Au nom du pair

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31. 10. 2026

Choquée à l'extrême par ta réaction et après m'être perdue dans les méandres de mon esprit farfelu, ma conscience m'entraîne sur les pentes abruptes d'un imaginaire utopiste à travers ce questionnement atypique :

  • « Et si nous parvenions à créer ce monde où Chacun pourrait y exprimer ses sentiments, aussi singuliers fussent- ils, sans craindre le rejet impalpable mais évident d'une société réduisant irrémédiablement l'être au paraître, à une norme imposée par le silence dans le néant absolu des relations humaines? Miss Terre Happy ne serait dès lors plus la maîtresse abjecte tapie dans l'ombre céleste d'une caste soumise entre le pouvoir et la peur! »

01. 11- 03. 11. 2026

Je suis à nouveau sous antibiotiques. Les corticoïdes seuls ne parviennent pas à enrayer cette fichue bronchite. J'étouffe à nouveau...

J'ai cette sensation terrible que plus je pense à Toi, plus je suis malade. Mais comment parviendrais- je à réaliser ce deuil de six ans et neuf mois d'une relation thérapeutique dans laquelle je me suis sentie exploitée si tu me laisses dans le vide?

Ceci- dit, plutôt que de me morfondre et d'ennuyer Audric avec mes considérations, je préfère préparer les plats adorés de tous en me faisant plaisir par la même occasion. Et hop, Erin aux fourneaux ! Toute ma famille est aux anges lors de la dégustation. Audric, pourtant malade aussi, n' a de cesse de me complimenter sur ma cuisine. Cela m'a réchauffé le coeur!

05. 11. 2026

Comme il est hors de question d'être de celles qui n' apprennent rien des faits désagréables de leurs vies forçant la conscience cosmique à les reproduire autant de fois que nécessaire pour apprendre ce qu'enseigne le drame de ce qui est arrivé et ainsi me soumettre à ce que je pourrais éventuellement nier, je décide de prendre le problème à bras le corps afin de parvenir à une forme d'acceptation nécessaire qui pourrait peut- être m'ouvrir les portes de la transformation.

Je me jette donc à l' eau et te recontacte:

  • « Toujours dans l' impossibilité de me parler? C'est un peu comme si tu me punissais pour avoir osé exprimer mes sentiments à ton égard... Perso, je trouve ça vraiment inhumain... Une certitude cependant : à l'avenir, je n'exprimerai plus jamais quelque sentiment que ce soit envers quiconque ! »

Puisque tu ne daignes pas me répondre, j'insiste en tentant de te joindre téléphoniquement à trois reprises. Lors de la seconde, je te laisse, assez énervée, un long message dans lequel je te demande de prononcer ces mots : « Je ne suis pas amoureux de Toi Kath- Erin » pour me permettre de tourner, entre- autre, la page.

Tu ne réagis pas plus à cela qu'au reste et ta manière de procéder m'enrage littéralement! Je poste donc, dans un accès de colère, mon ressenti sur les réseaux sociaux :

  • « Son attitude face à l'aveu de mes sentiments à son égard était inadmissible selon mes convictions personnelles... Il lui suffisait pourtant de prononcer ces quelques mots: " Je ne suis pas amoureux de Toi Kath- Erin'' pour me permettre de tourner définitivement la page. Lui qui avait souvent évoqué durant nos séances la désacralisation du statut de psychothérapeute, il en était pourtant très loin: c'était SA zone de confort ... Après avoir tenté vainement de discuter avec lui en tant que simples êtres humains ( téléphone et texto), je renonce à Lui et à toute forme d'Amour : il n'en méritait même pas une once, et encore moins de Tout celui que j'avais pu éprouver envers Lui durant presque sept ans. Vivre malgré cette déchirure, me reconstruire en fonction de moi- même, et m'épanouir à travers mes passions pour l'écriture, la photo, la peinture, le dessin, la nature, y accorder le crédit qu'il n'y avait jamais porté sont, dès- à- présent, mes objectifs! »

Ce post fut publié à 13H55 et par je ne sais quel enchantement, tu me transmettais le message suivant à 14H32 :

  • « Bonjour Erin. J'ai bien reçu tes derniers messages et donc, pour répondre à ta demande, de fait, je ne suis et n'ai été amoureux de Toi. Comme je te l'ai dit, je trouve plus juste pour moi de ne pas en discourir par téléphone. Bonne route à toi. Je respecte ton choix...

