Un bon coup de sang, nom de nom !

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Monsieur,

Veuillez trouver par la présente exposées les raisons de ma colère. Car oui, il s’agit bien d’un mouvement d’âcre humeur et de la plus pure des jalousies qu’il convient de vous manifester, pour peu que l’enseignement reçu en cours préparatoire ne vous soit pas trop nébuleux et que vous sachiez encore lire. Quant à comprendre ce que vous peinez déjà à décrypter, sachez que je suis bien loin du moindre doute, mais bel et bien dans la certitude qu’au-delà du simple sujet-verbe-complément, votre esprit plutôt singulier a déjà ses vapeurs et ses vertiges. Ce qui pourrait être fort divertissant comme spectacle pathétique si les conséquences n’étaient pas aussi catastrophiques pour le petit personnel que je suis, n’ayant pas eu les largesses de la vie d’être, comme vous, un fils à papa imbu de sa grassouillette personne. En effet, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que vous, monsieur, allez-vous marier avec Lisette, charmante enfant fraîche et guillerette, bien qu’encore un peu bécasse, et soubrette personnelle de monsieur. Vous pourriez être son père, si seulement vous saviez manœuvrer votre ridicule appendice ailleurs que dans les maisons de tolérance où, me dit-on, vous préférez nettement la compagnie des jeunes gens plutôt que celle des jeunes filles, appétence quelque peu singulière et sue de tous et toutes. Mariage de raison sans nul doute, pour taire les rumeurs qui bruissent sans bienveillance à votre endroit sur les tapis des salons et ainsi vous assurer de l’héritage, conséquent, de monsieur votre père qui bientôt sera aux cieux. Mais diantre pourquoi choisir la si belle et douce Lisette à la peau si diaphane et qui sait si bien se pâmer dans des bras entreprenants ? Qui aime tant être rudement possédée, autant que vous d’ailleurs. Il ne s’agit en rien de persiflages abjects, je m’en défends dignement, tout le village vous a maintes et maintes fois entendu hululer sous la cognée de vigoureux bûcherons. Même la Lisette, que ça a fait beaucoup rire, grassement, mais que vous allez me ravir malgré tout. Nous avions développé une charmante relation dans laquelle moi, majordome en chef, lui apprenait les ficelles du métier, comme celle de savoir comment ne pas souiller les draps après une savante mise en bouche en gobant avec gourmandise le charmant cadeau de tous ces messieurs à la tenue vigoureuse. Car oui, nous ne fûmes pas assez de toute l’équipe de servants pour éduquer de la meilleure des manières notre chère, très chère et gironde Lisette, que vous cherchez à vous accaparer pour votre seule réputation, mais surtout pour les picaillons. Alors que ce tendre talent va se perdre par votre faute, je me dois de râler fort et clair à l’unisson de mes camarades et de mes camarades (question de parité, ces demoiselles ayant aussi procédé à l’éducation prodigieuse de Lisette, ne pas le dire risquerait de provoquer un mouvement de colère dans le mouvement de colère, chose que nous voudrions éviter à tout prix et concentrer toute notre hargne noire à votre endroit, fort gras, il faut en convenir – fin de digression). Bien, je ne sais plus où j’en étais… Il est toutefois fort à parier, qu’imbibé comme vous l’êtes à longueur de journée, que ce n’est pas un ridicule anneau d’or passé au doigt de notre charmante Lisette qui fera grande différence, il nous suffira juste de vous servir un peu plus de vin d’opium et de manœuvrer finement pour, et se débarrasser de vous par un lent empoisonnement, et faire de notre Lisette votre seule héritière, et tous ensemble nous marier à elle, car nous l’aimons, nous, autant pour ses charmes et talents secrets que pour la somme coquette et rondelette que nous guignons comme des oiseaux de proies, tendance nécrophages. Vous n’en resterez pas moins qu’un vil malappris pour lequel nous n’aurons nulle bonté, bien au contraire, croyez-moi. Et le temps que vous déchiffriez cette missive, pleine de ressentis pour votre personne, notre sombre œuvre vengeresse sera aboutie, vos terres et votre or seront bien à nous ; Lisette, moins cruche, aura toutefois déjoué notre plan machiavélique et c’est elle qui ramassera la mise, toute la mise et nous, une bonne blennorragie et autres saletés que nous refilerons même à nos chiens efflanqués. Mais avant, je me dois ce mouvement d’humeur qui, du fond des tripes se doit d’être exprimé, poliment, mais fermement : zut alors !

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