Narcisse

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Je me suis sentie belle, je crois, quelques fois, lorsque tes yeux se posaient sur moi. C'est vrai, lorsqu'ils pétillaient d'intensité, de désirs, de soupirs. Oui, j'ai dû, à certaines reprises, me sentir jolie à travers l'émeraude scintillant de tes iris. J'ignore si cela a duré longtemps, en réalité, je pense que non. Peut-être lors de nos débuts, lorsque tes mains me caressaient avec félicité. Probablement que ta sincérité était vraie à cette période, que tes doigts m'aimaient avec tendresse, que ton corps me chérissait avec passion. En y repensant, si rares ont été ces moments de béatitude, si rares...

Ton sourire enjôleur est devenu carnassier, jusqu'à ce que dans tes yeux, la folie transparaisse. Je me rappelle, si bien, trop bien, de l'instant où les événements ont changés. Tes mains ont serré, tes doigts se sont crispés et autour de mon cou, les zébrures violacées de ta jalousie sont apparues. Comme une porte ouverte, sur un monde enflammé, je t'ai détesté, je me suis haïe de t'aimer si fort, si puissamment, si mal finalement. Enfin, Narcisse, dans ton regard, je l'ai aperçue, ta brutalité.

J'ai aimé la vie, sûrement, à tes côtés, lorsque la pulpe de tes doigts retraçait sans perversité, la courbe de mes hanches. Oui, je crois que j'ai aimé vivre pour toi, pour moi, pour nos baisers enflammés, nos soupirs murmurés lors d'une étreinte passionnée. Entre nos corps, un simple courant d'air, pour que frissonnent nos peaux à l'unisson, une douce caresse pour souffler les plaisirs de notre amour. Je crois, que j'ai aimé vivre pour nos moments de tendresse, jusqu'à ce que ta mâchoire se contracte pour grincer les ignominies de ta démence autoritaire.

Il me semble, que lors d'une nuit sans étoile, tu as dit m'aimer. Peut-être, l'ai-je imaginé ? Ce petit chuchotement lors de ta jouissance, les lèvres collées contre mon cou, était-il le fruit de mon désir pour toi ? Celui de ton cœur, de ton âme, plus que celui de ton corps compressé contre ma poitrine chauffée à blanc par ta peau incandescente. Ai-je été jusqu'à imaginer entendre ta voix lorsqu'en moi, ton plaisir explosait ? Comment pourrais-je le savoir, puisque jamais, non jamais, tu les as prononcés à nouveau.

Entre les bribes de nos souvenirs, j'entrevois la méchanceté de tes mots. Comme matérialisée face à moi, cette passion assassine, blessant mon cœur de ta voix meurtrière. Plus que tes doigts brutaux, tes paroles cinglantes qui, à chaque cri ont abîmé mon âme. À toi, c'est ce que tu voulais. Que je t'appartienne, comme propriété intouchable. Mon amour était tien, l'est encore, probablement, portant ton nom comme fardeau putride. Oui, à toi, je le suis depuis le premier regard dont tu m'as honorée.

Ta peau pâle me fascine. Comment peut-elle être si blanche lorsque la mienne est marbrée de stries colorées et douloureuses ? Comment tes yeux peuvent être si verts lorsque les miens laissent s'échapper ma peine, celle causée par ton acharnement revanchard et incompréhensible. Comment, avec ma dévotion à ton égard, as-tu pu songer que leurs regards, posés sur moi, pouvaient me faire désirer d'autres mains, d'autres baisers ? Pourquoi, dis-moi, Narcisse chéri, voudrais-je que les doigts d'inconnus se baladent sur moi lorsque seuls les tiens comptent pour mon cœur amoureux ?
C'est vrai, je les ai observés également, j'ai plongé mes iris dans leurs regards envieux, leurs yeux désireux. Pas par plaisir, comme tu as pu le penser, simplement pour constater que ta beauté illuminée est incomparable à leurs jolis minois, pourtant ternes et fades dans un monde gris et sombre, pour moi.

