Un incident diplomatique

6 minutes de lecture

*Pardon pour le défi, je suis presque hors sujet, car partie dans mon trip de jardinière !

— Vous ! Allez-y !

— Qui ? Moi ? eructé-je, frappé de stupeur.

— Oui, vous ! Vous voyez bien que l'ambassadeur Alfredo ne sera pas en état ?!

Il prononce ces mots, forçant sa voix par dessus celle, suppliante, de celui qui il y a encore une heure fanfaronnait en goutant le « ɔᴉuǝsɹɐ,ן ɐ ƃuᴉppnd » vénusien déposé dans la pièce à notre attention. Je glisse un regard sur l'homme et c'est le moment qu'il choisit pour vomir une substance verdâtre fluo rappelant le sable fin d'un bord de mer terrestre.

Les hommes de la pièce font tous un pas en arrière. Certains parviennent à masquer leur dégout, helas, je suis sûr que le mien se lit sur mon visage dans toutes les langues des univers.

Cinq paires d'yeux me fixent quand mon patron m'annonce avec autorité.

— Vous. C'est décidé, vous qui irez à sa place !

La tension dans son regard et le ton qu'il emploie ne me laissent pas le choix. C'est bien ma veine, tiens. Est-ce ma faute si l'ambassadeur veut goûter tout ce qui lui ai présenté ? Crétin.

Quand ils ont déposé ce drôle de présentoir dans notre loge, nul autre que lui n'a eu d'élan de gourmandise. Cet amas géant, gélatineux ne pouvait donner envie qu'à cet imbécile boulimique d'Alfredo.

En quelques minutes, tous s'affairent autour de moi. Une cravate m'est nouée autour du cou, mais elle flotte, m'obligeant à secouer la tête afin de la décaler pour garder un contact visuel avec l' homme qui me répète des consignes à la manière d'une mitraillette. Un autre fait les cent pas au téléonde, tandis que mon patron me tourne le dos, préferant admirer la vue intergalactique plûtot qu'assumer sa décision en croisant ma mine déconfite.

— Patron ? interroge un des hommes. Il n'a pas de lest'cravate, nous devons prendre celle de l'ambassadeur.

— Faites !

En moins d'une minute, l'homme fouille dans le veston de Monsieur Alfredo. Quand il en ressort sa main, la cravate de ce dernier flotte en apesenteur. Cette vision m'arrache un sourire. Le système du sol aimanté a été mis en place pour les humains et d'autres espaciens, afin de permettre l'illusion d'une gravité. Illusion parfaite qui nous ferait presque oublier où nous sommes. Presque. Je sais que dès notre retour en cabine, tout ceci ne sera plus.

On me remet un dossier entre les mains, plusieurs voix stressées me lancent tour à tour leurs consignes. Le coeur battant, le bourdonnement de mes oreilles, tout mon corps m'empêche de les entendre.

Soudain, la panique s'empare de tous, lorsque Monsieur Alfredo râle, les yeux injectés de sang.

En moins de temps qu'il faut pour le dire, on me pousse au pied d'une scène. Mon aero-stabilisateur est bien en place et fonctionne, pourtant, c'est comme si l'air était irrespirable. Par petites goulées, je tache de calmer la houle en moi. Un regard sur les parametres m'indique que les pourcentages sont corrects et me rassure : seul le stress me fait suffoquer.

Au dessus de moi, une personne, que dis-je une créature, présente les siens. Le peuple URKHI, reconnaissable entre tous, communique en sons rappelant ceux des violons. Mon traducteur lui donne la voix d'un acteur des années 2200 et le contraste avec la sienne, si aïgue, me fait rire. En tournant la tête, je croise le regard réprobateur de mon patron, qui secoue la main, m'incitant j'imagine, à cesser mes ricanements.

Je prends sur moi et écoute la conférence, aussi studieux qu'il m'est possible quand ce poulpe suant du bleu parle de ses organes reproducteurs situés entre ses yeux.

Je deteste ces salons intergalactiques. Beaucoup vous diraient combien j'ai eu de chance d'être séléctonné cette année, mais je ne pense pas comme eux. Le reglage de drones est mon creneau, et me voici vice-ambassadeur, de la terre. Quelle poisse.

Mon dossier en main, je l'ouvre pour inspecter son contenu. Une multitude de feuillets. Le thème, séjour immersion comme un terrien. Circuits dédiés. Transposition holographique premier choix, traducteur instantané. tout. Une partie, sur un feuillet bluetooth, sera lu par Patric-IA, l'IA personnelle d'Alfredo. Et moi, d'annoncer les parties.

