1999
Vous devez sûrement vous rappeler les sombres nuits de tempête où le vent hurle, où les éclairs pourfendent le ciel noirci et sans étoile, où les averses se déchainent contre les toits de nos maisons, comme celle de l’année 1999. Eh bien justement, cette année parlons-en, parlons de cette horrible nuit où tout a été ravagé, mais, juste avant, faisons un petit détour plus loin, bien plus loin dans le temps.
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En l’an 666, soit un peu plus d'un millénaire avant cette terrible catastrophe. En cette année au symbole du mal, un jeune du nom de Lebœuf : Clovis Lebœuf qui naquit le 26 décembre 666 sur les terres paysannes de l’ancienne Aquitaine. Cet enfant, désiré par ses parents fit au début leur bonheur, mais au fur et mesure de sa croissance, ses parents Loïc et Mira Lebœuf commencèrent à faire d’horribles cauchemars : et pas n’importe lesquels : dans ceux-ci, un feu noir et ardent les brûlait à commencer par les pieds, mais jamais, jamais au-delà. Ainsi, toutes les nuits durant, et ce pendant plus de dix ans : toutes les nuits leurs pieds brulaient. Et le pire dans tout ça, c’est qu’à chacun de leur réveil, ils avaient encore les pieds calcinés, mais lorsqu’ils sortirent de leur brouillard, tout avait disparu. Tout sauf dans leur pensée : croyant au début à une forme de possession, ils convoquèrent l’abbé de leur village, mais ce dernier refusa de les entendre : il leur donna pour seule consolation la Bible, disant que les mauvais rêves partiront par la prière.
Et la Bible, ils la lurent une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois et bout de la sixième, la Bible s’embrasa dans des flammes noires qui brulèrent par la même occasion leurs mains : l’instant d’après, comme recouvert par une sombre magie : plus de brûlures, mais surtout, plus de Bible. Cette nuit-là, des hurlements effroyables résonnaient, réveillant le jeune Clovis, maintenant âgé de 15 ans. Il se précipita subitement dans la chambre de ses parents et Clovis lut la peur sur leur visage. Il comprit alors qu’il devait les aider, et ce à n’importe quel prix : ses parents lui avaient donné vie et sa vie, il la leur devait. Sans attendre, Clovis partit loin à la recherche d’une potion, d’une magie ou peut-être pire encore : seule la rémission de ses parents comptait pour lui.
Ainsi, sous la bénédiction de ses parents, Clovis parcourut le territoire de l’ancienne France sur un canasson dans l’espoir de revenir assez tôt pour les délivrer de cette malédiction !
Les années passèrent et Clovis était maintenant devenu un jeune homme de 19 ans. Il avait durant plus de trois ans cherché un remède pour ses parents jusqu’au jour où, disons, un soir il tomba sur une ferme isolée de l’ancienne Bretagne. Clovis cravacha son cheval, car la nuit tombait rapidement, et espéra y trouver refuge. Il n’avait plus son canasson lors de son départ, d’ailleurs il eut de nombreuses montures, mais à chaque fois, celles-ci chutèrent comme précipitées vers la mort.
Clovis ne comprit pas qu’il se passait réellement, jusqu’au moment où il pénétra dans le terrain des Venix à qui appartenait cette ferme. Lorsqu’il arriva au grand galop devant l’entrée du portail, son cheval perdit soudain ses forces et s’écrasa en avant : l’animal venait de perdre la vie. Clovis, pourtant habitué à ce genre de manifestation, était troublé et l’instant d’après, un éclair venu de nulle part, foudroya ciel éclairant son visage : la couleur de ses yeux était devenue rouge sang ! Mais Clovis ne s’était jamais observé dans un miroir lorsque ses animaux chutaient : mais vous si ! Un deuxième foudroya, cette fois-ci, la terre et Clovis se releva en se dirigeant vers la ferme.
Lors de son passage dans l’enclos des bêtes, celles-ci le dévisageaient de leur regard animal et aucune d’entre elles n’osait bouger, toutes immobile comme des statues de cires. Clovis avança en ignorant ce qu’il leur provoquait et après son passage les animaux se remirent à bouger.
Poum, Poum, Poum !
Pour seule réponse, Clovis eut le flash de la foudre suivi de près par le son assommant du tonnerre, bruit qui le fit sursauter comme jamais. Et l’instant d’après la porte s’ouvrit par une force inconnue et Clovis fut comme aspiré par cette entrée. C’est ainsi que débuta la véritable histoire, ou, disons, l’horrible cauchemar de Clovis Lebœuf.
Précipité dans la demeure des Venix, Clovis se retrouva, sous l’étreinte de cordes invisibles, suspendu dans le vide de cet antre tout aussi vide. Plongé dans un profond sommeil, Clovis ne pouvait rêver : cela lui avait été comme supprimé par l’un des Venix, une famille aux mélanges dont nous allons nous passer d’en décrire la lignée.
