Je suis dans une forêt des Vosges. J'ai la tête tournée vers la gauche pour regarder la vallée comme je peux, entre les branches et les épines, je peux apercevoir une partie de Saint-Amé, un village à quelques kilomètres.

Et je marche encore un peu, sur le chemin qui trace deux sillons. Des engins sont passés par-là mais personne ou presque n'a du passer cette saison, la végétation est luxuriante et quelques branches pourrissant au sol ralentissent mon passage entre les sapins

Il fait encore frais ici en ce début d'avril, plus que dans la vallée, plus qu'en ville. L'humidité donne aux alentours un aspect de jour de pluie, même si je sais bien qu'il n'a pas plu depuis avant-hier. Peut-être ce soir ... Et tout est plus sombre, plus sérieux.

Je sens dans mon cou une brise fraîche qui me rattrape, elle passe ses doigts fins dans mes cheveux.

J'adore écouter le vent dans les bois, il passe ses doigts dans les branches aussi. Il fait frémir toute la forêt en un souffle et le son qu'il produit donne toute sa profondeur au silence.

Mais même en tendant l'oreille, je sais que j'aurai du mal à entendre beaucoup d'oiseaux. J'aurai du mal à entendre les chants qui peuplent mes souvenirs d'enfance.

Il y a dans l'air frais de la sylve printanière un parfum de mort. La mort par l'absence de tous ces êtres qui, il me semble, pullulaient hier encore dans ces bois.

Je sais que j'aurai beau sentir l'humus, caresser l'écorce et écouter le vent, je ne ramènerai pas cette vie disparue.

J'en veux à beaucoup de choses, la ville, les hommes dans leur costume gris terne et leur cravate rouge ou bleue, aux avions et au plastique, au nucléaire comme au parc de batteries qu'on installe pour charger son smartphone à l'énergie solaire. J'en veux à tout un tas de chose mais je sais que ça ne ramènera pas cette vie non plus.

Alors je marche un peu à essayer de comprendre et je serre les dents.