Bris'Rhak

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Bris’Rhak travaillait le champ près de l’océan, du côté Est de l’île Principale. Il aimait y faire pousser des herbes médicinales pour Cirla, la chamane. Elle disait que cela apportait un bon petit goût salé à ses décoctions. Le puissant guerrier se redressa, les mains sur le bas du dos, grimaçant de douleur. Il détestait labourer. Un bon exercice toutefois pour se maintenir en forme. Il inspira longuement, essuyant la sueur de son visage. Le soleil serait bientôt trop haut pour continuer à travailler. Le sac et le ressac des flots contre les falaises martelaient son cœur comme les souvenirs qui s’imposaient malgré lui. Les nuages matinaux s’effilochaient sur le sommet du volcan éteint de l’île dont il aimait les tons terreux et verts. Des teintes rouille et pourpre qui parsemaient le ciel ne firent qu’accentuer cette sensation inattendue.

Le fracas des batailles. L’odeur de la mort. Les agonies assourdissantes.

Les muscles de Bris’Rhak tressaillirent sous d’anciens coups. Il serra les mâchoires. La voix goguenarde de Marl le Chevrier murmurait à l’intérieur de son crâne. Un mouvement incontrôlé lui fit tourner la tête vers la droite.

Les cadavres qui se relevaient. Les runes des chamans qui enflammaient les armes. Le désespoir.

Bris’Rhak se retrouva dans sa jeunesse inexpérimentée, tombant au milieu de l’Armée des morts du roi Liotir le Maudit. Sa hache, nimbée du feu purificateur invoqué par les runes de sang gravées sur la lame, tranchait dans les corps pourris. La peine de voir ses compagnons tomber en nombre prenait plus d’ampleur d’année en année. Il revit le départ de Terco le Runique et sa propre quête afin de le retrouver, en vain.

Le tonnerre gronda. Un orage approchait. Il n’avait pas peur des orages, lui qui portait le nom de Briseur d’orage : Bris’Rhak.

Il tomba à genoux, le regard flou, dévoré par les hallucinations de son esprit dépassé par une angoisse qu’il ne connaissait pas.

Le pendentif offert par Marl une décennie plus tôt et qu’il portait au cou se mit à peser, lui d’ordinaire si léger. Bris’Rhak le prit dans sa main épaisse, contemplant, à travers un brouillard de souffrance, la pièce d’argent traversée en son milieu par un éclair mauve tirant sur le rouge. Il referma les doigts sur elle, comme s’il voulait serrer la main de son vieil ami.

« Quand les heures sombres arriveront, que la douleur du passé te surprendra, cet éclat du Trône veiné de pourpre t’aidera. Je l’ai forgé pour toi mon ami, pour te remercier de ton aide lorsque les Morts me hantaient et que tu m’as accueilli sans préjugé ». Il revoyait Marl tendre le bijou avec un de ses rares sourires.

Le Hache referma le poing sur le métal froid. À travers ses doigts une douce lueur commença à pulser. Les nombreuses cicatrices, petites comme profondes, brillèrent d’une aura pourprée.

Bris’Rhak se releva. L’orage s’éloignait, vers le large. Le vieux guerrier fit quelques pas vers la falaise, le pendentif à l’abri dans son poing. Lentement il desserra son étreinte et croisa les bras. Ces blessures laisseraient toujours des marques sur sa peau, mais il n’en souffrirait plus. Bris’Rhak se redressa, lançant un regard serein et déterminé devant lui.

Le gardien des Haches veillait, attentif. Un jour, Marl aurait besoin de lui.

Le Briseur d’orage répondrait à son appel, même si cela devait le mener à son dernier souffle.

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