Fucking blue eyes

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— T'inquiète, Manu, on fait juste un petit détour pour acheter de l’herbe et on se fait une soirée tranquille.

La promesse d’être tous les deux. Enfin seul avec le beau Zach. Et pour une fois, sans Cédric ni Mathieu. Ses deux potes débiles lui obéissent au doigt et à l'œil. Il en fait ce qu’il veut. Ça me fait rire autant que je trouve ça con. Manipuler les gens, je veux dire. C’est si facile pour Zach. Il se permet tout, lui. À croire qu’il a un don pour ça.

Je sais qu’au fond, il n’est pas comme ça. Il est si différent quand on est tous les deux. Cela ne l’empêche pas d’essayer de faire son kéké, mais avec moi, ça ne marche pas. Je ne rentre pas dans son jeu. T’es chelou mon p’tit Manu, me répète-t-il quand il voit que je lui résiste. À croire que j’ai un don, moi aussi. Celui de l’obliger à être lui-même quand je le regarde droit dans les yeux. Et j’ai bien décidé que ce sera le programme de la soirée. Être seul chez lui et le regarder dans les yeux, je veux dire.

La première fois que je l’ai vu, ses putains d’yeux bleusm'ont vrillé, c’était il y a trois ans. Ces fucking blue eyes, comme disait si bien Géraldine, son officielle du moment, qui faisait genre de maîtriser l’anglais. Elle m’énerve trop quand elle fait ça. Zach en profite et la rend follement accro. Heureusement que t’es bientôt partie avec tes vieux tout l’été, connasse. Champ libre à l’horizon. Je compte bien en profiter.

Hors de question de laisser passer ma chance. Une année que j’attends. Ouais, je sais, je ne suis pas un rapide, mais Zach, c’est de l’hétéro maxi défi. Et depuis qu’on s’est embrassés à sa fête d’anniversaire pour ses dix-huit ans (le truc inimaginable, à l’arrière de la maison de chez Géraldine), je ne pense plus qu’à ça. À cette possibilité que je n’espérais plus. Il a eu beau me dire le lendemain matin que c’est l’alcool qui lui a fait faire n’importe quoi, moi je sais que c’est faux. Il en crevait d’envie autant que moi.

Zach, je suis persuadé qu’il aime aussi les mecs. Il faut juste qu’il s’autorise à goûter au fruit défendu. À franchir le cap. Alors si tu n’as rien trouvé de mieux que de faire un détour pour acheter ta beuh, je ne vais surtout pas m’y opposer, même si ça n’a jamais été mon truc, la fumette. On pourrait me reprocher que la situation est biaisée, qu’il y a tricherie. M’en fous. Parce que Zach, je l’ai dans la peau. Les sentiments, ça ne se commande pas. Ça se vit, point barre. Et j’ai assez attendu.

Pour ce soir, j’ai un bon feeling. Mon meilleur ami Olivier (le seul mec hétéro à qui je dis tout) m’assure que je vais me ramasser, mais il ne sait pas de quoi il parle. C’est facile pour lui, il s’en fout, ça fait six mois qu’il est avec Laetitia. ll la ken au moins trois fois par semaine, soit-disant. Moi, nada. Non pas que je sois obnubilé par le sexe, mais bon. Je viens d'avoir dix-huit ans et j’ai faim, comme tout le monde. Et avec ce que j’ai vu sous les douches (je bénis les cours de sport), j’ai très envie de toucher le corps de Zach et pas que.

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