48 heures

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Ça fait 48 heures que je suis à Royan. Quelle joie pour moi de revenir ici, après un an. L’endroit est parfait pour faire un break. J’ai prévenu Olivier que je ne partirais définitivement pas en vacances avec lui. Je l’ai senti vexé, mais pas au point de me faire la gueule. Je lui ai juste dit que je m’étais grave embrouillé avec mon père et que j’avais besoin d’être seul. Il m’a exprimé tout son soutien. Encore une preuve de son amitié, j’ai vraiment de la chance.

J’ai reçu une avalanche d’excuses bidons par textos de la part de mon père. La seule chose qui l'intéresse vraiment, c’est de récupérer le dossier. Qu’il aille se faire foutre. Quant à ma mère, je l’ai rassurée sur le fait que tout allait bien. Elle ne m’a pas posé plus de questions, tant mieux. Je n’avais vraiment aucune énergie pour la rappeler et lui demander des explications sur sa mise en garde concernant mon père. A présent, tous les deux vont sans doute vouloir divorcer. Une bataille féroce se profile. Je refuse de me retrouver entre eux deux pour compter les points, même si je serais tenté de prendre la défense de ma mère.

Quant à Zach, je ne serais pas honnête si je disais que je n’avais pas passé un super week-end en sa compagnie. C’était au-delà de mes espérances les plus folles, mais cette cavale et cette histoire de shit m’ont trop pris la tête. Elles sauront, j’en suis sûr, me rattraper en temps voulu. Je regrette tellement d'avoir quitter Mezange sur un coup de tête. Ma colère a pris le dessus sans que je ne sache comment la contrôler. En plus de me faire du mal, j'ai blessé la personne à qui je tiens le plus.

Ça m’a fait du bien d’en parler à Fabrice, je n’ai rien à lui cacher. Il a pris le temps de m'écouter et a tenté de m'expliquer longuement que cette colère n'était pas uniquement la mienne mais aussi celle transmise par mes parents et par toutes les générations précédentes. Parfois, notre comportement, nos actes sont en réalité des énergies d'habitude qui nous entraînent malgré nous et nous poussent à faire certaines choses que l’on veut pourtant éviter. Ce qui s'est passé avec Zach en est un très bel exemple. Il m'a conseillé de ne pas culpabiliser ni de me blâmer. Durant deux jours, j’ai vécu des émotions extrêmes dont certaines étaient impossibles à concilier, d’où mon pétage de plomb.

Fabrice m'a aussi beaucoup parlé de méditation. Elle l'aidait au quotidien à identifier ses habitudes de comportements avec lucidité et à sourire à ses défauts. Cela lui permet aujourd’hui de choisir d'agir différemment et de mettre immédiatement fin au cycle de ses souffrances. Même si j’ai globalement compris de quoi il en retournait, j'avoue que son discours était un peu trop perché pour moi, ça m'a un peu perdu. Il est le seul véritable confident adulte avec qui je me livre sans réserve. Je lui fais entièrement confiance. Ma mère sait seulement que nous nous entendons bien, mais elle est loin de se douter des véritables liens qui nous unis tous les deux. Inutile bien sûr de lui dire que j’ai débarqué chez lui à l’improviste.

J’ai passé une bonne partie des ces deux derniers jours à dormir. Mon corps et mon esprit retrouvent le chemin d’un bien-être que je croyais avoir perdu. Ce matin, je déambule à mon rythme dans le marché couvert du centre ville. Je prend un grand plaisir à y retourner. Je suis toujours autant émerveillé par l’architecture de son toit en forme de coquille saint jacques et l'effervescence joyeuse des commerçants. Mes papilles salivent. Sur les conseils de Fabrice, je fais un premier arrêt devant la nouvelle poissonnerie Chez Babette qui a déjà une très bonne réputation, en témoigne la longue file d’attente. Je repars tout content avec mes crevettes, une belle sole et des acras de morue. Mes envies me guident ensuite devant le stand de l’épicerie italienne où je m’approvisionnais déjà l’an passé. Mon sac s'alourdit de prosciutto, d’une sauce tomate traditionnelle et de petits biscuits salés pour l’apéritif. Il me manque une baguette aux graines que je choisis dans ma boulangerie préférée. Une brioche aux pépites au chocolat me fait de l'œil, je ne résiste pas. En sortant du marché, je furète parmi les marchands de bijoux et de vêtements de bord de mer dont le mauvais goût de certains articles me fait toujours sourire.

Avant de reprendre mon vélo, je m’arrête à la Librairie de l’Albatros, une vraie caverne d’Ali Baba en plein centre-ville. Si j’ai un titre de roman en tête, je peux être sûr que je repars aussi avec deux autres, tellement le choix est de ouf ici. A peine franchi la porte que je reconnais la gentille libraire. Je lui fais un bonjour timide. Elle me sourit en me souhaitant la bienvenue. M’a-t-elle reconnu ? Je jette un œil aux nouveautés mises en avant. Je n’ai pas d’envie particulière. Je me demande par quoi je vais me laisser tenter. Rien que de regarder les quatrièmes de couverture, d’entrer dans des univers différents me font du bien. La lecture a toujours été une source d’évasion dans laquelle me réfugier. Contrairement à mon habitude, je n’ai pas de livre dans mon sac. Le dernier que j’avais est celui que j’ai trouvé dans la cabine téléphonique à Gastes. Je l’ai laissé dans la cabane de Zach pour lui faire une surprise. Il est inutile de regretter mon geste, sur le moment, ça m’a fait plaisir. Rien que de penser à lui me fait atrocement mal. Je suis interrompu dans ma torture par la libraire. Elle est contente de me revoir. Elle se rappelle donc de moi ! Je m’empresse de la remercier pour son excellent conseil de lecture de l’an dernier, A la place du cœur d’Arnaud Cathrine. Elle me propose son dernier roman paru, Romance. La couverture bleue nuit est sublime : c’est le visage d’un homme, dessiné à la manière des esquisses de Jean Cocteau. Je regarde de quoi ça parle.

C'est le mojito.

C'est un léger accident.

C'est parce qu'il n'a pas rencontré de fille.

C'est parce que je n'ai pas rencontré de garçon.

C'était juste pour essayer.

C'est pour avoir tout fait ensemble.

C'est pour tous les amis pareil.

C'est entre lui et moi.

C'est la première et la dernière fois.

C'est rien.

Ça va passer.

Après le succès de sa trilogie À la place du cœur, Arnaud Cathrine nous donne à vivre un premier amour, comme si nous y étions.

Je suis troublé par le résumé. La libraire a tapé dans le mille. Je l’achète aussitôt en découvrant un côté insoupçonné de ma personnalité, le masochisme.

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