce tapage par ici n'existe que parce que c'est – Eux- ! Si une autre cible avait été choisie, y en aurait- il eu autant ? Je ne pense pas... En plus, ça va être dramatique avec la montée de l'extrême droite !!!! »

  • « Alors là, c'est une certitude absolue! », acquiesçai- je.

– Georgia: « Et l'effet boule de neige... Moi, j'appelle ça – les moutons de panurges-. On est d'accord pour la punition, même si tu attires le loup dans la bergerie ! Tu sais, dans ma boîte, l'année dernière, il y a eu un accident avec trois morts. La direction nous a demandé une minute de silence dans nos bureaux. Pour – Eux- , elle nous a demandé de sortir dix minutes devant la société. C'est normal, ça ? »

  • « Il faut se rendre à l'évidence : il y a le monde tel que chacun voudrait qu'il soit ( et que chacun est libre de construire dans son intimité à sa façon) et il y a l'implacable réalité à laquelle nous devons faire face et surtout nous adapter pour justement mieux vivre ensemble! Quant à la vie de tes trois collègues et amis, elle pesait sans doute moins dans la balance de la popularité... Non, bien évidemment, pour répondre à ta question, c'est injuste ! Heu, en fait, quand je parle d'adaptation, je sous- entends ne pas attiser la haine pour attirer ce fameux loup dans la bergerie... », expliquai- je.

  • Alphonso : « je suis d'accord, ça rejoint un peu ce que je disais... »

  • Charlotte : « Moi, je pense sincèrement qu'il est utopique de croire qu'on peut réunir les gens sans symbole. Aujourd'hui, ce panneau est devenu spontanément le symbole du soutien. Evidemment, personne ne voudrait être mort à leur place comme tous ceux qui ont des drapeaux n'auraient pas voulu être morts à la révolution française !»

  • « Mais Charlotte, je parle du choix de tout un chacun de l'afficher ou non en fonction de ses convictions... », réajustai- je.

  • Charlotte : « Oui, je sais! »

  • « Tu as des tas de gens qui mettent cette image en photo de profil et qui étaient peut- être les premiers à les critiquer, juste pour faire comme tout le monde, ou qui ne s'étaient jamais intéressés à leurs publications avant ce drame ! », continuai- je sur ma lancée.

  • Charlotte: « Et ça, je ne cautionne pas ! »

  • Alphonso: « Je devais sortir tout à l'heure et n'ai pas pu te répondre au mieux. Voici mon point de vue : on a la liberté naturelle de faire ce que l'on veut mais cette liberté devient formelle au regard de la morale et de l'esthétique selon Montesquieu. Cela veut dire que l'on se doit de limiter cette liberté en fonction de la morale et du risque qu' il y ait de l'assumer. En fait, il y avait bien un risque de caricaturer Mohammed. La preuve ? Ce qui s'est passé... Ce risque aurait été bien moindre si nos caricaturistes s'étaient contentés de stigmatiser les radicaux. Mais là, en touchant à leur prophète, ils les ont déchaînés. Ce risque n'a donc pas été mesuré : il a mis en péril des vies humaines dont les- leurs. La liberté formelle a été oubliée. La morale n' a pas été respectée : on n'a pas à caricaturer le prophète. Il n'y est pour rien,au regard de tous les musulmans, si des fanatiques interprètent sa parole outrageusement. C'est en cela que mon point de vue rejoint le tien : la nation n'aurait pas été ébranlée si les caricaturistes avaient eu plus de discernement. Cependant, comme on défend avant tout la vie des gens, et comme on n'a pas besoin d'extrémistes fanatiques et dangereux dans notre pays, je me suis senti le droit par rapport à tout cela d'être – Eux-... Et je pense que d'autres que moi ont ressenti les choses de la même manière. La sensibilité des uns et des autres n'a pas été pareille dans cette histoire... ».

