Épisode 4 - Longue nuit en perspective (Partie 1)

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— Putain ! Mais c’était quoi ce bordel ? Un truc de malade ! T’es un espèce de sorcier à la Dr Strange, c’est ça ? Et le mec là, c’était un démon !! Putain de bordel de merde !!

Au grand déplaisir de Lars, le petit chat lui tomba dessus dès qu’il franchit la porte de la maison dont l’étage était désormais à moitié en ruines.

Étrange, cet idiot avait l’air davantage surexcité que surpris ou effrayé par le combat qui venait de se dérouler sous ses yeux. Un pistolet fumant dans chaque main, il s’agitait comme un enfant autour du magicien. Et ce dernier dut se faire violence pour ne pas l’envoyer valser au loin pour la troisième fois de la soirée.

Un peu de calme, était-ce trop demandé ?!

— Hey ho, je te parle l’Aristo !

— Ecarte-toi, boulet, répliqua sèchement l'interpellé en se précipitant vers ce qu’il pensait être la salle d’eau du rez-de-chaussée.

A défaut de pouvoir prendre un bain relaxant, il avait besoin de se décrasser et pas qu’un peu ! Il pourrait utiliser ses pouvoirs pour le faire, mais franchement, il n’y avait pas mieux que l’eau pour enlever la saleté. Et puis, Lars n’avait jamais été doué en magie domestique. Avec son talent dans le domaine, il risquerait plutôt de mettre le feu à ses vêtements que de les nettoyer.

— Non mais ! Le boulet comme tu dis a sauvé ta sale gueule de prétentieux, alors va te faire foutre ! grogna l'autre en levant deux majeurs puérils dans sa direction.

Navrant, songea Lars en le toisant avec condescendance, une paume appuyée contre la porte entrouverte de la salle de bain. C’est à ce moment que la maire et sa fille dévalèrent les escaliers. La maîtresse de maison les foudroyait du regard.

— Bande d’enfoirés ! Vous alliez vraiment nous tuer ! hurla-t-elle en se jetant sur Lars et le petit chat, dans l’intention de les frapper.

Mais le magicien n’était franchement pas d’humeur, alors pas du tout.

C’est sans le moindre scrupule qu’il leva un doigt agacé en l'air et la maire se retrouva figée sur place. Le corps enveloppé dans une faible lumière violette, elle ne put que le fusiller du regard. Ses yeux bleus lançaient des éclairs meurtriers. En temps normal, le jeune homme aurait trouvé cela très attirant, mais là, ça l’irritait plus qu’autre chose.

— Vous m’excuserez, mais j’ai eu mon lot de claques et de corps à corps violents pour ce soir, déclara-t-il d’un ton sec en se détournant avec dédain. ll s’engouffra ensuite dans la salle de bains, avant de claquer la porte derrière lui.

Enfin seul ! Lars laissa échapper un soupir de soulagement… qu’il ravala cependant bien vite lorsque ses yeux balayèrent la pièce dans laquelle il venait de s’enfermer.

Bon sang, l’endroit était mi-nus-cule ! Le jeune homme eut immédiatement des sueurs froides à la vue des murs beaucoup trop proches à son goût. Mais comment ces gens arrivaient-il à tenir et se laver dans une boîte à sardines pareille ?!

Pour lui, c’était tout simplement impensable, im-po-ssible ! Lars commençait déjà à suffoquer, comme à chaque fois qu’il avait le malheur de se retrouver dans un espace exigu. La respiration hachée, il tendit aussitôt les deux bras de part et d’autre de son corps. Ses paumes projetèrent un puissant halo qui se propagea dans la pièce telle une onde de choc. La magie repoussa les murs en arrière, ce qui eut pour effet d’agrandir l’espace.

Ce ne fut qu’une fois les cloisons à bonne distance les une des autres que Lars laissa enfin retomber ses bras le long de son corps en soufflant lentement. Il balaya à nouveau les lieux du regard et ses lèvres s’étirèrent en un petit rictus soulagé.