Pas si difficile finalement, me rassuré-je.

Je m'avance enfin. Le cadran au dessus de moi indique la fin du discours précedent dans 70 000 resolutions. Le temps quantique est toujours impressionnant pour un terrien, même de mon âge. Mon bracelet terrestre, lui, convertit le tout. 4 min 12. Voilà qui est plus clair !

Face à moi, des milliers de loges.

L'ambassadeur Alfredo est d'un naturel loquace. Cet homme adore parler et s'entendre parler et pour une fois, ces heures à l'écouter vont me servir, car me reviennent toutes les choses qu'il a pu me confier. En haut, j'aperçois les representants d'une planète que nous humains avons nommé « The Goblins ». Alfredo disaient qu'ils représentaient à eux seuls la notion quantique de l'infiniment petit. Ce que je vois d'eux d'où je me trouve, n'est qu'une représentation holographique X un million. Peut-être milliard ? J'ai un doute...

Interroger LIAna n'etait pas la meilleure des idées. La voici qui déblatère. Je dois assumer, mes nuits en solitaire lui ont appris à me parler toujours plus.

Oui, LIAna, la représentation holographique a été utilisée pour permettre aux peuplades spectrales d'être visibles. Oui, le système solaire n'est qu'un atome présent dans un grain de litière de chat cosmique selon une série satyrique du Moyen-ère. Oui, il n'y a pas d'atmosphère respirable sur le salon. En clair, chaque peuplade peut se côtoyer sans se blesser.

Ok, tu vas la fermer LIAna !

C'est mon tour. En Urkhi, Terre se prononce comme une porte qui grince, c'est déroutant.

En haut de la scène, il fait froid et une impression de vide me happe. La salle est immense et je me sens si petit.

Dans un raclement de gorge pour me redonner contenance, je me redresse, mais constate la curiosité des spectateurs pour quelque chose derrière moi.

L'écran diffuse une traduction multi sensorielle et linguistique.

Actuellement, il traduit mon raclement de gorge. Dans ma langue, j'y lis : « le terrien utilise ce son pour se donner du courage, attirer l'attention, ou désigner un élément important - pas de danger- ». Résonnent dans la pièce des multitudes de grognements, mon public tente de reproduire ce qu'il ont entendu, en vain.

— Peuplades intergalactiques, lis-je. La Terre est fière de ...

Le stress, les mains moites et c'est le drame, en moins d'une minute, ma sueur a impregné les feuilles et elles m'échappent.

Accroupi à les ramasser et tenter de les reclasser, je peste, avant de me souvenir que tout est traduit.

L'humour, ce trésor précieux, connu de nous humain ... et des plutonniens semblerait-il, qui s'esclaffent à leur manière, très bruyante. Les autres patientent, dubitatifs. Ils n'ont pas compris.

Ennuyé, je sollicite mon IA, mais, vexée, elle me répond d'un cinglant, "tu te démerdes". Note à moi même, toujours rester poli avec son IA.

Mes feuillets ont touché le sol magnétique, et les écritures flanchent. Elles vont, viennent, se rassemblent et s'éloignent, clignotent par intermittance. Illisibles.

De grosses gouttes de sueurs sur les tempes, je pense qu'il est temps de trouver une échappatoire à ce malaise naissant :

— Je suis désolé... Je ne suis que le remplaçant de l'ambassadeur terrien. Il est malade, parce qu'il a croqué dans le gateau vénusien, vous me comprenez ?

Incertain d'avoir été compris je continue.

— Un Gateau, singé-je de mes mains, Bleu, jaune, ils ont appelé ça « ɔᴉuǝsɹɐ,ן ɐ ƃuᴉppnd ». Il nous a été livrée et l'ambassadeur a coupé trois parts, puis ...

Les aliens parlent entre eux ? Des sons et des voix s'élèvent, mais trop de cacophonie pour que mon traducteur ne m'aide.

— Il est malade, vous comprenez, insisté-je.

Quelque chose ne va pas, tout le monde présent s'agite, des grognements montent. Je sens mon coeur battre à tout rompre quand je comprends ce que l'humanité, par la representation de l'ambassadeur Alfredo, vient de faire ....

Du devant de la scène s'élève une voix et mon traducteur de m'annoncer :

— Stupides humains ! Ils ont mangé l'ambassadeur de Venus !

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