PARTIE II

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La clarté du crépuscule réchauffait l’habitacle de la voiture. Cette lumière plaisait à Ève qui s’amusait à donner des pointes d’accélérations puis à freiner brusquement quand rien ne gênait sa ligne droite. Elle ressentait enfin ce que cela faisait de conduire sur de longues routes, de passer de villages en villages sans jamais s’y arrêter. L’écharpe pelotait sur la place passager, elle n’avait plus besoin de dissimuler son visage, et profitait du vent qui s’engouffrait dans ses cheveux. Demain elle serait sans doute malade mais pour l’instant elle parcourait des kilomètres musique à fond. Elle cria pendant trois minutes le peu de paroles qui n’était pas brouillées par la radio, et quand la musique qui s’échappait des enceintes n’était que grésillements elle éclata de rire: elle était libre.

De moins en moins de voitures roulaient à ses côtés, les rayons s’abaissaient de plus en plus, cela faisait longtemps qu’Ève était parti de chez elle. Hier encore, elle était une espionne qui devait s’emparer de documents confidentiels. À cette heure-ci aussi elle aurait dût être maquillée, habillée dans un bureau reconstitué en trois pans de murs dans le studio, et se tenir prête à jouer ses répliques. Mais ce matin avant même que le jour se lève, à la lecture d’un courrier, qu’elle avait retrouvé glissé sous la porte de son appartement, ses plans avaient changés. La première chose qu’elle fit fut d’éteindre son téléphone. Elle ne savait pas si c’était en jours ou en semaines qu’elle devait compter le temps où elle allait quitter son rôle, mais pendant toute cette période elle ne voulait plus en entendre parler. Seulement un message avertissait le producteur: « Besoin de prendre du repos. Pas besoin de me recontacter, je dirais quand je serais prête à continuer. » Ce n’était pas dans ses habitudes de fuir en plein tournage, mais elle n’était pas assez naïve pour penser qu’il n’y aurait pas de conséquences si elle y retournait. Et puis d’après ce qu’elle avait vu sur les journaux tout le monde était au courant de la nouvelle qui l’avait poussée à prendre ce chemin.

L’euphorie qu’elle éprouvait se dissipa au même rythme que le soleil se couchait. Un caprice enfantin l’incitait à continuer sa route, mais son ventre se creusait sous l’insistance de la faim. La voiture tourna à la première sortit qu’elle croisa et s’engouffra dans un champ. Le sentier recouvert d’une boue qui collait aux roues se prolongeait sur cinq cents mètres, après quoi il y avait une petite bâtisse faite de pierres blanches au milieu de ce qui semblait être un jardin. Ève décida d’aller voir si des chambres étaient encore libres. Elle boutonna son manteau de grosse laine jusqu’au cou et enveloppa son visage dans l’écharpe beige qui l’empêchait de respirer.

Une petite cloche accrochée au dessus de la porte de la réception avertit de son entrée.

« Bonjour. » La vieille dame qui l’accueillit était avachie sur une chaise derrière une planche qui servait de comptoir, la tête baissée sur un quotidien.

« Je peux vous aider ?

- Oui, je voudrais une chambre pour cette nuit. »

L’hôtesse abandonna sa lecture pour tourner les pages jaunies d’un agenda avant de répondre qu’une chambre était disponible.

« Numéro 43. » Les clefs retombèrent sur le comptoir.

« Merci. » Ève attendait sans doute qu’on lui montre où se trouvait la chambre 43, mais la femme ne leva pas les yeux, et dès qu’Ève sut l’objet de son attention, elle tourna les talons.

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