Ah voilà, c’était beaucoup mieux ! Le misérable placard à balai avait laissé place à une salle d’eau de taille respectable. Bon, l’endroit n’avait rien à voir avec son petit coin de paradis chez lui, à Londres, mais au moins, il pouvait désormais s’y nettoyer sans faire une crise de panique.

Chose qu’il fit avec beaucoup d’application, face au miroir du lavabo. Le magicien claqua la langue de dégoût en frottant le sang et la bave sur ses joues et son cou. Il s’attarda particulièrement là où Poubelle ambulante avait passé son immonde langue. Pendant un bref instant, il repensa au contact de l’organe visqueux sur sa peau… et ne put retenir un violent frisson. Ecoeurant !

Et pour la millionième fois depuis sa très longue existence, Lars maudit les dieux d’Asgard. Cette clique de petits pédants sans qui il ne serait pas coincé dans cette pathétique douche avec du sang et de la salive de démon plein la face. Il les haïssait tellement !

Divinités, tu parles ! Ils n’étaient même pas fichus de régler eux-mêmes leurs problèmes. C’était toujours à Lars de s’en occuper, de ramasser les pots cassés et surtout de balayer sous le tapis. Toujours. Sous prétexte qu’il était de leur sang… Si ça ne tenait qu’à lui, le magicien aurait préféré ne rien avoir à faire avec cette bande de dégénérés immortels !

Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour vivre enfin une vie tranquille ? Une existence paisible loin de ces foutus dieux et des ridicules missions qu’ils l’obligeaient à se coltiner tout le temps ! Lars ne désespérait cependant pas de trouver un jour le moyen de se débarrasser une bonne fois pour toute de ses liens avec Asgard et les divinités mineures. Un jour…

Des coups frappés à la porte le tirèrent brusquement de ses pensées. Et la voix courroucée du petit chat aux pistolets explosa de l’autre côté du battant.

— Hey, l’Aristo ! Mais tu fous quoi, là-dedans ?! Ça fait vingt minutes que la dame est figée dans cette espèce de lumière violette, là ! Tu pourrais au moins la libérer, surtout si t’as l’intention de faire ta diva encore longtemps dans la salle de bains !

Lars leva les yeux au ciel. Il en était presque à prier le soi-disant Dieu chrétien là-haut pour l’aider à garder son calme face à cet espèce de boulet qui tambourinait contre la porte. Pourquoi ne l’envoyait-il pas se faire voir quelque part en Sibérie déjà ? Bonne question !

Le jeune homme claqua des doigts d’un geste agacé pour défaire la magie qui retenait sa charmante hôte prisonnière. Puis, sans plus se soucier de l’autre idiot, il retourna à sa besogne avec encore plus d’application que tout à l’heure.

Oui, il devait se dépêcher. Oui, ils n’avaient plus beaucoup de temps. Oui, le petit laquais d’Ørjan préparait sûrement quelque chose de mortel pour tout le village. Oui, oui, oui, mais non ! Il était hors de question pour Lars de passer le reste de la nuit couvert de toute… toute cette crasse immonde !

Il ne consentit à sortir de la salle de bains qu’un quart d’heure plus tard. Son magnifique costume était fichu, mais au moins il n’y avait plus de sang et de bave. Et puis, il était sec et avait réussi à se recoiffer. C’était mieux que rien.

Il sortit une cigarette puis l’alluma du bout d’un doigt enflammé avant de se rendre dans la cuisine où il retrouva le petit chat. Le gamin aussi était en train de fumer. Ses deux armes en mains, il était tranquillement appuyé contre le réfrigérateur, sous l'œil mauvais de sa petite amie ? ex petite amie ? On n’était jamais sûr de rien avec les jeunes d’aujourd’hui.

— Ah t’es enfin là ! s’exclama le morveux en se décollant du frigo pour s’approcher de lui. On fait quoi maintenant ? Tu sais comment retrouver ce démon ?

— On ? répéta Lars en le toisant de haut en bas, d’un air à la fois surpris et amusé. Je ne crois pas avoir sollicité ton “aide” pour débusquer ce déchet des enfers, petit chat. Dois-je te rappeler ton inutilité lors du combat qui vient de se dérouler ?