  • Merci, idem... Heu non, pas idem parce que j'ai perdu avec toi presque sept ans de Vie à douter sans cesse de mes talents d'artiste au vu du rejet manifeste dont tu faisais preuve. La communication et l'expression, ça ne se limite pas au verbal! Bye. »

J'analyse ensuite ton écrit car plusieurs discordances me sautent au yeux en le relisant. J'émets les hypothèses suivantes :



– « Pour répondre à ta demande » = « Afin de me protéger de toi »

– L'élidation de « pas » et « jamais » = négation d'un désir inconscient.

– « Comme je te l'ai dit » : tu n'as rien dit à ce sujet, tu as simplement évoqué ton impossibilité de me parler lors du sms précédent. C'est donc très différent de « Je trouve plus juste pour moi de ne pas en discourir par téléphone »

– « Je respecte ton choix » : il n'y a aucun respect réel, c' est sans doute ta manière à Toi de me rappeler que j'ai effectivement fait ce choix délibéré de fuir la thérapie en raison de mes sentiments amoureux et du désir y afférent. De manière directe, tu aurais pu, par exemple remplacer cette phrase indirecte par: « Assume ton choix ! »

Je reviendrai sur les deux premiers points plus tard car je suis plongée dans un article psychanalytique concernant la dénégation liée au désir inconscient ( Freud et Lacan).



Après tout cela, perdue dans mes réflexions, il me vient une phrase à l'esprit que je publie sur le net: « Je préfère de loin exploiter mes talents innés d'artiste que le mal- être d'Autrui pour contribuer à nourrir ma famille! »

A 21H10, après en avoir longuement discuté avec Audric qui semblait par ailleurs assez amusé de la situation, je te balance à la tronche:

  • « Et en plus quand tu n'éludes pas, tu élides : le -pas - et le - jamais-, ils sont restés coincés dans ton clavier? Merci Lacan... »

Il est 21H29 lorsque tu ajoutes:

  • « De fait, je précise donc: je ne suis pas amoureux de toi et je ne l'ai jamais été... Tu es ma patiente et tu peux le rester si tu le désires... J'espère de tout coeur ne pas te blesser. Bonne soirée. »

Je termine la conversation comme suit:

  • « Non, je ne suis pas blessée, que du contraire... C'est ainsi très clair. Je n'étais pas ta patiente mais une cliente... Je reste sur ce que me dicte mon coeur et je prends mon envol, seule, pour m'accomplir. Adieu! »

06. 11. 2026

Perdue dans mes réflexions alambiquées en repliant mon linge, une illumination soudaine à la relecture de ces quelques mots '' Si tu le désires... " m'apparaît comme une évidence. Je me les répète plusieurs fois jusqu' à ce que fuse un « Situe le désir là où il s' y tue! »: voilà probablement la clé pour déverrouiller l'ampleur de mon imbroglio sentimental!

Mais comment ne m'en suis- je donc pas aperçue plus tôt? Je ressens un besoin impératif de lâcher- prise. Pour y parvenir, rien de tel que de prévoir ce jeudi un road trip avec Scooty. Toutes les conditions seront réunies pour faire enfin la paix avec moi- même dans une sérénité absolue ( Avec Audric en congé et les puces à l'école, j'ai largement le temps). En tous cas, j'y suis déterminée !

07. 11. 2026

Après une nuit chaotique, je choisis de te contacter, tant pis si « ça » clashe:

  • « Dispo demain pour un ultime face- à- face? D'après mes réflexions alambiquées, tout serait une question de désir et non d'amour à proprement parler. En gros, voilà ce qui me vient à l'esprit : - Kath- Erin, situe le désir avant qu'il ne s'y tue...-

  • Bonjour Erin, est- ce que 18h15 pourrait te convenir ?

  • Nickel, à demain »

08. 11. 2026

Aujourd'hui, Audric ne travaille pas. Il ressent mon stress pour ce soir malgré que je m'ingénie afin de ne rien laisser transparaître. Il est aux petits soins avec moi toute la journée et insiste pour me conduire chez Toi à l'heure convenue. Bon, j' avais programmé de m'y rendre en scooter mais vu son désir manifeste de m'épauler, j'accepte finalement.

Il me dépose donc devant ton domicile. Je remarque d' emblée une voiture style utilitaire qui y est garée. Il me semble l'avoir déjà vue quand Sophie vivait encore sous ton toit. Bref, ça ne fait que traverser mon esprit. Je te vois ensuite quitter la pièce du séjour et te diriger vers la porte d'entrée.

