Virgule - & autres poésies citadines

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Virgule

Virgule qui part, virgule qui trace

Virgule fuyante, virgule filante

Innombrables virgules

Incessantes et répétées

Phrase interminable

Trop de virgules et jamais de point

A peine le temps de reprendre son souffle

Ni adjectif, ni complément

Juste un verbe dont l’action

Ne vaut rien en bourse

Qu’est-ce donc qu’un mot sur une feuille

Face à celui qui agit

Ecoute bien sa voix dans l’ombre

Entends-tu ?

Cette sentence sans fin qui te fait défaut

Il te la dicte mot à mot

Travaille, travaille

Termine le produit, oublie-le et passe au suivant

Geste répété dans un présent éternel, sans avenir ni passé

Ce qu’il deviendra ne te regarde plus

Ne t’a jamais regardé

D’ailleurs qui te regarde

Pour cette création viendra alors

La chaîne de la mer

De l’avion, de la route puis des rayons

Tout ça pour quoi

Pour qu’un pauvre diable en chaussures presque neuves

Et pourtant déjà abîmées

Etouffe le prix d’une trentaine de repas

Pour d’autres chaussures neuves

Toujours plus neuves, plus brillantes et dans le vent

Afin d’éblouir et aveugler ceux qui vous regardent droit dans les pieds

Uniformes sans forme ni fond

Qui se déforment trop rapidement

Dans cette course à l’armement des vêtements

Symbole de l’argent dépensé, preuve factice de richesse

Symbole de pouvoir

Symbole de déchéance

Avec ou sans virgule

Sans ce point qui marquerait une pause

Qui permettrait de tourner la page

Et d’en écrire une nouvelle

Revêtue d’une ponctuation à faire trembler le pouvoir

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Arkadia mon amour

Un songe s’est perdu sur un chemin de croisés

Riche, plein, entier comme une lune

Je le tenais

Mes yeux pétillaient

Et je voyais cette fille au bord de la plage

Devant les dunes

Sous le ciel ocre

Moi à l’orée d’une forêt

Sentant le doux parfum de l’aventure naissante

En continu

Sans fin ni commencement

Présent, tout simplement

J’ai des pensées égarées qui aiment à passer

M’ensorcellent, me font vibrer

Puis m’attristent à en pleurer

Oui mais…

Mais cette étincelante réalité

Rien qu’une seconde peut-être

J’ai eu le temps de la voir briller

Je l’ai regardée dans les yeux

Elle m’a souri

A fait trois petits tours

Puis s’en est allée

Me laissant là, amputé de mes rêves

Autant les pourchasser

Là où le fait persiste même lorsqu’on le pense illusion

Qui sait désormais ce qu’il pourrait arriver ?

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Atomique

Sous le ciel étoilé

Une main dans la mienne, et de l’autre

Quelques graines lancées :

Autant de grenades

Qui au ralenti

S’ouvriront peu à peu

A droite un peuplier, à gauche un saule pleureur

Au milieu un fraisier enfantin

Faut pas lancer au hasard

Qu’aucune plante ne se supplante

Faut semer en trottant, semer en galopant

Une par-ci, une par-là

Et le voilà notre jardin des merveilles

L’explosion commence tout de suite

Mais trop lentement pour qu’on puisse la voir

Elle durera toute notre vie

Et se poursuivra après

Les seules et uniques bombes

Créatrices de vie

Allons allons, partons

Ne les dérangeons plus

Prends ma main

On reviendra

Quand on sera grand

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Partir à l’abri des passe-partout

Je prends la feuille, tu prends la plume

Sans prendre de notes on prend la porte

Pour aller voir plus loin si on y est, si l’on s’y trouve

Si ça se trouve… sait-on jamais

Partir oui, mais partir où ?

Voyons c’est tout simple, regarde

Tout là-bas au loin, c’est fort bien, pourquoi ailleurs ?

Marcher jusqu’à tenir en équilibre

Sur la ligne de l’horizon

Puis la dépasser, aller encore plus loin

En voilà un beau défi

On marchera jusqu’à épuisement

Jusqu’au chemin suivant

Jusqu’à ce que mort s’ensuive ?