Revenons donc à Clovis, à l’instant où s’ouvrirent ses yeux : et sous son regard ce n’est pas l’horreur qu’il vit, mais pire encore : une abomination de la nature au prénom imprononçable l’observait de son regard divergeant, appelons-le Frère Venix : Ce dernier avait tenté de rentrer dans l’Ordre des moines, mais en fut rejeté du fait de son origine considérée comme satanique. Quand Clovis croisa son regard, c’est à peine si le sien se referma.
D’un mouvement du bras, Frère Venix détacha le jeune de ses liens invisibles, mais Clovis ne s’écroula pas pour autant : non ! Il flottait vers Frère Venix qui lui tendit sa main difforme et lui saisit le visage ; précisément au niveau du menton ! Clovis grimaça de dégoût par le simple fait de sentir sa peau rugueuse sur la sienne le faisant presque vomir. Frère Venix s’en aperçut et, aussitôt, replaça son étreinte invisible. Puis, il referma son poing resserrant ainsi l’étreinte sur Clovis qui suffoqua comme prit d’un malaise subit.
Frère Venix partit en riant tout bas puis au fur et mesure qu’il s’enfonçait dans les ténèbres, son rire saccadé s’intensifiait : cette saccade réveilla en l’esprit de Clovis quelque chose de plus obscur, de plus noir et de plus bien sombre que tout ce qu’il pouvait imaginer.
Bien loin dans ses profonds méandres se cachait une chose d’une tout autre substance. Alors qu’elle remontait comme s’il elle glissait de manière inversée. Contre toute attente, les yeux de Clovis s’ouvrirent et le rouge réapparut et, cette fois-ci, un liquide s’écoula sous ses cernes. Clovis se métamorphosait d’une façon si répugnante qu’à l’instant où Frère Venix suivi de près d’un autre, dont nous allons passer le nom, et ce sans hésitation, arrivait caché sous une large capuche pourpre. Cette créature, dont moi narrateur ignore sa composition, se tenait face à Clovis à l’instant de sa transformation en quelque chose d’encore plus insidieux…
Mais passons cette horrible scène pour ne pas dire monstrueuse et revenons un petit moment après : ce moment où cette chose eut pris le corps de Clovis où une autre plus bien plus belle apparut : nimbée de chaleur, rayonnante presque magique, descendit soudain du celle détruisant le toit de cette ferme maléfique en soufflant toutes noirceurs en ces lieux.
Ainsi, d’un battement d’ailes, voletait au-dessus un Ange. Un Ange au nom purificateur de Michael : Saint Michael l’Archange posa ses mains de lumière sur la tête de Clovis et ce dernier se mit à briller : comme nimbé d’une aura magnifique, si puissante, qu’elle balaya instantanément le mal présent céans. L’Archange lui demanda de sa la voix la plus douce :
— Clovis Lebœuf, nous t’avons choisi, et ce depuis longtemps pour que cette bête entre dans ton corps pour pouvoir la purifier : maintenant, nous t’invitons soit à rejoindre le Paradis ou attendre que ton heure vienne : nous t’écoutons.
Clovis ne savait que répondre : il lui proposa à la place du Paradis simplement de sauver ses parents de leur malédiction. L’Archange ferma ses paupières :
— Maintenant que nous avons accepté ta requête, n’oublie cette pas cette parole : un jour viendra où une famille bienheureuse aura besoin de toi, dans un futur très longtemps, à la même date que ton anniversaire : maintenant pars rejoindre les tiens et surtout n’oublie pas.
***
Reprenons donc à cette nuit de l’année 1999 où, sur une route perdue dans le département des Landes, une camionnette roulait au pas. À l’intérieur, Jean-Claude tenait son volant avec force tant son véhicule était poussé par la tempête. Au-dehors les arbres chutèrent les uns sur les autres dans le noir omniprésent de cette terrible nuit. Puis, comme guidé par une lumière, Jean-Claude : il vit au loin une maison emprise par des flammes et il s’y dirigea vers elle, espérant qu’elle soit vide. Durant son trajet, Jean-Claude se rappela la vieille légende que lui avait racontée son père et avant lui son grand-père et avant le père de son grand-père... Sans attendre, Jean-Claude brava les éléments, pour aller vérifier si cette histoire été vraie et, contre toute attente, un miracle apparut pour une petite famille priant le seigneur pour qu’il vienne les aider, en tentant de se protéger du vent, des flammes et du froid. En cette nuit du 26 décembre, cette famille vécut un véritable cauchemar venu du fond des âges. Mais un miracle survint et celui-ci avait un nom : Jean-Claude Lebœuf.
FIN
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