Je me précipite donc à l'intérieur au moment où tu l' ouvres. Tu me souhaites la bienvenue avec ce qui me paraît être une relative inquiétude ; quant à moi, je te salue assez mal à l'aise. Une fois installée, tu t'exprimes immédiatement et me poses ta question habituelle:

  • « Je suis content que tu sois là !

  • Moi aussi...

  • Qu'est- ce qui est présent aujourd'hui? »

Je ne parviens pas à formuler ce que j'ai sur le coeur, je bafouille:

  • « Je... Je... c'est- à- dire... fin... je ...me sens... heu... comment dire? Gênée... »

Tu interviens alors :


  • « Serait- ce de l'ordre de la honte? »

Je précise d'une petite voix:

  • « Non, je n'ai pas honte, il s'agit juste d' une gêne ! Je n'ai d'ailleurs pas à avoir honte de mes sentiments!!! Je ne sais trop que te dire... C'est là, j'ai beaucoup travaillé mais je ne parviens pas à l'exprimer... »

Tu m' observes attentivement, me fixes du regard puis me dis doucement :

– « Cela t'aiderait que je commence ?

– Oui, beaucoup...

– Erin, je vais t' exprimer ce qui me vient à l' esprit. Tu sais que je ne prépare jamais mes séances... »

« Logique », pensai-je à cet instant, « puisque nul ne sait ce qui en émergera. » Je te laisse donc poursuivre :

– « J' insiste sur le fait que tes messages m' ont beaucoup touché et que mon absence de réponse n'était absolument pas de l'indifférence. Comment pourrais- je te l'expliquer ? Ha voilà... C'était plutôt une manière de laisser au travail pour l'un comme pour l'autre l'expression de ton ressenti ...

– Mwouais... J'ai pourtant eu cette impression... J'ai attendu plusieurs mois ou plus précisément mis tout ce temps à parvenir à te l'écrire... »

Une larme perle dans tes silllons creusés par cet inéluctable temps, ta voix se brise et tremblote au moment où tu ajoutes:

  • « En tant que thérapeute, je m'implique à deux cent pour cent pour être au plus proche de l'Autre. Même si mes superviseurs m'engueulent souvent parce que justement je m'implique trop, je m'en fous... C'est pour cette raison que ton dernier message - je regrette d'avoir perdu tout ce temps avec Toi- m'a blessé!

  • Je suis navrée ... Je voulais te choquer car j'aimerais que tu puisses me voir dans ma globalité y compris l'écriture!

  • Erin, je vais prendre ma fille et le jazz comme exemple. Ce n'est pas parce que cette musique ne fait pas écho chez moi que j'aime moins mon enfant pour autant!

  • Je suis d'accord avec Toi mais en ce qui nous concerne, en privilégiant l'écriture comme moyen d'expression, j'ai beaucoup de mal avec Toi qui préfère l'oral et en jouit manifestement tout comme j'éprouve cette jouissance à l'écrit... Cependant, je m'adapte à tes préférences... »

Tu plonges ensuite ton regard magnétique dans le mien puis lorsque nos deux azurs bleutés d' une profondeur abyssale se rencontrent, tu prononces mots après mots, syllabes, voyelles et consonnes hachurées par le couperet d'une sentence sans appel telle une parodie de Cabrel:

  • « Erin, je n'ai jamais été amoureux de Toi, je ne le suis pas et ne le serai jamais! »

Wouah... Prends- toi ça dans la gueule, Erin! Je suis littéralement assommée, non par le fait mais surtout par ta manière de procéder. Je ne risque pas de l'avaler, ça me reste en travers de la gorge!

Allez, reprends- toi... Ce n'est pas le moment de craquer devant cet énergumène! Donne le change, vite! Laisse sortir, n'importe quoi mais parle... Vas- y! Grouille, Erin! Conserve un calme olympien, sois placide : ne laisse rien transparaître du tout!!!!

  • « Ok, je suis soulagée par tes propos. Je crois que Sophie était, en quelque sorte, un garde -fou...

  • Continue, j'imagine ta difficulté...

  • C'est encore flou... Peut- être que la peur ... enfin... heu... Ce que je pensais être une peur de ne pas savoir me contrôler sur le plan du désir ... ouf... C'est dur!

  • Prends ton temps...

