Chapitre 2 : Mirko

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Je repris conscience graduellement, les yeux fermés. Comme on émerge d’un étrange cauchemar. Des gens – des femmes – gloussaient autour de moi. Et des bruits humides de succion s’échappaient des jabotages féminins. Un mal de crâne terrible enserrait mes tempes dans les mâchoires cruelles d’un étau, mais une chaleur dans mon bas-ventre détourna mon esprit de cette douleur. Contrairement à mon crâne qui pulsait, l’ardeur qui bouillait contre le fond de mes abdominaux se faisait constante et me fis penser, un instant, à un pressant besoin de pisser. Je tentai d’écarquiller les paupières, qui obéirent en m’offrant qu’une vue floue de ce qui m’entourait. Des corps, sans le moindre doute. Et, superposé à ce que j’entendais, je compris qu’il s’agissait de corps de femme.

J’attendis une minute, peut-être un poil moins, pour les discerner clairement. Elles étaient six. Six nymphes, comme l’autre pute qui m’avait assommé. Je voulus me lever, m’échapper, mais aucun des muscles de mon corps ne répondait aux impulsions de mon esprit. J’étais nauséeux, l’esprit embourbé dans des perceptions qu’il n’arrivait guère à analyser. Et après plusieurs tentatives infructueuses pour me relever, j’acceptai de n’être qu’un voyeur prisonnier de mon propre corps.

Autour de moi, les jeunes femmes nues s’embrassaient sans me calculer. C’est du moins ce que je crus, au premier abord. Puis je compris que, de bouche en bouche, elles se passaient un liquide lors de ces étreintes. Un liquide blanc, opaque, qui coulait de lèvre en bouche, de langue à lèvre. D’abord elle, d’abord la garce qui m’avait tenu en joug. Puis d’elle à l’autre, la blonde à petits seins. La rousse garçon manqué. L’autre blonde, plus grande. Puis une fille aux longues nattes tombant sur sa poitrine. Et finalement une petite brune au visage maculé de taches de rousseur.

Et une fois que le tour fût complet, la dernière se pencha entre les cuisses de la première, et, l’imitant, elles se mirent tour à tour dans la même position jusqu’à ce que leurs corps forment un rond fermé tout autour de moi. Les râles de plaisir s’échappaient de leurs lèvres collées à l’entrecuisse de leur voisine, dans un étrange méli-mélo de chairs mouvantes qui me donnaient le tournis.

A nouveau, j’essayai de me relever. Impossible. Je baissai mes yeux sur ma queue en érection qui me distillait encore de cette chaleur post-orgasme rassurante. Et mon cerveau mis au ralenti par le coup dont il venait d’être la victime connecta ce qu’il venait de voir et comprit, enfin.

Elles se fertilisaient.

Elles se fertilisaient avec mon sperme.

Je contractai tous mes muscles mais l’influx nerveux que mon esprit tenta d’envoyer au reste de mon corps resta sans réponse, comme si mes muscles se mutinaient contre ma cervelle. Je mis alors toute mon énergie à prononcer ces deux mots : libérez-moi ! Mes lèvres bougèrent, sans laisser cependant s’échapper autre chose qu’un mince filet de bave.

Une heure plus tard, la danse des six nymphes était terminée. Des filets de sperme croûtés maculaient encore ça et là les cuisses et les commissures des jeunes filles, comme seule preuve de ce qui venait de se dérouler. Moi, j’avais enfin réussi à m’asseoir, les fesses épousées par la douceur de la mousse où elles m’avaient allongé, mais impossible de se lever complètement. A peine esquissai-je un mouvement pour me mettre sur mes jambes qu’un à-coup de sang dans mon encéphale me prévint d’une perte de conscience imminente.

Voyant mes efforts, la rousse s’approcha de moi. Elle était fluette et ses cheveux en bataille, coupés relativement courts, dessinaient sur son crâne un étrange feu de broussailles. Elle tendit sa main en ma direction. Je crus d’abord qu’elle voulait m’aider à me relever, mais lorsque je lui tendis la mienne, elle se contenta de la serrer et me dis :

- Il faudra encore attendre un peu, la drogue fait encore effet.

Elle portait dans son dos nu un carcan rempli de flèches de roseaux ainsi qu’un long arc, presque plus grand qu’elle. Mis à part ça, elle était parfaitement nue. Plus aucune d’elles ne portaient la dentelle de mousse qui ornait le corps de ma première assaillante.

- Pourquoi m’avez-vous drogué ?

- Nous avions besoin de ta semence… cela faisait longtemps que nous n’avions plus vu d’hommes.

Elle s’assit en face de moi, les jambes en tailleur. Sa position écartait légèrement les lèvres piquées de poils couleur carotte, laissant s’échapper du trou de son vagin une paresseuse coulée de semence et salive mêlées. Son corps, rapproché du mien, m’enveloppa d’une odeur étrange, ni agréable, ni totalement répulsive. Probablement sa transpiration mêlée à un autre parfum, musqué, que je n’arrivais pas à identifier.

