Paris, 30 septembre 2015
Lucas regardait le rapport avec consternation : D'après les données entrées dans l'ordinateur, les résultats ressortis étaient édifiants. Dans moins de 2 siècles le sexe masculin ne sera plus. La faute à qui ? Aux pesticides et autres polluants provoquant une mutation génétique sur le chromosome Y.
La simulation avait été faite par le biais de deux programmes distincts et par deux laboratoires qui ne se connaissaient pas dans deux pays éloignés. Un aux États-Unis et un en Europe.
La réunion était dans moins d'une heure et il se demandait comment il allait annoncer cette réalité. Il imaginait aisément la presse à sensation matraquer son équipe et les détracteurs riant devant le ton alarmant de son discourt, disant que _par le passé, si on avait écouté la plupart des cris d'alarme le progrès ne serait pas et qu'entre le réchauffement climatique, la pollution, et le cancer, décidément c'est l'annonce de l'apocalypse._ Il serait accusé d'être du côté des écolos et compagnie.
Bien qu'il ne faisait partie d'aucune branche politique, il pensait que _quand même les écolos avaient raison de tirer la sonnette d'alarme_.
La porte du bureau s'ouvrit et Alicia apparut un grand sourire aux lèvres. D'ordinaire, il était charmé par l’éternelle bonne humeur de sa secrétaire, mais aujourd'hui il perçut ce sourire comme une insulte, une revanche sur l'avenir.
« La réunion va commencer, le PDG est en avance il doit partir pour New York dans l'après midi. » dit-elle de sa voix la plus enjouée.
« Merci, réussi-t-il à articuler. J'en ai pour une minute. »
Alicia fut étonnée par le regard froid et le ton plutôt sec de son patron. Il est vrai que le rapport qu'elle avait tapé et lui avait remis n'était pas des plus glorieux pour la gent masculine. Elle était plutôt peinée, car elle trouvait que Lucas était un homme moderne fervent défenseur de la parité. Elle aurait préféré donner ce rapport à Fabrice et lui clouer le bec avec ses regards éloquents et ses réflexions machistes. Cette pensée lui donnait presque envie de vivre deux siècles plus tard pour voir ce genre de spécimen en voie de disparition.
Lucas entra dans le bureau de réunion, Le PDG était déjà assis. Il discutait avec le responsable financier. Il salua les deux hommes puis s'assit à sa place. Il fut suivi par trois autres hommes, puis un groupe de retardataires. Le groupe enfin au complet, le PDG lança la réunion. Lucas regarda autour de lui.
Il remarqua avec ironie que seules deux femmes étaient présentes : la secrétaire du PDG et la chef comptable. Il repensa à son rapport et imagina la même réunion dans cent ans. Combien d'hommes seront présents contre combien de femmes ?
Il fut tiré de ses sombres pensées par la voix du PDG s'adressant à lui et par tous les regards braqués sur lui. Il but une gorgée d'eau pour s'éclaircir la voix puis distribua une copie de son rapport aux différents intervenants. Il leur laissa le temps de prendre connaissance de la nouvelle puis commenta :
« Comme vous pouvez le constater, les chiffres parlent d'eux-mêmes. »
Il regarda l'assemblée puis ajouta :
« Si nous n'alertons pas le gouvernement, le parlement européen et L'ONU, nous nous préparons à une triste réalité. Il est temps que les pouvoirs publiques et les grosses sociétés prennent conscience de l'ampleur des dégâts. »
« Votre rapport n'est-il pas quelque peu alarmiste ? » lança le directeur financier d’un ton pragmatique
avant de se tourner vers le PDG : « Imaginez les répercussions sur la population si un tel rapport était rendu public. »
Face aux signes de têtes de la plupart des collègues Lucas répliqua :
« Écoutez, ce rapport se base sur des données apparues déjà au début du siècle et datent de cinquante ans. Alors le public est déjà bien au courant, croyez moi. »
Le collègue qui était à sa droite intervint :
« Une partie du public : Ceux qui intéressent de près ou de loin à ce genre d'information. La plupart de nos contemporains vivent sans penser à ce qu'il se passera dans cent ans. »
« Ce n'est pas une raison pour fermer les yeux. » dit un autre se rageant de ce fait du côté de Lucas.
« Bien sûr, bien sûr, je suis tout à fait de votre avis, mais comprenez-moi. Votre rapport va jeter un trouble dans pas mal de société. » reprend l’homme à la droite de Lucas
« Je me fiche de jeter un trouble chez les entreprises responsables du désastre qui se prépare. Ce que je veux, c'est au contraire étudier les dispositions que nous pourrions prendre face à ce qui attendent les générations futures. Il s'agit la de la question de la survie de l'humanité. » martèle Lucas excédé par temps de complaisance. « Nous sommes en train de terra former mars, à quoi cela va-t-il nous servir si c'est pour n'y envoyer que des robots ? »
Le PDG regarda sa montre.
« Votre rapport est à prendre au sérieux Lucas. Mais avant d’aller plus loin, je propose de nous revoir dans 15 jours, le temps pour vos équipes de faire des propositions et d'affiner vos simulations. »
Il se leva, ce qui mit fin à la réunion.
Le regard de Lucas parcouru la salle. Certains de ses collègues semblaient avoir pris son rapport au sérieux et avaient l'air de réfléchir à ce qu'ils pourraient apporter comme suggestions pour faire pencher l'avenir dans le bon sens, tendis que d’autres quittaient la salle en disant :
« Deux cents ans, il peut s’en passer des choses »,
« Pas la peine de se prendre la tête maintenant. »
« D'ici-là, on ne sera plus de ce monde ! »
Il sortit de la salle après avoir repéré les collègues qui étaient de son côté et décida d’ignorer les autres. Il projeta de les contacter pour une réunion informelle afin de réfléchir de la marche à suivre..

Annotations