Point de non-retour

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Ce texte à servi de texte d'introduction à un personnage que j'ai créer pour un univers fictif.

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Il pleuvait ce soir-là. Éreintée par sa journée, Malizia s’était rendue à la taverne la plus

proche. Son dernier contrat lui avait mis le bourdon. Déguiser un breuvage pour en faire

un philtre d’amour, voilà ce qu’on lui avait demandé. Encore. Rien de novateur, rien

d’ambitieux. Juste emprisonner un être dans la condition qui avait été déterminée pour

lui. Du déjà-vu, fait et refait. Aucune imagination.

C’est les épaules affaissées qu’elle avait poussé la porte de l’auberge dans laquelle elle

logeait en ce moment. Sans grande conviction, ses pas l’avaient menée jusqu’au

comptoir.

— Bonsoir Gérard, avait-elle soupiré, ton plat du jour avec ce que tu appelles un mélange

de saveurs.

— Bien l’bonsoir ma p’tite ! lui avait répondu le tenancier. J’te fais ça tout’ suite !

Malizia paya son dû et alla s’asseoir à une table. Ses chaussures détrempées couinaient

à chaque pas, comme une supplique. « Quelle misère », pensa-t-elle en s’affalant sur la

chaise. La jeune femme pencha la tête en arrière en soupirant. Ses cheveux lui collaient

au visage, ruisselant sur ses joues et son cou. Son chapeau gouttait par terre, et ses

chaussures étaient à deux doigts de rendre l’âme. Rien n’allait.

Et pour couronner le tout, ses contrats la lassaient à en perdre le goût du métier... Un

grondement sourd se fit entendre. L’orage semblait se rapprocher. Le tambourinement de

la pluie se fit plus intense. « J’espère que ça s’arrêtera à mon départ, marmonna la

demoiselle pour elle-même, pas envie de repartir sous la flotte. » Malizia souffla du nez,

excédée.

— Eh ben, questionna une voix un peu bourrue, qu’est-ce qui t’met autant l’cafard, ma

p’tite ?

Ouvrant un œil, la jeune femme aperçut Gérard, le tenancier. Il tenait sa commande dans

ses bras : un plat fumant, une miche de pain dans une main, un verre plein dans l’autre.

— Toujours le même menu, hein Gérard ? ricana sombrement la demoiselle.

— Si ça t’vas pas, j’peux l’ramener dans la cuisine.

Malizia se redressa, consciente d’être allée trop loin.

— Nan, nan, répliqua-t-elle plus doucement, c’est bon, je prends.

— Haha, ria le tenancier, d’t’façon t’as payé ! Et puis j’aime pas laisser mes clients le

ventre vide.

Gérard déposa la pitance sur la table. La jeune femme s’empara de la miche de pain

qu’elle rompit. De la vapeur s’échappa de la boule : il venait de sortir du four. Voyant qu’il

ne bougeait pas, la demoiselle releva la tête.

— Oui ? demanda-t-elle.

Le gérant de l’auberge se gratta le dessus de sa tête dégarnie, il semblait chercher ses

mots.

— Ben, t’es là depuis un p’tit moment maintenant, commença-t-il, et… ben je me fais du

souci, quoi. T’es presque une habituée, t’sais. Et les habitués, on en prend soin.

Un demi-sourire fendit les lèvres de Malizia. Cette petite auberge, perdue entre deux

villes, ne devait pas voir passer tant de personnes. Alors, des voyageurs s’arrêtant

régulièrement, c’était forcément des habitués. La jeune femme balaya la salle du regard,

puis reporta son attention sur le tenancier.

— Ne t’en fais pas Gérard, répondit la demoiselle, se voulant rassurante, ce n’est qu’une

mauvaise journée.

— D’accord, d’accord, répondit l’aubergiste, résigné, comprenant qu’il n’aurait pas plus

d’informations. Eh ben… hésite pas à me dire si ça te convient, hein.