— Ouais, c'est ça ! répliqua l’autre en se plantant devant lui, un petit sourire féroce au coin des lèvres. Il était beaucoup plus grand que Lars et ne se gênait pas du tout pour le dominer de toute sa taille. Et le magicien dut admettre que c’était vraiment sexy… Pourquoi ne pouvait-il pas flirter avec ce joli garçon déjà ? Ah oui, il n’avait pas le temps.

Ça et son côté enquiquineur qui le fatiguait déjà alors qu’ils ne se connaissaient que depuis une heure. Déjà que "connaître" était un bien grand mot ! Lars ne se souvenait même plus du prénom du gamin. Comment s’appelait-il déjà ? Theo ? Nemo ? Pierrot ?

— Et moi, je te rappelle que sans mon intervention, ta belle gueule d’aristocrate aurait fini en pâture pour démon lubrique ! poursuivit le petit chat d’un ton plein de suffisance. Vu la manière dont il te léchait la face, ce Bechet ne voulait pas juste te tuer ou te torturer. Encore un peu et il te prenait directement sur place ! Ne me remercie pas surtout.

— Je maîtrisais très bien la situation, merci, répliqua Lars en le fusillant des yeux.

Les insinuations de ce sale môme ne lui plaisaient pas du tout.

ll n’était pas une pauvre petite chose fragile qui avait besoin d’être “sauvée”. Il se débrouillait très bien tout seul et ce n’était pas cet espèce de petit prétentieux qui allait se vanter du contraire. Franchement énervé, le magicien leva une main, dans l’intention de l’envoyer en vacances forcées au fin fond de la Sibérie. La charmante maire fit soudain irruption dans la cuisine, le coupant dans son élan. Tiens, Lars l’avait presque oubliée celle-là.

— Les gens sont en panique ! annonça-t-elle de but en blanc, le souffle court et le regard plein d’effroi. Un autre enfant vient d’être enlevé et le révérend Kristian a réussi à convaincre les habitants que c’est votre faute, Strøm ! Ils viennent tous par ici…

— … pour te faire la peau, compléta le petit chat en terminant sa cigarette, tandis que les clameurs d’une foule en colère s’élevaient soudain à l’extérieur.

— Sors de là, démon !! hurla une voix haineuse par-dessus le brouhaha. Nous allons te renvoyer dans les flammes des enfers auprès de ton infâme maître cornu !!

— Ce brave pasteur, marmonna Lars en se détournant avec une petite moue dédaigneuse.

Il l’imaginait très bien menant fièrement sa petite troupe de moutons, avec sa stupide croix brandie bien haut vers le ciel. Heureusement que le ridicule ne tuait pas.

— Je vais essayer de les calmer… commença la maire en amorçant un geste vers la sortie.

— Inutile, la coupa Lars d’un ton autoritaire en agitant une main agacée. J’ai besoin de vous ici. Allez me chercher une carte de votre village, ensuite, indiquez-moi très clairement les endroits où chacun des neuf corps a été retrouvé.

— Mais Strøm…

— Appelez-moi Lars, l’interrompit-il à nouveau en prenant cette fois une voix de velours, avec un petit sourire charmeur en bonus. Et maintenant, la carte, s’il vous plaît... Liv.

Cette dernière resta encore un instant à le fixer, interdite par ces soudaines familiarités, avant de se décider à obtempérer. Enfin, c’était pas trop tôt ! songea Lars en levant les yeux au ciel, tandis qu’elle montait à l’étage.

Il réfléchit ensuite à toute vitesse, évaluant tous les scénarios possibles pour cette maudite nuit. La bande de petits moutons n’allait sûrement pas tarder à défoncer la porte, et dans l’intention de le conduire au bûcher. Le jeune homme ne put s’empêcher de ricaner à cette idée. Et ça se disait civilisé ! La bonne blague, franchement !

Enfin, bref, il avait une petite idée de l’endroit où pourrait se terrer son pathétique adversaire à l’heure actuelle. Mais il voulait en être sûr et devait impérativement vérifier un détail... Pour ce qui était de la plèbe dehors, Lars n’était pas du tout inquiet. Neutraliser une clique de paysans enragés n’était qu’un jeu d’enfant pour quelqu’un comme lui.

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