Enfin seuls

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Si Pierrette nous voyait, elle serait fière de nous. Et dire qu’ils sont retenus, avec Mimi, Tony et Zach à la gendarmerie pour trouble à l’ordre public. C’est ridicule ! Pour l’instant, il nous a été interdit de pouvoir les approcher. En attendant, nous sommes chez Grandma et nous avons fait tout ce qu’on a pu. Surtout Etienne et Oscar, qui malgré les circonstances, ont su mettre de côté leurs différends amoureux pour servir la cause qui les animent tous les deux. Je me revois avec à l’avant du cortège, impressionné par la foule. Comme eux, je me sentais galvanisé et à fond dans leur combat.

Dans le salon, c’est l'effervescence.

— Merci messieurs, pour nous, c’est bon. Nous avons tout ce qu’il faut pour notre reportage, nous annonce tout content le cameraman.

Oscar a, quant à lui, encore une dernière question.

— Bastien, tu es sûr que ça suffira à discréditer Beauseigneur ?

— Tu rigoles ? Votre témoignage avec Etienne est parfait, tu le sais. Et puis, tu remercieras ton amie Camille qui a réussi à filmer toute la scène. Malgré la fumée, on reconnaît clairement le fils du maire et ses potes en train de tabasser votre ami.

Avec Camille, on se tape dans la main en signe de victoire.

— Quand est-ce que tu crois que votre reportage pourra être diffusé ? demande Etienne.

— Le temps qu’on fasse le montage et qu’on envoie ça à Paris, je dirais demain ou après-demain, maxi. Mais tu sais, après ce n’est plus de notre ressort et avec l’actualité, tout peut changer. Je te tiens au courant, ok ?

La poignée de main qu’ils échangent me rassure, même si ça me fait tout drôle de savoir que je vais passer à la télévision. Aussitôt Bastien et son collègue commencent à ranger leur matériel.

Etienne s’éloigne de nous pour prendre un appel téléphonique.

— Manu, as-tu réussi à joindre Joseph ? me demande Oscar.

— Oui. Je l’ai eu au téléphone juste avant que vous fassiez l'interview. Ils étaient toujours une vingtaine du collectif à siéger devant la mairie. Les gendarmes ont reçu l’ordre de déguerpir, ils ne savent pas pourquoi. Mais ça sent pas bon pour Beauseigneur. Il s’est retranché dans son bureau avec sa garde rapprochée. Ils ont envoyé Pierre leur parler pour tenter de les faire partir. Le pauvre a vite compris que c’était peine perdu.

— Très bien, ça se présente bien tout ça.

— Très bien même, ajoute Etienne qui revient tout sourire.

— T’as des nouvelles ?

— Je viens d’avoir au téléphone Beauseigneur en personne !

— Tu rigoles, il a dit quoi ? s’exclame Camille, impatiente comme nous de savoir la suite.

— Les nouvelles vont très vite. Il sait déjà pour notre interview. Apparemment, le préfet l’a appelé et il n'était pas très content.

— Comment ça ?

— C’est lui qui aurait ordonné aux gendarmes de partir. Quand il a su que son fils avait joué aux casseurs, avec ces copains débiles, il n’a pas du tout aimé. Et comme par hasard, c’est la première fois que Beauseigneur était gentil au téléphone avec moi. Il était tout mielleux, étonnant, non ? Il est disposé à un nouveau rendez-vous pour une discussion sereine et constructive, ce sont ses propres mots.

— L’heure de l’apaisement est arrivée, on dirait, s’empresse de dire Camille, rassurée.

— Attends, j’ai du mal à te croire. Cela veut dire qu’il est prêt à revoir sa copie sur son projet ? demande Oscar, sceptique.

— Oui, monsieur ! Mais, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Je demande à voir moi aussi. Et ce n’est pas tout. Beauseigneur est intervenu en faveur de Pierrette, Mimie, Tony et Zach. Ils sont sortis libres de la gendarmerie.

— Mais c’est génial, explose-je.

— Ce qui l’est moins, c’est que son fils s’en sortira lui aussi.

— C’est dégueulasse, crie Camille. Comment est-ce possible ?

— Je préfère ne pas savoir, je suis déjà écoeuré. Mais Beauseigneur me l’a fait clairement comprendre. Il fallait bien qu’il ait le dernier mot pour m’en boucher un coin.

— Ça veut dire que votre interview ne sert plus à rien ? demande-je.

— Quelle bande d’enculés ! s’offusque Oscar, qui a bien du mal à se retenir.

— J’ai la rage, mais je suis trop content que ça se termine aussi rapidement. se radoucit Camille.

— Je préviens immédiatement Joseph pour qu’il nous rejoigne à la gendarmerie, qu’en pensez-vous ?

*

Je n’en reviens pas de tout ce qui s’est passé depuis vingt-quatre heures. Après une nuit d'observation à l’hôpital, nos trois prisonniers sont revenus parmi nous. Camille est avec sa grand-mère chez elle pour prendre soin d’elle, tandis que Joseph s’occupe de Pierrette qui a bien du mal à rester à se reposer sagement. Quant à moi, je suis soulagé de constater que malgré le coup que Zach a pris, son corps est robuste.

Pour le moment, avec toutes ses émotions et le contre coup, il est encore fatigué. Le médecin qui est passé ce matin lui a prescrit un léger décontractant musculaire, ce qui a pour effet de le faire dormir comme une souche. Entre les passages de son père ou de sa grand-mère, impossible d’être seul avec lui, décidément ! Laissez nous tranquille deux secondes, please !

Je regarde l’heure sur mon téléphone, cela fait cinq minutes que personne n'est entré dans la chambre, hourra, record battu ! Je suis assis à son chevet, à lui tenir la main. Je le vois remuer puis ouvrir doucement les yeux. Zach me sourit faiblement. J’ai tellement de choses à lui dire. Je ne sais pas par quoi commencer, mais aucun son ne sort de ma bouche. Lui aussi semble hésiter à parler. Finalement, nous restons là, à nous regarder paisiblement. C’est aussi bien ainsi. Je me réjouis des prochains jours où nous pourrons profiter d’être enfin ensemble. Je crois qu’à cet instant, je suis encore plus amoureux de lui qu’avant.

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