Le gérant tourna les talons et s’élança vers son bar. Malizia attendit qu’il soit

suffisamment loin pour fouiller dans sa sacoche. Elle en sortit deux fioles qu’elle posa sur

la table. La demoiselle s’empara de l’une d’elles et se servit quelques gouttes dans son

breuvage. Puis, elle prit la deuxième et versa un filet de son contenu dans sa boisson

avant de prendre sa fourchette pour mélanger le tout. Avant de reposer son ustensile, la

jeune femme prit soin de l’essuyer. Enfin, Malizia saisit le gobelet qui lui avait été apporté

et le porta à sa bouche. Un soupir d’aisance s’échappa de ses lèvres. « Rien de tel qu’un

bon mélange pour me consoler », pensa la demoiselle.

Empoignant sa serviette pour la poser sur ses genoux, la jeune femme commença à

manger sa pitance, cette fois avec appétit. L’orage sembla s’intensifier. Malizia eut un

frisson et la mauvaise impression que le vent était venu lui chatouiller le visage jusque

dans l’auberge. Relevant doucement la tête, la jeune femme put s’apercevoir que ce

n’était pas une impression. Une personne venait de faire irruption dans la salle. Aussi

trempée que l’avait été la demoiselle à son arrivée, l’inconnu releva vite le capuchon de

sa cape.

— Quel temps, mais quel temps ! s’exclama-t-il. Jamais je m’y ferai.

C’était un homme de petite carrure, sans signe distinctif apparent, mis à part son écharpe

rouge qui lui couvrait le cou. Elle était sacrément bouffante et lui faisait le cou d’un

taureau.

— Oh là, l’ami, s’écria Gérard, qu’est-ce qui vous f’rait plaisir ?

— Une bière et un repas bien chaud, répondit l’étranger, semblant enthousiaste. Avec ce

temps-là, c’est tout ce que je veux.

Malizia ne prêta pas plus attention à eux et retourna à son assiette. Commençant enfin à

se réchauffer, elle n’avait qu’une hâte : finir son assiette et se changer pour aller se

reposer. La chaleur d’un lit, ainsi que la sensation d’un pyjama bien sec, c’était là ce qui

lui faisait le plus envie.

— Malizia Vinisfera ?

Sortant de ses douces rêveries sentant le coton, la demoiselle releva la tête. C’était le

nouvel arrivant qui lui avait adressé la parole. Avant même de lui répondre, elle prit bien

soin de s’essuyer la bouche et de finir sa bouchée.

— Si c’est pour un contrat, j’ai fini ma journée, lui dit-elle, catégorique.

— Oh non, s’exclama le voyageur en agitant les mains devant lui, j’ai simplement une

lettre pour vous.

À ces mots, il fourra la main dans sa besace et en sortit un morceau de papier, plié sur lui

même, qu’il lui tendit. Dubitative, Malizia le regarda d’un air soupçonneux, puis s’empara

de la lettre. C’était bien son nom inscrit dessus, et l’écriture lui était familière.

— Comment avez-vous su que je me trouvais ici ? demanda-t-elle en levant son regard

vers l’inconnu.

— Madame, sourit son interlocuteur, un messager ne révèle jamais ses secrets.

La jeune femme reporta bien vite son attention sur la lettre. En la retournant pour l’ouvrir,

elle s’aperçut du sceau qui cachetait le papier. Son cœur se serra. Il représentait un

homme avec une chope en forme de rose.

— Fernando, murmura-t-elle.

Malizia releva la tête en direction du messager, qui s’en allait déjà vers le comptoir.

— Attendez ! l’interpella-t-elle. Cette lettre, qui vous l’a donnée ?

— Oh, c’est une personne qui revenait d’expédition d’Orya, lui répondit l’inconnu. Enfin,

à ce qu’on m’a dit. Je suis la troisième personne à avoir eu cette lettre en main. Nous ne

traversons pas l’entièreté des terres à nous tout seuls. Vous savez…

Elle ne l’écoutait plus. Malizia avait déjà dépliée le morceau de papier et le lisait

avidement. Ses yeux allaient de ligne en ligne à une vitesse folle, son expression

changeait peu à peu, un sourire naissant sur ses lèvres.

