Je ne l'ai jamais vu saigner
Lettre écrite à une inconnue, retrouvée dans un tiroir fermé à clé.
Je te parle parce que je n’ai plus personne à qui mentir. Ni à qui parler vraiment.
Je ne suis pas le monstre qu’ils décrivent. Pas celui que les corps sans vie ont désigné.
Je suis innocent.
Tu crois aux fantômes ?
Moi, j’en ai rencontré un, le soir où tout a basculé.
Pas un fantôme blanc et flou, non. Un fantôme vif, avec ma peau.
Il m’a chuchoté des choses terribles. Des secrets qui ne doivent pas sortir d’ici.
Ils ont dit que j’avais volé.
Que j’avais trahi.
Que j’avais tué.
Ils avaient tort.
Je ne peux pas tuer ce qui est déjà mort.
Je ne peux pas trahir ce qui ne m’a jamais appartenu.
Mais la vérité, la vraie, c’est que le fantôme… c’est moi.
Je me regarde agir, impuissant.
J’entends mes propres mensonges.
Je vois la trace de mes doigts sur le cou d’une autre.
Mais c’est un autre moi. Un moi qui vit dans le miroir quand je ferme les yeux.
Un moi qui joue à la folie et dévore tout sur son passage.
Je ne suis pas coupable.
Je suis victime d’un dédoublement.
D’une fracture dans mon esprit, comme un verre brisé que je ne peux recoller.
Je n’ai jamais levé la main.
Mais il y a des nuits où je me réveille couvert de sang.
Sans savoir pourquoi.
Peut-être que la folie n’est pas dans ma tête.
Peut-être qu’elle est sous ma peau.
Un parasite, un poison invisible.
Tu peux me croire ou pas.
Mais demain, ils viendront me chercher à nouveau.
Pour un crime que je jure ne pas avoir commis.
Tu sais, parfois, on porte des masques si longtemps qu’on ne sait plus qui est derrière.
Moi, je crois que mon masque a pris vie.
Post-scriptum, griffonné à la fin :
"Si tu lis ça, ne me crois jamais. Ou alors, prépare-toi à voir ce que je refuse de voir."

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