Ton amour, si cela peut-être nommé ainsi, est ravageur pour mon cœur épris de tes bras. C'est vrai, oui, ton plaisir est devenu insoutenable pour moi, lorsque tu as décidé de me faire prisonnière de ta folie nourrie par la jalousie. Des années, cela fait de nombreuses années que mon esprit est lié au tien, que mon âme survit pour la tienne, bien que, tu t'évertues à me briser, toujours plus fort, toujours plus douloureusement.

Te souviens-tu, mon Narcisse chéri, de la première fois où ta poigne m'a blessée ? Nous étions enlacés, je crois que mon cœur a sursauté une demi-seconde avant que tes caresses ne deviennent un supplice, comme si, dans ton regard, un éclair fugace m'avait menacé. Puis, mon souffle s'est coupé, sous tes doigts compressés autour de ma gorge ; ma peau a rougi, pour finalement bleuir et enfin, lorsque mes mains ont relâché leur pression dans ton dos, tu m'as laissée respirer à nouveau. Mon aimé, cette nuit-là, jamais je ne l'oublierai.

Lors de nos ébats nocturnes, je crierai ton nom, encore un peu, encore une fois, encore et toujours pour que dans le sillon de notre passion empoisonnée, l'amour survive. Je le sais, ce n'est pas bien, de s'aimer ainsi. De mes yeux, je le vois, ce nuage nocif et empestant de désespoir qui rode autour de nos corps dévêtus ; mais lorsque tes caresses m'apaisent, me murmurent ce que tu ne parviens pas à dire, ma rancœur s'amoindrit, se meurt même, parfois, lorsque tes lèvres se meuvent contre les miennes.

Ton autorité est la dague sanglante qui causera ma perte, mon amour est le pansement qui recouvrira toutes les plaies que tu as laissé sur ma peau. C'est probablement une idée stupide, mais comment pourrai-je choisir de vivre sans l'émeraude, souvent dément, qui resplendit dans tes iris ? Dans mes rêves, j'ai dessiné un monde, dans lequel tes lèvres ne me punissent pas, tes doigts ne me maltraitent plus, ton membre ne me brutalise jamais. Oui, une petite parcelle de bonheur que j'atteins lorsque le sommeil me gagne. La jouissance en est que plus agréable, lorsque, sous mes paupières closes, tu m'aimes comme au premier jour.

Je crois, que dans tes yeux, je me suis sentie belle, parfois, avant que mon corps devienne le terrain de jeu de tes pulsions brutales. Je dois admettre, souvent, ton insistance m'étouffe, la douleur m'oppresse, la souffrance me brise, mais mon cœur t'aime encore, autant qu'il te déteste. C'est paradoxal, n'est-ce pas ? Je t'aime comme une furie, folle, autant que toi, probablement ; je te déteste comme une douce mélodie qui entête et agace, de celle qu'on écoute une fois, et qui ne quitte jamais l'esprit, jusqu'à nous rendre malade.

J'aimerais comprendre, comment peux-tu, parfois, entre nos draps, m'aimer comme ça ? Comment parviens-tu, la nuit, lorsque resplendit la lune, à me faire sentir femme encore et encore ? Sans fin, sont tes étreintes lorsque la nuit apparaît, sans pitié est ton regard lorsque le soleil se lève. Comment, dans notre lit, peux-tu à ce point, te montrer sous un genre nouveau ? Dans ces moments, je crois, que je ne te déteste pas. Après tout, c'est moi que je hais, pas toi, mon Narcisse chéri. Je me hais de ne pas parvenir à mourir sous tes poings, de ne pas succomber à cet amour qui tue pourtant mon âme ; je me hais de ne pas me résoudre à te quitter.
Et toi, ma jolie fleur aux pétales d'or, te sens-tu homme, lorsque les larmes, s'égouttent, s'égouttent et s'égouttent encore ?
Réponds-moi.

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