« Alors tu me laisses l’Amandé ? Revenir au pays... Jamais je n’aurais cru vouloir le faire. »

C’est en quelques bouchées que la jeune femme finit son assiette. Elle s’empara de ses

affaires ainsi que de ses couverts. En passant à côté du bar, elle déposa tous ses

ustensiles sur le comptoir.

— Eh ben, lança Gérard, c’tait une bonne nouvelle ?

— Plutôt oui, lui sourit-elle, rayonnante, je retourne chez moi !

Et alors que ses talons la faisaient pivoter pour prendre la direction des escaliers et

rejoindre sa chambre, le messager l’interrompit.

— Rassurez-moi, vous ne parlez pas d’Orya quand même ?

Malizia se retourna en direction de l’inconnu. Sa voix grave ressemblait à une mise en

garde, comme si elle avait fait une mauvaise blague.

— C’est tout à fait d’Orya dont je parle, lui répondit-elle d’un ton calme mais ferme, de

Rosis plus précisément.

Le messager toussa, manquant de peu d’avaler de travers. La jeune femme le regarda en

biais, ne comprenant pas bien où ce voyageur voulait en venir.

— Vous… reprit-il en se raclant la gorge, n’allez pas me faire croire que vous n’êtes pas au

courant ?

— Au courant de quoi ? le ton de la jeune femme était plus sec qu’elle ne le souhaitait.

—Les terres d’Orya sont de plus en plus hostile, il y est très difficile d’y survivre et son

instabilité ne fait que croitre.

Ces tombèrent comme des pierres dans son ventre. « Cela voudrait dire que je ne pourrais

pas y retourner ? »

—Non... S’entendit-elle dire.

Le messager finit sa coupe d’une traite, le visage crispé. En reposant il se massa les

tempes, puis enchaina.

—Mais attendez, vous ne suivez pas ce qui se passe ? Dans sa bouche cela semblait

comme une évidence, tout le monde en parlait. Les tremblements de terre, les créatures

qui deviennent de plus en plus féroce dans nos contrées… Ne me dites pas que vous

n’avez pas relever tout cela.

—C’plutôt calme par ici, intervint doucement Gérard, à vr’dire on a d’la chance d’être

entr’deux villes.

Le tenancier avait raison, malgré l’instabilité du temps ces derniers mois, c’était quelques

choses qui ne l’avaient pas trop préoccupée. Au fil de ses voyages, elle ne s’était plus trop

posée la question. La demoiselle était trop obnubilée par ses contrats qui ne la faisait

plus vibrer, ce manque cruel d’imagination, ces gens qui demandes souvent la même

chose…

Malizia devient blême, ses mains se crispèrent sur ses affaires, blanchissant ses

phalanges. Sa ville, sa terre natale, tout ceux qu’elle a connus… « Alors ils vont mourir

avant que je puisse les revoir ? »

—C’est pas possible… souffla-t-elle

Le messager soupira bruyamment, presque touché par la réaction de la jeune femme.

—Désolée madame, commença-t-il mais de ce qui se dit dans les foires, c’est que les

jours d’Orya sont comptées. Et vu que le temps y passe différemment...

Une nouvelle fois Malizia ne l’entendit pas, vidée elle bredouilla un « Je.. J’ai compris. » et

s’en alla en direction des chambres, ses semelles lourdes comme du plomb. En gravant

les escaliers, elle entendit la voix de l’aubergiste dire doucement à l’attention du

voyageur.

—J’crois qu’elle avait pas b’soin de ça, p’tit gars.

Elle ouvrit la porte de sa chambre, s’y engouffra. Seul le son de la pluie lui revenait aux

oreilles, à présent. La lettre en main, froissée par la nouvelle, elle ferma le verrou à double

tour, espérant pouvoir échapper à ce monde qui s’écroulait.

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