  • Bon, je reprends...Peut- être que ce que je pense être une peur de ne pas savoir me contrôler sur le plan du désir que je pouvais éprouver envers Toi depuis que tu es célibataire n'est en réalité que la crainte inouïe de me retrouver seule en ta présence, que tu puisses me faire du mal, que tu profites de la situation...

  • Voilà, c'est enfin sorti !

  • Oui, je n' ai peur de moi mais de Toi en tant qu'homme! Entendre les bruits familiers de ta famille résonner dans ta maison me rassurait. Je savais que je ne risquais rien. Maintenant, rien n'est plus pareil... »

Je suis encore sous l'effet de la surprise, à la fois décontenancée par mes propos et très émue, lorsque tu interviens:

  • « J'imaginais bien qu'il s'agissait de quelque chose de cet ordre... »

Tu t'interromps brusquement quelques secondes avant de poursuivre:

  • Erin... Pour l'avoir vécu moi- même avec ma psy, je sais à quel point la relation sexuée entre thérapeute et client peut être frustrante. Elle suscite de nombreuses remises en question et nécessite aussi des recadrements nécessaires quand ça part en vrille...

  • Forcément, en venant chez Toi le plus souvent toutes les semaines depuis presque sept ans, je te suis très attachée... Tu n'imagines même pas combien de larmes j'ai versé pour Toi lorsque tu m'as appris pour ton infarctus. La thérapie crée donc des liens puissants,même de l'amour. Donc oui, je peux dire dans ce sens que je t'aime...

  • Effectivement... Je suis moi aussi très attaché à la mienne, Marianne. Je la remercie au passage pour son implication permanente durant ces vingt années... Je lui suis fidèle, c'est MA psy. Au fil des années, l'intimité d'une relation thérapeutique est assez semblable à celle d'un couple. D'ailleurs, je ne suis même jamais resté en concubinage avec une Nana aussi longtemps!

  • Vingt ans? C'est énorme!

  • Erin, il ne nous reste que quelques minutes pour terminer la séance. Comme je n'aime pas mentir à mes clients quoique la plupart proviennent de l'extérieur, je préfère te l'annoncer moi- même d'autant que les ragots circulent très vite dans une petite entité comme la nôtre : J'ai une nouvelle compagne... »

Quarante- cinq minutes, cinquante euros pour atteindre ton objectif : me signaler la fin de ton célibat! Ha ben, bravo! Serait- ce donc ta solution de rechange pour conserver ta demeure? Ensemble, vous avez bien dû vous foutre de ma tronche... Je me sens ridicule comme jamais!!!!! Hum... pas grave... Vite que je me barre! Garde le sourire Erin et joue la carte de l'humour:

  • « Dedji, tu n'as pas perdu de temps!!! »

La nausée monte, Je me contrôle pour que tu n'y vois que du feu... Je ne t'écoute plus et te réponds machinalement au moment où tu me fixes le prochain rendez- vous. Je n'ai désormais qu'une hâte: rentrer chez moi pour y dégueuler mes tripes!

25. 11. 2026

Encore sous le choc de cette rencontre dans ce lieu où les dés sont toujours pipés à l'avance, je me lâche « Au nom du pair »:

« Diable, quelle incertitude! Tapie dans l'Ombre Céleste, une clé de sol échaudée picole. Seul phare en son amnésie, l'Hermite aveugle s'éclipse mais beugle : « Lis tes râtures ! ». Ses vers dictent le verdict : « Là... Vois! Ca crée la Voix sacrée, même sa craie en décolle... ». En amont du Grand Tout, Lucifer s'attend à Mammon grâce à ton aval ô Littérature!

L'arc de Titus culbute belzébuth. Asmodée le sachant frauder lui soutient mordicus : « Quand il n'élude pas,il élide: si tu le désires, situe son désir là où il s'y tue... Motus! ». Pantois, un pair loquace lui réitère donc son nom : « Enfin, parle Etre Las... Sois ce - Nous- ! ». Par tous les transferts, pends- toi! Au « non » du Père, de face en fasse, la soie se noue...

Patience ! Allégorie flirte avec Fantasmagorie : hais- tu pour autant l'artisan de ta folie? Décernons d'ores et déjà ce titre à Belphégor et Léviathan, conquistadors à tes dépens... Malgré leurs corps- désaccords, la paire sait encore percer les fantasmes gores, s'y associe. Persée en fit aussi les frais sans ciller : toute mort devient un tant soit peu leur alliée, va- t- en ! »

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