- C’est quoi le rapport ? Pourquoi me droguer ? J’ai…

A cet instant, j’eus envie de la frapper. Instinct primaire. La reconnexion probable de mon cerveau à sa partie reptilienne, peu à peu débarrassée de la drogue incapabilisante. Je me retins. D’abord car je voulais lui parler, tenter de comprendre. Surtout parce que je savais que je ne faisais probablement pas le poids, malgré ma taille supérieure et mes muscles imposants. Elles me mettraient ko direct. Peut-être même que la rousse seule, malgré ses bras-brindilles et son apparente candeur, ne me laisserait pas la moindre chance.

- Nous avions besoin de ta semence, c’est tout. Rien de personnel.

- Vous n’auriez pas pu, je ne sais pas… Demander par exemple ?

Elle ricana, dévoilant deux canines particulièrement aigues.

- Bah non, nous on se sert. On ne demande pas aux hommes, on prend. C’est comme ça…

Elle haussa les épaules.

- Il n’y a pas d’hommes, dans votre clan ?

A nouveau elle rit, sans toutefois répondre à ma question. J’ajoutai :

- De toutes manières je suis infertile, comme tout un chacun ici. La mort est passée. C’est bon. C’est fini… Je sais pas quel espoir vous avez porté en moi mais c’est fichu.

Elle secoua la tête :

- On a senti que ce n’était pas le cas…

- Quoi, pas le cas ?, fis-je, tandis qu’elle commençait à m’agacer.

- Tu n’es pas infertile, contrairement à la grande majorité des hommes qui se perdent dans ces bois. Ton sperme vit.

Je soupirai.

- Et si je revenais ? Et si je revenais avec quelques copains, pour vous écorcher vives toutes les six ?

A nouveau elle éclata de rire, puis demanda :

- C’est une menace.

- Si c’en était une elle n’a pas l’air d’être prise au sérieux, fis-je.

- Tu le vois ?

Son index pointait les branchages lointains d’un commanche, où je ne distinguais rien d’autre que quelques feuilles au lobe rougi et des lichens qui s’accrochaient tant bien que mal au bois rugueux de l’arbre. Puis, soudain, un mouvement me fit sursauter. La branche soutenait un écureuil roux. Il avait deux têtes.

Avant que je ne puis répondre, elle décocha une flèche qui le fit littéralement exploser. J’eus à peine le temps de la voir se mouvoir que les lambeaux de chairs et les restes gluants de ses entrailles tapissaient l’écorce de l’arbre millénaire.

- C’est une menace ?, fis-je en lui retournant la question.

- J’en sais rien. Je te montre juste comment on règle les problèmes. Nous avions juste besoin de ton sperme.

- Je maintiens que vous n’aviez qu’à demander.

- Tu ne te serais pas arrêté. T’es missionné.

J’haussai les épaules.

- Qu’est-ce que t’en sais ?

- J’en sais que la sorcière t’a parlé. Qu’elle t’a dit d’y aller nu. D’y aller désarmé. Et de suivre l’orteil d’Auragandis. Et qu’une fois arrivé, tu le saurais. Tu reconnaitrais l’immense falaise. Les confins du monde. Et tu saurais où retrouver le grand squelette en suivant la pulsation violette.

J’étais bluffé par ce qu’elle venait de me sortir tant cela ressemblait, mot pour mot, aux indications de la vieille chamane. J’essayai toutefois de ne pas laisser lui transparaitre mes sentiments.

- Vous allez me laisser partir ?

Elle s’esclaffa :

- T’as cru quoi, qu’on allait te grailler ?

J’haussai les épaules :

- Je suppose que j’ai de la peine à faire confiance à une bande qui assomme un inconnu, le suce jusqu’à récolter son jus et partouzent autour de lui jusqu’à s’engrosser avec sa semence tandis que lui délire dans la drogue et leur révèle toute son histoire.

- Parce que tu crois que je sais ton histoire grâce à la drogue ? Ce qu’on t’a administré c’est une concoction de passiflore officinal dans laquelle on a dilué une quantité négligeable de Belladone. Ça vous assomme un cheval mais ça ne le fait pas parler. Au contraire. Ta seule forme d’expression fût un ronflement particulièrement sonore.

Vexé, j’ajoutai :

- Alors quoi, t’as deviné ?

- Je le sais, c’est tout…

Le silence flotta un instant. Derrière nous, les cinq autres filles allumaient un feu. Certaines dansaient et chantaient. Je peinais à discerner les paroles, mais il était question de femmes, de nymphes, des bijoux de leurs corps, de filles qui se laissaient aimer et de métamorphoses. Le vent qui excitait les commanches s’était calmé. Le crépuscule planait déjà.

- Je peux dormir ici cette nuit ?

- Bien sûr, me répondit-elle. Tu partiras demain. On n’accepte pas les hommes, habituellement. Mais bon, on t’est redevable pas vrai ?

J’allai m’installer pour dormir, mais la retins pour une dernière question :

- Vous garderez les enfants, si vraiment je suis fertile ?

- C’est bien là le but…

- Et vous ferez quoi si ce sont des garçons ?

Elle se garda un moment de répliquer, puis demanda :

- Faut-il vraiment poser les questions dont on ne veut pas entendre la réponse ?

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