Pourquoi pas, c’est selon

En attendant, nous deux sur la route

Moi prenant la feuille, toi prenant la plume

Nulle autre couverture que le ciel étoilé

Pas d’autres murs que le petit vent frais

Ni d’autre sol que sable et terre sous nos pieds

Feuille, plume, munis de nos instruments

A plaisirs fertiles

Et subtilités inégalées

Qui s’emboîtent et se complètent tant

De pas en pas

Faisant l’amour par écrit

Nous ferons un enfant de papier

Qui ne craindra

Ni air

Ni terre

Ni feu

Ni marée

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Des fourmis dans la tête

Trois-cent-soixante-cinq jours par an et des poussières

La nature fusionne au grand jeu du cadavre exquis :

De la ruche à l’abeille, de l’abeille au pollen, du pollen à la fleur, qui se rend à la terre, à l’arbre, au marron, à la graine, au pommier, à la branche, au nid, au rouge-gorge…

Et ça continue. Ouf ! Pour un peu

Le pollen atterrissait sur nos tartines

La fleur chez le fleuriste

L’arbre sous nos écrits

La pomme dans notre estomac

Et la chaîne était brisée

N’y pensons plus, faisons comme elle

Respirons-la

Viens avec moi et fusionnons

Sous le grand châtaignier

Toi, moi, l’arbre

Egalent un

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Cherche…

C’est partout que je te retrouve

En cette mèche de cheveux

Cette allure, ce pas, cette démarche

Cette jolie fille aux yeux verts

Un mouvement, un tintement

Un bruit de pas

Lourd ou léger

Ou encore une voix, quelque part… par là

Partout des mises en scène

Au metteur inconnu

Voilà pour ma peine

Dans la rue ton image

Est multiple mirage au millier de visages

Un supplice qui me ravit

Me fait roucouler de plaisir

Un désir qui m’effraie

Et me fige sur place

Je dois rester de marbre, de neige, de glace

Pour résister à la tentation

Ne pas m’hypnotiser

Ni tomber en extase

Lorsqu’on chute, on ne peut savoir

Quand l’on s’en relèvera

Même si le choc est doux

Un monde hanté

Des plus jolis fantômes

Toi dans ma tête

N’en sors pas

On y est si bien tous les deux

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Cœur à cœur

Cœur de terre

Cœur de pierre

Ou d’artichaut

Larme qui brille

Larme de fille

Ou de croco

Sans mot dire il s’efface

A trop médire il s’enlise

Le petit sentiment de glace

Qui dérive sur la banquise…

La brise enlace les vieux jours

Délaisse les traces alentours

La cicatrice se rouvre, le pauvre cœur saigne

Mais le sang circule au cœur des veines

Et reste chaud

Carnage de neurones en phase d’extase

Tout seul ? Peut-être… c’est toujours mieux que rien

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Interlude de lune

Ma petite sœur de fée

Qui vague et vogue dans les étoiles

Myrtille, framboise, comète

Tout ceci n’a aucun sens

Juste le plaisir

De me fendre de quelques lignes

Dans l’attente du métro qui se fait désirer

Je couche sur papier

Des mots que j’aime bien

Qui ne veulent rien dire

Tout du moins pas grand-chose

Juste pour la musique

As de pique, clafouti, grelot

Ce n’est pas écrire « grelot » qui en fera apparaître un

D’ailleurs à quoi bon

D’ailleurs si c’était vrai

J’aurais écrit bateau plutôt que grelot

Après tout, tracer un mot, le concevoir, l’imaginer

C’est déjà un peu le faire exister

Et peut-être, oui peut-être

Qu’elle existe vraiment quelque part

Ma petite fée de lune

Laquelle ? Qui sait

Toutes, je veux bien

Parce que je le vaux bien

Fée soleil, fée volcan

Fée Viviane, féerie

Fée nuage, fée de lune

Et fée mer…

Et à chacune d’elle

Au creux de leur aile

Je dirai tout bas :

Porte-moi bonheur petit porte-bonheur

Fais-moi peur, fais-moi rire

Fais-moi mal, fais-moi vivre

Fais-moi le soleil et le volcan

Le nuage et la dune

Et surtout, sur la mer

L’éphémère

Reflet de la lune…

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