  • « Le souci, c'est que lorsqu'ils caricaturaient d'autres religions et notamment les cathos, il y a vingt ans de cela, ceux qui s'en s'ont insurgés ont manifesté de manière légale en saisissant les tribunaux mais... la grande différence, c'est que les fanatiques réagissent comme nous réagissions au douzième siècle au temps des croisades! Il y a un décalage de timing énorme entre leur mentalité et la nôtre, ce que nos caricaturistes ont peut- être omis de prendre en compte au péril de leurs libertés et de leurs vies au final. C'est ignoble de mourir ainsi pour des idées mais ça s'explique. Pourtant, personne n'est encore prêt à l'entendre ! Perso, tout ce qu'ils créaient me faisait rire sans doute parce que je ne suis pas dans la filière d' une religion bien précise et donc, non concernée par des caricatures qui flirtent dangereusement plus avec la provocation gratuite que avec la liberté d'expression... », poursuivis- je.

  • Louis: « C'est consternant la récupération! Nonante pour cent de ceux qui affichent - Je suis Eux- n'ont jamais lu un de leur journal et ne savent même pas qui ils sont. Ce sont ceux- là qui, il y a quelques jours encore, trouvaient Charon vulgaire, vomissaient Reiser, dégueulaient sur Cavana... Opportunisme d'une bande de – m' as- tu vu?- ! »

  • Alphonso: « Oui, mais c'est opportuniste aussi de dire que ce n'est qu'opportunisme... Cela veut dire jouer les intellos méprisant ceux qui sont vulgairement fourvoyés dans des affaires de suivisme. En fait, les gens ont tout de même vu des morts, et certains, dont je prétends être, ont des idéologies pour agir... Donc, il faut faire la part du feu. Dire qu'il y a eu des degrés divers dans l' engagement des personnes, allant de la profonde conviction, avec peut- être juste une notion de lutte pour la vie avant tout, ce qui n'est pas bien- sûr la cible la plus fine là dedans mais qui n'en est pas moins négligeable. En complétant de la sorte : qu'on est libre de ne pas être du troupeau qui agit sur le plan de l'idéologie en aveugle... Ceci- dit, Erin avait bien raison d'évoquer ce décalage dans les moeurs des Ayatollas du jour ressemblant à ce que nous étions au moyen- âge et surtout à la renaissance où eurent lieu les pires exactions sur le plan religieux par rapport à ce que nous sommes devenus en terme de civisme. C'est cette dimension non prise en compte par les caricaturistes qui a joué contre eux et contre l'état dans cette affaire... Une chose essentielle à voir : nous sommes en présence d'une guerre qui ne dit pas encore son nom. »

  • Micka: « Bravo, Erin! Moi aussi, je veux rester libre. L'acte est abominable mais la réponse doit être mesurée. Cela me rappelle les mouvements de foule en 1939! »

  • Carmen: « Cela a le mérite d'être dit en toute franchise, en toute honnêteté, la liberté d'expression est là aussi : « C'est – Vous- qui en avez donné la signification de – être pour la liberté d' expression-.... Je n'en attendais pas moins de Toi, Erin, mon amie courage ! »

  • Micka: « Je suis content que tu aies du succès. »

  • « Heu, de quel succès parles- tu mon Micka ? », demandai- je, interloquée.

  • Micka: « Que tu aies beaucoup de commentaires, Erin ! »

  • « Ah, je n'y avais pas vraiment prêté attention... Ce fut surtout de fil en aiguille l'occasion de débattre sereinement d'un sujet grave dans le respect de tout un chacun! », répliquai- je, abasourdie.

20.01.2025

Après l'ampleur de ce tolet médiatique concernant « Je suis Eux », je me positionne de la manière suivante à travers ce quatrain, concis mais d'une éloquence inégalable:


« En ces heures malsaines

Se propage la gangrène;

Cet 'humour' assassin

Ravira nos lendemains! »

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