Les silences de juillet

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Il n’y a pas eu de dispute.

Pas de hurlements à travers les murs, pas de verres cassés, pas de portes claquées à s’en faire trembler les fondations. Non. Juste une chaise vide. Un café tiède. Et son sweat encore suspendu derrière la porte d’entrée, comme une promesse qu’il ne tiendrait plus.

Il est parti un jeudi, au petit matin. Le genre de matin où les volets hésitent encore à laisser passer le soleil, où le silence est trop pur pour être honnête. Il n’a pas laissé de mot. Rien d’écrit. Juste... une absence, pleine à craquer.

Je me suis réveillée seule. D’abord, j’ai cru qu’il était juste sorti acheter du pain. Ou qu’il avait eu une insomnie et était parti courir comme il le faisait parfois, quand son cerveau tournait trop vite. Mais à midi, quand son téléphone vibrait encore sur la table, comme un animal blessé qu’on a oublié là, j’ai compris.

Ce n’était pas un départ en courant. C’était un départ en se taisant.

Le silence, c’est un bruit qui prend son temps. Il ne frappe pas comme une colère. Il s’infiltre. Il s’installe. Il colle à la peau comme l’humidité d’une salle de bain trop longtemps fermée.

Au début, on croit que c’est supportable. Puis, on commence à guetter les bruits qui ne viennent pas : pas de clef dans la serrure, pas de message, pas d’explication.

Rien.

Et ce rien pèse plus lourd que mille "je te quitte". Parce que "je te quitte", c’est au moins une direction. Une claque, peut-être, mais claire. Le silence, lui, t'oblige à jouer les archéologues de l’émotion. À gratter chaque souvenir pour essayer de comprendre où ça a vrillé. Est-ce que c’est le dîner chez ses parents où je n’ai pas ri à la bonne blague qu'il a fait ? Le moment où j’ai oublié son anniversaire de thèse ? Ou alors... était-il déjà parti depuis longtemps, en-dedans, et moi j’ai juste pas vu le vide derrière ses sourires ?

Un jour, j’ai essayé de lui écrire. Pas pour le supplier. Pas pour le faire revenir. Juste pour… finir. Mettre un point. Mais chaque mot sonnait faux. Parce que comment tu conclus quelque chose qui n’a pas dit son nom ? Comment tu mets un point final à une phrase que l’autre n’a jamais vraiment commencé ?

Alors j’ai arrêté d’écrire. Et j’ai laissé les silences parler à ma place.

Les gens pensent que les ruptures les plus douloureuses sont celles qui éclatent. Celles qui s'entendent. Mais je crois que les plus cruelles sont celles qui se taisent. Parce qu’elles te laissent seul·e avec le scénario, mais sans script. Tu réécris l’histoire dans ta tête encore et encore, en espérant y trouver un mot-clé, une faille, une note de bas de page. Tu fais l’autopsie d’un lien sans cadavre.

Aujourd’hui, ça va mieux. Enfin, un peu. Le sweat n’est plus derrière la porte. J’ai cessé de l’attendre dans les reflets de la vitre du métro.

Mais parfois, quand j’entends une chanson qu’il aimait, ou quand le vent de juillet souffle un peu trop fort, comme ce matin-là, le silence revient. Pas en criant. Non. En murmurant. Il me rappelle doucement qu’il est toujours là, tapi dans les coins de ma mémoire. Et que certaines ruptures ne se referment jamais complètement. Elles se contentent de chuchoter, à voix basse, qu’il manque quelque chose.

Et que ce quelque chose ne reviendra pas.

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