Mon ex n'aimait pas que je dise bagnole. Elle trouvait ça vulgaire. Effectivement, c'est un mot qui sonne un peu crade. Il est donc parfaitement adapté pour nommer ce mode de transport puant qui flingue le climat et la santé des humains, ce tas de rouages bruyants plein de cambouis, cet infusoire de substances toxiques.

Il est vrai que tout cet aspect est occulté par le design futuriste, parfois très élégant de nos chères voitures, aux noms souvent glorieux : Orion, Velsatis, Picasso. Quelle classe ! Tout un emballage avantageux largement mis en valeur dans les pubs qui passent à la télé, où nos vaisseaux sur quatre roues, mus par des commandes ergonomiques, presque magiques, semblent glisser à travers des paysages somptueux.

Tout ça pour parcourir des distances ridicules en ville (où 40% des trajets quotidiens effectués en voiture font moins de 3km) et rester coincé dans des embouteillages pendant que les vélos vous dépassent à dix kilomètres/heure! Tout ça pour dilapider ce qui reste de pétrole sur une planète exsangue. Quelle blague!

En ville, le monde de la bagnole se divise en deux. Ceux qui sont dans l'habitacle, et respirent un air conditionné et filtré, et ceux qui, dehors, respirent les gaz d'échappement.

Si vous êtes un marcheur comme moi, voici donc une technique de survie pour échapper (au moins partiellement) à ce fléau cancérigène : emprunter les chemins où la bagnole est soit rare, soit absente. Les petites rues, les parcs, mais aussi, plus rares, les cimetières.

Ces vastes alignements de tombes sont un havre de paix à l'écart de tout ce qui pétarade, pue et pollue. On y respire un air sain. Curieux paradoxe: chez les morts, à l'écart de l'agitation urbaine et du traffic routier, l'air est moins mortel que chez les vivants.