Les ombres de maman

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Moi c’est Léo. J’ai huit ans et demi. Et je vois les ombres.

Pas les ombres normales, celles qui bougent quand on marche ou quand la lampe est allumée. Non. Moi je parle des vraies ombres. Celles qui restent collées aux grands, même quand ils dorment. Celles qui font pas de bruit, mais qui disent des trucs quand personne parle.

Maman, elle en a trois.

Y’en a une qui pleure tout bas dans son dos. Elle est toute petite, elle se cache. Je crois que c’est maman quand elle était petite. Elle tient un doudou et elle regarde partout comme si quelqu’un allait crier.

Y’en a une autre qui marche devant elle, toujours un peu trop vite. Des fois elle s’arrête d’un coup, et maman tombe un peu. Je crois que c’est une ombre qui veut décider à sa place. Elle fait comme si elle savait tout, mais elle fait pas toujours bien.

Et la dernière, elle vole. Elle a des ailes toutes froissées, comme mes dessins quand je les plie. Elle tourne autour de maman et elle lui chuchote des choses. Des choses que moi j’entends pas. Mais maman fronce les sourcils, alors je sais que c’est pas des trucs rigolos.

Quand j’ai dit ça à maman, elle a rigolé. Mais pas avec ses yeux.

Elle a dit : " Tu as trop d’imagination, mon cœur. "

Mais moi je sais que c’est vrai. Les enfants, ça ment pas. C’est juste que les grands, ils ont oublié comment on regarde.

Papa, lui, il a plus d’ombre. Juste une trace toute pâle, comme si on avait frotté trop fort avec une gomme. Je crois qu’il l’a perdue le jour où il a crié très fort.

À l’école, la maîtresse a un gros chien qui grogne sous son bureau. Souvent il dort mais mais quand on parle trop fort ça le réveille et il est pas content. Je l’ai dessiné une fois. Elle m’a envoyé chez le directeur.

Le directeur, lui, c’est bizarre. Derrière lui, y’a comme un mur. Pas un vrai mur, hein. Mais un truc qui bloque tout. Quand je parle, mes mots reviennent. Même les gentils. Même les “je suis désolé”. Ils tapent dessus et reviennent dans ma bouche. Ça fait comme un “non” tout le temps. Je crois que ce mur n’aime pas les enfants.

Moi, je crois que j’ai pas d’ombre. Ou alors elle est invisible. Ou elle dort. Je l’ai cherchée dans le miroir, sous mon lit, dans les flaques. Rien.

Mais des fois, quand je suis tout seul, je sens un truc derrière moi. C’est chaud. C’est doux. Ça fait pas peur. Ça parle pas. Mais ça écoute.

Peut-être que c’est ça, mon ombre.

Je sais pas pourquoi les grands ne veulent pas voir mais moi, je vois et je n’oublierai pas.

Sayari

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